Instruction DGT/CT2 n° 2015/238 du 16 octobre 2015 concernant l’application du décret du 29 juin 2015 relatif aux risques d’exposition à l’amiante

Date de signature :16/10/2015 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :30/11/2015 Emetteur :Ministère du Travail
Consolidée le : Source :BO Travail n°2015/11 du 30 novembre 2015
Date d'entrée en vigueur :30/11/2015

Instruction DGT/CT2 n° 2015/238 du 16 octobre 2015 concernant l’application du décret du 29 juin 2015 relatif aux risques d’exposition à l’amiante
 
NOR : ETST1517423J
 
Date d’application : immédiate.
Résumé : la présente instruction a pour objet d’expliciter les mesures de prévention collective et individuelle qui devront être mises en œuvre lors des opérations exposant à l’amiante, afin de garantir le respect de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) aux fibres d’amiante abaissée depuis le 2 juillet 2015 à 10 f/L. Elle appelle à une vigilance accrue des agents de contrôle de l’État et des acteurs concernés afin d’améliorer la gestion des opérations réalisées notamment sur les plâtres « amiantés » en recommandant la mise en œuvre de mesures d’ordre organisationnel et technique qu’impose l’abaissement de la VLEP. Enfin, elle appelle également à une attention particulière sur les mesures d’empoussièrement réalisées par les organismes accrédités pour les phases de travail générant des empoussièrements importants.
Mots clés : risque – fibres d’amiante – empoussièrement – exposition (VLEP) – évaluation – processus – EPI – MPC – FPA – APR – tenue étanche ventilée – employeur – organisme accrédité.
Référence : décret n° 2015-789 du 29 juin 2015 relatif aux risques d’exposition à l’amiante modifiant les articles R. 4412-98 et R. 4412-110 du code du travail.


 
Annexe :
Annexe 1. – Modalités et prescriptions techniques en vue du respect de la VLEP amiante.
Le directeur général du travail à Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ; Mesdames et Messieurs les directeurs des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ; M. le directeur de la cohésion sociale, du travail, de l’emploi et de la population de Saint-Pierre-et-Miquelon ; Mesdames et Messieurs les directeurs d’unité territoriale ; Mesdames et Messieurs les responsables des unités de contrôle ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs et contrôleurs du travail.
 
La présente instruction a pour objet de vous informer des mesures de prévention collective et individuelle qui devront être mises en œuvre lors des opérations exposant à l’amiante, afin de garantir le respect de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) aux fibres d’amiante abaissée depuis le 2 juillet 2015 à 10 f/L par le décret n° 2015-789 du 29 juin 2015 relatif aux risques d’exposition à l’amiante.
 
Parallèlement à l’abaissement de la VLEP, le même décret a maintenu de manière transitoire les bornes des niveaux d’empoussièrement définis à l’article R. 4412-98 à leur valeur antérieure au 2 juillet 2015, dans l’attente des conclusions d’une étude conduite par l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) et destinée à réévaluer les facteurs de protection assignés (FPA) des appareils de protection respiratoire (APR) selon la méthode de la microscopie électronique à transmission analytique.
 
La présente instruction a pour objet de préciser d’ores-et-déjà les conséquences qu’il y a lieu de tirer de certaines données contenues dans le rapport intermédiaire de l’INRS, notamment au sujet des moyens de protection à mettre en œuvre.
 
I. – UNE RÉGLEMENTATION TRÈS PROTECTRICE CONTRE LES RISQUES D’EXPOSITION À L’ AMIANTE
 
La France est un des pays au monde qui assure le plus haut niveau de protection des travailleurs contre le risque d’exposition à l’amiante, depuis la réforme réglementaire entrée en vigueur en juillet 2012. Celle-ci prend en compte les avis de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) de février et septembre 2009, et les préconisations de l’INRS de septembre 2011 faisant suite à la campagne META initiée, pilotée et financée par la DGT en 2009 et 2010, et dont l’INRS a assuré l’exploitation des résultats.
 
Les principales dispositions introduites par le décret no 2012-639 du 4 mai 2012 et ses arrêtés d’application(1) étaient notamment les suivantes :

 
En vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (CT), fixant notamment les principes généraux de prévention, l’employeur doit procéder à l’évaluation des risques et s’assurer du respect de la VLEP pour l’ensemble des travailleurs exposés. En présence d’un risque d’exposition à l’amiante, l’article R. 4412-98, issu du décret du 4 mai 2012, prévoyait que :
 
« Pour l’évaluation des risques, l’employeur estime le niveau d’empoussièrement correspondant à chacun des processus de travail et les classe selon les trois niveaux suivants :
« a) Premier niveau : empoussièrement dont la valeur est inférieure à la valeur limite d’exposition professionnelle ;
« b) Deuxième niveau : empoussièrement dont la valeur est supérieure ou égale à la valeur limite d’exposition professionnelle et inférieure à 60 fois la valeur limite d’exposition professionnelle ;
« c) Troisième niveau : empoussièrement dont la valeur est supérieure ou égale à 60 fois la valeur limite d’exposition professionnelle et inférieure à 250 fois la valeur limite d’exposition professionnelle. »
 
Ces niveaux d’empoussièrement avaient été définis par référence aux FPA (mesurés en 1996 selon la méthode de microscopie optique à contraste de phase - MOCP) des appareils de protection respiratoire, et au vu des résultats de la campagne précitée de mesurage des empoussièrements d’amiante suivant la technique META.
 
Les moyens de prévention à mettre en œuvre par l’employeur sont réglementairement définis selon ces trois niveaux, qu’ils soient collectifs (arrêté du 8 avril 2013) ou individuels (arrêté du 7 mars 2013). Pour chaque niveau d’empoussièrement, est définie une gamme d’EPI garantissant le respect de la VLEP (article R. 4412-110).
 
(1) Arrêtés du 8 avril 2013 relatif aux règles techniques, aux mesures de prévention et aux moyens de protection collective à mettre en œuvre par les entreprises lors d’opérations comportant un risque d’exposition à l’amiante et du 7 mars 2013 relatif au choix, à l’entretien et à la vérification des équipements de protection individuelle utilisés lors d’opérations comportant un risque d’exposition à l’amiante 
 
II. – L ’ACCOMPAGNEMENT DE L’ABAISSEMENT DE LA VLEP AU 2 JUILLET 2015
 
L’article 5 du décret du 4 mai 2012 prévoyait l’abaissement de la VLEP de 100 à 10 fibres par litre, en prenant en compte les fibres fines, à compter du 2 juillet 2015. Cette échéance très importante en matière de protection des travailleurs a été respectée et confirmée par le décret no 2015-789 du 29 juin 2015, relatif aux risques d’exposition à l’amiante qui, à l’article R. 4412-110, exige que « selon les niveaux d’empoussièrement prévus par les articles R. 4412-96 et R. 4412-98, l’employeur met à disposition des travailleurs des équipements de protection individuelle adaptés aux opérations à réaliser et assurant le respect de la valeur limite d’exposition professionnelle ».
 
Ces dispositions renforcent celles prévues par l’arrêté du 7 mars 2013 qui permettent d’ores et déjà d’assurer l’abaissement effectif de la VLEP à 10 f/L.
 
Une étude sur les FPA des appareils de protection respiratoire était au nombre des préalables techniques nécessaires à l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle. Le respect de la VLEP étant contrôlé, par division du niveau d’empoussièrement par le FPA de l’appareil de protection respiratoire porté pendant la durée de travail, la réévaluation des équipements de protection collective et individuelle, pour apprécier leur efficacité vis-à-vis des fibres fines (FFA) et fibres courtes (FCA) d’amiante en métrologie META, était de ce fait préconisée dans l’avis de l’AFSSET de février 2009. Tel a été l’objet de la demande d’expertise adressée au soin de l’INRS par la DGT.
 
L’INRS a transmis officiellement le 22 juin 2015 à la Direction Générale du Travail un rapport intermédiaire de l’étude, démarrée en 2012 concernant le FPA des APR à adduction d’air (AA). A ce stade, il s’agit d’un rapport partiel, la complexité du sujet et la rigueur des études nécessitant le suivi de différentes étapes de validation scientifique avant une version finale et l’ensemble des résultats, indispensable pour faire évoluer les niveaux d’empoussièrement réglementaires. En particulier, les résultats concernant les APR à ventilation assistée (VA) ne sont pas attendus avant la fin de l’année 2015.
 
Par conséquent, le ministère chargé du travail a décidé de maintenir transitoirement les niveaux d’empoussièrement à leur valeur antérieure au 2 juillet 2015 . Tel est l’objet du décret no 2015-789 du 29 juin 2015 qui par la modification de l’article R. 4412-98 du code du travail (CT) prévoit d’exprimer les bornes des niveaux d’empoussièrement selon leur valeur numérique, à savoir 100 f/L, 6 000 f/L et 25 000 f/L, et non plus en référence au FPA des APR. S’ouvre ainsi une période transitoire s’appuyant sur les connaissances scientifiques actuelles sur les FPA (250 pour l’AA et 60 pour la VA).
 
Dès que les résultats complets et définitifs de l’étude INRS sur les FPA des APR seront transmis, ils donneront lieu à la révision du décret du 4 mai 2012 modifié et des arrêtés du 7 mars et du 8 avril 2013 précités.
 
En outre, certains points du rapport intermédiaire de l’étude INRS nécessitent d’être pris en compte sans attendre le rapport final et le ministère du travail entend en tirer immédiatement les conséquences pour donner aux employeurs les indications nécessaires leur permettant d’adapter leur organisation de travail et leur moyens de protection collective et individuelle sur les chantiers.
 
II.1. La réévaluation des équipements de protection individuelle utilisés
 
Les APR utilisés assurent une protection respiratoire adéquate des travailleurs, dès lors qu’ils sont bien choisis au regard des niveaux d’empoussièrement mesurés et correctement utilisés. Ces constats (EPI adapté au niveau d’empoussièrement), qui sont corroborés par les données saisies dans la base SCOLA de l’INRS, révèlent une amélioration globale de la prévention sur les chantiers de désamiantage.
 
À ce titre et faisant suite aux décisions prises lors de la commision générale du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) du 12 juin 2015, le décret no 2015-789 du 29 juin 2015 précité modifie l’article R. 4412-110 du CT en rappelant expressément que les équipements de protection individuelle, adaptés aux opérations à réaliser, doivent assurer le respect de la VLEP.
 
Par ailleurs, l’arrêté du 7 mars 2013, prévoit une gamme d’EPI en fonction du niveau d’empoussièrement. Les modalités et prescriptions techniques dont la mise en œuvre conditionne le respect de la VLEP sont développées en annexe de la présente instruction.
 
II.2. La réévaluation des moyens de protection collective
 
a) Une sous-estimation des niveaux d’empoussièrement de niveau 3
 
L’INRS a constaté une sous-estimation importante des niveaux d’empoussièrement résultant des mesurages effectués par les organismes accrédités (OA) lors de retrait de plâtres, de retrait d’enduits ou de retrait de flocages, ses propres mesurages révélant des niveaux d’empoussièrement excédant largement à la fois le niveau attendu dans les plans de retrait et le seuil réglementaire maximal de 25 000 f/L.
 
Il en résulte une sous-évaluation du niveau d’empoussièrement des processus en cause et un sous-dimensionnement des EPI au regard du niveau de risques. C’est toute l’évaluation des risques (EVR) des entreprises concernées qui se trouve ainsi viciée, pouvant aboutir au final à une exposition des travailleurs au-delà de la VLEP et à un dépassement de la borne supérieure du niveau 3 de 25 000 f/L.
 
Par ailleurs, la question des plâtres nécessite un traitement spécifique avec la mise en œuvre de mesures appropriées au vu des constats figurant dans le rapport intermédiaire de l’INRS, pour lesquelles des recommandations sont indiquées en annexe de la présente instruction.
 
S’agissant des organismes accrédités, dont la DGT, en lien avec le comité français d’accréditation (Cofrac), accompagne depuis 2012 la montée en compétence, il est rappelé que la réalisation de stratégies d’échantillonnage représentatives des phases d’exposition suppose que le chargé de stratégie réalise une étude des postes en zone de travail. Dans le même ordre d’idée, les préleveurs doivent être présents durant le temps de prélèvement de manière à surveiller le fonctionnement des pompes, à procéder aux changements de filtres nécessairement plus fréquents lorsque l’empoussièrement est très élevé et à décrire les conditions de réalisation de l’opération.
 
b) Des principes de prévention collective insuffisamment mis en œuvre
 
Aux termes des articles R. 4412-108 (1o) et R. 4412-109 du CT, « l’employeur met en œuvre des techniques et des modes opératoires de réduction de l’empoussièrement tels que le travail robotisé en système clos, la réduction de la volatilité des fibres d’amiante par l’imprégnation à cœur des matériaux contenant de l’amiante avec des agents mouillants, le démontage des éléments par découpe ou déconstruction » et « met en place des moyens de protection collective adaptés à la nature des opérations à réaliser permettant d’éviter la dispersion de fibres d’amiante en dehors de la zone de travail et d’abaisser la concentration en fibres d’amiante au niveau le plus bas techniquement possible. »
 
Ces moyens comprennent :
 
1° L’abattage des poussières ;
2° L’aspiration des poussières à la source ;
3° La sédimentation continue des fibres en suspension dans l’air ;
4° Les moyens de décontamination appropriés. »
 
Par ailleurs, l’article R. 4412-118 prévoit que « L’employeur détermine en tenant compte des conditions de travail, notamment en termes de contraintes thermiques ou hygrométriques, de postures et d’efforts, la durée de chaque vacation et le nombre de vacations quotidiennes… ».
 
Après trois années de mise en œuvre de la réglementation introduite par le décret du 4 mai 2012, il paraît indispensable et essentiel d’insister sur certains procédés de travail conformes aux principes fondamentaux de nature à satisfaire aux obligations précitées, leur mise en œuvre étant une priorité.
 
Principes d’ordre organisationnel

 
Principe d’ordre technique

 
III. – LE RÔLE ET L’ACCOMPAGNEMENT DES PROFESSIONNELS ET DU SYSTÈME D’INSPECTION DU TRAVAIL
 
La DGT appuie l’appropriation de la réglementation et la montée en compétence demandée à l’ensemble des professionnels de ce secteur qui emploie environ 35 000 travailleurs et au système de l’inspection du travail.
 
Des réflexions sont en cours sur le renforcement de la formation initiale des travailleurs en lien avec la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et les branches professionnelles concernées.
 
Enfin pour assurer le contrôle de l’effectivité de la réglementation sur les opérations exposant à l’amiante, la DGT a constitué un réseau de 62 formateurs-relais régionaux, noyau des réseaux régionaux des risques particuliers mis en place dans le cadre de la réforme du système d’inspection du travail.
 
Afin d’aider les professionnels concernés (donneurs d’ordre, entreprises, organismes accrédités…) dans la réévaluation de leurs moyens de prévention et prendre en compte les informations précitées, l’abaissement de la VLEP est également accompagné par la publication, le 1er octobre 2015, d’un Questions-Réponses métrologie réactualisé, élaboré par un groupe de travail piloté par la DGT, et comprenant les organisations professionnelles (OP) du secteur, l’INRS, la CNAM/TS, le Cofrac et la direction générale de la santé.
 
Dans ce contexte, la DGT recommande une réévaluation des mesures de protection à mettre en œuvre pour les opérations exposant à l’amiante, selon les modalités techniques définies en annexe.
 
En priorité, les agents de l’inspection du travail sont invités à appeler l’attention des donneurs d’ordre sur la nécessité de réexaminer l’opportunité du retrait envisagé des matériaux les plus émissifs, tels que les plâtres, au profit du maintien en place de ces matériaux contenant de l’amiante (MCA) en procédant à un encapsulage étanche.
 
À défaut de telles actions, les agents devront s’assurer, lorsqu’ils seront destinataires d’un plan de retrait, que l’employeur peut démontrer, au besoin par un chantier test, sa capacité à satisfaire le respect de la VLEP. Les plans de retrait antérieurs au 2 juillet 2015 qui n’ont pas anticipé l’abaissement de la VLEP devront être modifiés, par l’adoption d’un avenant.
 
En cas de constat d’une situation d’exposition des travailleurs au-delà des limites réglementaires, les agents de contrôle mettront en œuvre les moyens cœrcitifs appropriés.
 
Les DIRECCTE sont invitées, en ce qui les concerne, à sensibiliser les acteurs économiques au plan territorial sur les évolutions réglementaires et les mesures de prévention à mettre en œuvre durant la période transitoire.
 
IV. – CALENDRIER RÉGLEMENTAIRE EN PERSPECTIVE
 
Le ministère chargé du travail engagera une concertation avec l’ensemble des acteurs pour faire évoluer plus en profondeur la réglementation dès que le rapport complet et définitif de l’INRS sera disponible.
 
Cette concertation s’appuiera également sur les résultats mesurés par les OA en META et saisis dans la base SCOLA, ceux de la campagne « CARTO » pilotée par l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), et ceux de la convention conclue avec la fédération des services énergie et environnement (FEDENE), qui visent à mesurer les empoussièrements relevant de la sous-section 4, afin de pouvoir compléter le dispositif réglementaire au regard de ces interventions et des situations relevant du génie civil.
 
Des évolutions de l’arrêté du 14 août 2012, relatif aux mesurages des empoussièrements et au contrôle de la VLEP par les OA, et des normes auxquelles renvoie la réglementation sont également prévues pour prendre en compte les préconisations de l’INRS consécutives à l’exploitation des résultats saisis dans la base SCOLA, les résultats des essais de comparaisons interlaboratoires et les formations dispensées aux responsables techniques et qualité des OA.
 
La présente instruction sera largement diffusée à l’ensemble des partenaires de la prévention et mise en ligne sur les sites www.circulaires.gouv.fr et www.travailler-mieux.gouv.fr.
 
La DGT (bureaux CT2 et DASIT) assure la diffusion des informations et la veille juridique, technique et organisationnelle dans la mise en œuvre de cette instruction.
 
Je vous demande de porter rapidement l’ensemble de ces informations à la connaissance des agents du système d’inspection du travail concernés et de m’informer des remarques ou demandes de précisions complémentaires que la présente instruction susciterait.
 
Je vous remercie pour votre contribution à la mise en œuvre de la présente instruction.
 
Le directeur général du travail,
Y. Struillou

 

ANNEXE 1
MODALITÉS ET PRESCRIPTIONS TECHNIQUES EN VUE DU RESPECT DE LA VLEP AMIANTE

 
I. – CONDITIONS DE RESPECT DE LA VLEP

 
La nouvelle étape réglementaire qui a débuté le 2 juillet 2015 porte sur :

 
Cet ajustement rend nécessaire la vérification du respect de la VLEP par les employeurs. Cette annexe rappelle donc les éléments essentiels permettant à l’employeur d’assurer son obligation de résultat en matière de santé et de sécurité des travailleurs exposés aux fibres d’amiante.
 
I.1. Rappel de quelques notions élémentaires relatives à la réglementation amiante
 
a) Exposition et empoussièrement
 
L’évaluation du risque amiante repose sur une approche par mesure et contrôle des niveaux d’empoussièrement générés par les travaux réalisés sur les matériaux et produits contenant de l’amiante (MPCA). Cette notion est définie au 6o de l’article R. 4412-96 comme étant « le niveau de concentration en fibres d’amiante généré par un processus de travail dans la zone de respiration du travailleur, à l’extérieur de l’appareil de protection respiratoire … ». La notion d’empoussièrement concerne donc l’amont de l’appareil de protection respiratoire (APR), dans la zone de travail, tandis que l’exposition réelle du travailleur est contrôlée dans sa zone de respiration directe. En matière d’exposition à l’amiante, compte tenu du port d’un APR, l’exposition est calculée par la division du niveau d’empoussièrement mesuré du processus ou de la phase opérationnelle par le facteur de protection assigné (FPA) de l’APR, pondérée sur 8h, durée de référence de la VLEP amiante.
Le rappel des modalités de calcul est exposé au point I-2).
 
b) Phases opérationnelles et processus
 
Le processus défini au 9o de l’article R. 4412-96 recouvre « les techniques et modes opératoires utilisés, compte tenu des caractéristiques des matériaux concernés et des moyens de protection collective mis en œuvre » alors que les phases opérationnelles définies au 8o du même article regroupent toutes « les parties de l’opération, simultanées ou successives, susceptibles d’engendrer différents niveaux d’empoussièrement » et donc d’exposition. Il convient pour évaluer l’exposition journalière d’un travailleur de prendre en compte toutes les phases opérationnelles exposantes aux fibres d’amiante y compris celles où les expositions ne sont pas directement liées à l’activité (ex : les expositions passives durant la phase de récupération).
 
Pour illustrer ces définitions, le retrait de plâtres amiantés par burinage constitue un processus alors que le ramassage des déchets amiantés, le nettoyage de la zone ou l’arrosage du matériau contenant de l’amiante ne constituent pas un processus mais font partie de la phase opérationnelle.
 
Eu égard aux premiers résultats de l’étude INRS sur la réévaluation des FPA, les phases opérationnelles tels que le ramassage des déchets amiantés ou l’arrosage du MPCA en continu peuvent générer des empoussièrements plus importants que les processus de retrait du matériau amianté. Il est donc autant nécessaire de caractériser et d’évaluer l’empoussièrement d’une phase opérationnelle que celui d’un processus.
 
I.2. Rappel des modalités de calcul de l’exposition aux fibres d’amiante
 
Le contrôle du respect de la VLEP de 10 f/L est fondé sur les résultats des mesures des niveaux d’empoussièrement des processus, des phases opérationnelles avec une exposition directe (ramassage des déchets, récupération et brumisation du matériau amianté, etc..) et des phases d’exposition passives. Le calcul de l’exposition E8h tient compte de la concentration (C) du niveau d’empoussièrement des phases de travail, des valeurs des facteurs de protection assignés (FPA) de l’EPI utilisé lors de la mise en œuvre de la phase de travail (l’absence de port de protection respiratoire équivaut à un facteur 1) et des durées en heure (d) des phases de travail. Ce calcul E8h est la valeur moyenne d’exposition à l’amiante sur 8 heures, donnée en fibres par litre d’air au poste de travail :
 
E8h = [d1 x (C1/FPA1) + d2 x (C2/FPA2) + …. + dn x (Cn/FPAn)] / 8
 
Remarques :

 
Les employeurs doivent donc tenir à jour un registre, un logiciel ou tout document équivalent permettant de collecter les durées des phases de travail d’une journée d’un travailleur exposé aux fibres d’amiante afin d’effectuer le calcul de l’exposition professionnelle aux fibres d’amiante (voir exemple au § II-3).
 


I.3. Les classes d'efficacité des EPI prescrits dans l'arrêt du 7 mars 2013

 

Description Classe FPN FPA
Demi-masque filtrant(1)
Demi-masque avec filtre 
Masque complet avec filtre
FFP3 
P3
P3
50
48
1 000
10
10
30
Appareil filtrant à ventilation assistée avec demi-masque  TM2 P 200 20
Appareil filtrant à ventilation assistée avec cagoule ou casque TH3 P 500 40
Appareil filtrant à ventilation assistée avec masque complet TM3 P 2 000 60
Appareil isolant à adduction d’air à débit continu 4A/4B 2 000 250
Tenue étanche ventilée - vêtement ventilé-pressurisé(2) de 1 à 5 de 2 000 à 50 000 de 2 000 à 50 000

 



avec FT : fuite totale vers l’intérieur autorisée, en %. Elle est mesurée en laboratoire sur des porteurs d’appareils exécutant une série d’exercices dans une enceinte d’essai où est pulvérisé un aérosol de chlorure de sodium.


I.4. Les moyens de protection collective

Tableau 2 : Tableau synthétisant l'arrêté du 8 avril 2013 relatif aux règles techniques, aux mesures de prévention et aux moyens de protection collective à mettre en oeuvre par les entreprises lors d'opérations comportant un risque d'exposition à l'amiante




II. – LE CHOIX DES ÉQUIPEMENTS DE PROTECTION INDIVIDUELLE PERMETTANT LE RESPECT DE LA VLEP
 
L’arrêté du 7 mars 2013 relatif aux équipements de protection individuelle (EPI) définit une gamme d’EPI par niveau d’empoussièrement, en complément des moyens de protection collective. Eu égard aux facteurs de protection assignés des EPI actuellement définis au § I-3, le tableau ci-dessous récapitule les appareils de protection respiratoire préconisés et adaptés par niveau et tranche d’empoussièrement afin de garantir le respect de la VLEP à 10 f/L.
 
En pratique, pour respecter la VLEP, il conviendra de diminuer les niveaux d’empoussièrement et si nécessaire :
-d’adapter les temps de vacations par jour selon les modalités décrites au § II-1,
-ou de choisir des EPI plus protecteurs.
 
 
II.1 Choix des appareils de protection respiratoire par niveau (et tranche) d’empoussièrement permettant le respect de la VLEP à 10 f/L
 
 

Il est à noter que pour des opérations dont le niveau d’empoussièrement est situé au-delà de 3 300 f/L, la DGT recommande aux entreprises qui utiliseront l’appareil isolant à adduction d’air d’augmenter le taux de renouvellement de l’air de la zone de travail (de 6 à 15 pour les niveaux situés entre 3 300 et 6 000 f/L et de 10 à 20 fois le volume par heure de la zone traitée pour les niveaux situés entre 6 000 et 10 000 f/L), dans les limites liées à la configuration de la zone de travail, de manière à assainir l’air de la zone plus efficacement et à réduire le niveau d’empoussièrement.

Pour mémoire, l’AFSSET, dans son avis de 2009, précisait entre autres points :

 
Cet avis rappelait que :

 
Par conséquent, pour des interventions d’une durée de moins de 15 min relevant de la SS4, le port d’un APR à ventilation assistée (FPA 60) peut être admis jusqu’à un niveau d’empoussièrement maximum de 3 000 f/L et le port d’un APR à adduction d’air (FPA 250) jusqu’à un niveau d’empoussièrement maximum de 12 500 f/L.
 
 
II.2. Informations complémentaires sur la tenue étanche ventilée (vêtement ventilé-pressurisé)
 
La tenue étanche ventilée préconisée notamment pour le niveau 3 d’empoussièrement a jusqu’alors été très peu utilisée dans les opérations de désamiantage car l’appareil isolant à adduction d’air suffisait pour respecter la VLEP de 100 f/L. Avec l’abaissement de la VLEP à 10 f/L, la tenue étanche ventilée sera incontournable pour certaines opérations de désamiantage relevant de ce niveau d’empoussièrement et trouvera toute son utilité pour les chantiers de désamiantage en milieu nucléaire.
 
L’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), organisme notifié pour la certification CE des vêtements de protection ventilée contre la contamination radioactive sous forme de particules, a transmis à la DGT des informations techniques et scientifiques sur les modalités de certification des vêtements ventilés-pressurisés de protection contre la contamination radioactive, sur les méthodes d’essais employées pour déterminer le niveau de protection qu’ils apportent à l’utilisateur et sur leur représentativité à l’égard des fibres d’amiante, ainsi que les performances d’un panel de vêtements sélectionnés par la DGT.
 
La DGT a sélectionné 6 tenues étanches ventilées certifiées par l’IRSN, dont 3 vêtements ventiléspressurisés et 3 EPI combinés (vêtement ventilé + masque/cagoule) dont la synthèse des performances figure dans le tableau no 3 ci-après. Il ne s’agit cependant que d’une liste non exhaustive des tenues étanches ventilées certifiées et mises sur le marché, la notice technique des EPI étant disponible auprès de chaque fabricant.
 
Ne disposant pas encore du FPA de la tenue étanche ventilée nécessaire au calcul de l’exposition aux fibres d’amiante, la DGT a interrogé l’IRSN pour savoir si les résultats des essais de détermination du FPN réalisés dans le cadre des évaluations des vêtements ventilés-pressurisés de protection contre la contamination radioactive, pouvaient être utilisés pour évaluer un niveau de protection contre les fibres d’amiante.
 
L’analyse développée par l’IRSN ne prend pas en compte la représentativité de la séquence d’activité normalisée par rapport à l’activité rencontrée sur un chantier de désamiantage. Les essais de détermination du facteur de protection nominal sont réalisés en laboratoire par l’intermédiaire d’un aérosol de particules de chlorure de sodium ayant un diamètre médian massique de 0,6 μm.
 
(3) As Low As Reasonably Achievable (aussi bas que raisonnablement possible).
(4) Pour plus de détails, se reporter au rapport d’expertise collective en vue de la fixation de valeurs limites d’exposition à des agents chimiques en milieu professionnel de décembre 2008, portant sur les recommandations relatives aux valeurs limites d’exposition professionnelle en vue de limiter l’importance et le nombre de pics d’exposition dans une journée de travail (partie 1).
 
D’après l’IRSN, les paramètres identifiés comme pouvant être à l’origine des écarts entre le FPN et le FPA d’un APR, sont les suivants :

 
Dans le cas des vêtements ventilés-pressurisés, le vêtement englobe totalement le porteur ; par conséquent, seul le comportement différent de l’EPI au regard des fibres d’amiante par rapport aux particules de chlorure de sodium de 0,6 μm utilisées pour calculer le FPN peut justifier un écart.
 
Une première évaluation effectuée par l’IRSN de cet impact fait apparaître que l’utilisation de particules de chlorure de sodium de 0,6 μm pour mesurer le facteur de protection de tenues ventilées à l’égard de fibres d’amiante (Longueur > 5 μm, diamètre < 3 μm et L/D>3) donne a priori un résultat plus pénalisant qu’avec les fibres d’amiante. La DGT veillera à ce que ces éléments soient vérifiés par des essais complémentaires sur chantier de désamiantage.
 
Au regard de cette analyse scientifique, la DGT considère donc à ce stade que le FPA à utiliser pour le calcul de l’exposition est égal au FPN de la tenue étanche ventilée utilisée.
 
Enfin, il est important de préciser qu’à ce jour, les tenues sont certifiées pour un usage unique, elles devront être évacuées à titre de déchet à la fin de chaque vacation.
 
II.2. Tableau 3 : synthèse des performances pour les tenues étanches ventilées sélectionnées par la DGT
 


 
 II.3. Exemple de calcul de l’exposition en vue de vérifier le respect de la VLEP
 
Description des phases opérationnelles d’une journée de travail
 

Horaires de travail Durée  (d) de la phase de travail
Heures/minutes
Phases opérationnelles Concentration du niveau
d’empoussièrement
Fibres / litres
APR Porté Facteur de protection assignée
8h-10h 2h/ 120mn Processus 1 700 TM3P VA 60
10h-10h30 0.5h/ 30mn Récupération <1.5 - 1
10h30-12h00 1.5h/ 90mn Processus 2 4 000 Adduction d’air 250
Pause repas Sans objet – il ne s’agit pas d’une phase de travail        
14h-16h00 2h/ 120mn Processus 3 50 TM2P 20
16H00-16H30 0.5h/30mn Récupération <1.5 - 1
16h30/17h00 0.5h/ 30mn Travail hors zone avec exposition passive <2.99 FFP3 10

 

Durée de la vacation journalière sous APR : 6h
Durée totale des phases opérationnelles : 7h soit 420 mn Calcul du respect de la VLEP :
 

 
Soit : (1 400 + 22.5 + 1 440 + 300 + 22.5 + 4.485) /480 = 6,65 f/L sur 8h00.
 
Conclusion : L’exposition quotidienne du travailleur est égale à 6,65 f/L, la VLEP-8h réglementaire de 10 f/L est donc respectée. Les appareils de protection respiratoire portés sont en adéquation avec les niveaux d’empoussièrement et l’activité journalière du travailleur.
 
III. – PRÉCONISATIONS SPÉCIFIQUES POUR LES PLÂTRES ET ENDUITS AMIANTÉS
 
Les résultats de la campagne META, de la base SCOLA et des premiers chantiers réalisés dans le cadre de l’étude INRS sur les FPA démontrent qu’une attention et vigilance particulières doivent être engagées pour les chantiers de retrait de plâtres et d’enduits amiantés. En effet, ces matériaux sont particulièrement émissifs et génèrent davantage de fibres fines d’amiante susceptibles de pénétrer plus facilement à l’intérieur du masque.
 
Les chantiers de retrait de plâtres ou d’enduits amiantés génèrent des niveaux d’empoussièrement pouvant être importants mais très variables selon la technique et le mode opératoire employés. C’est pourquoi, la DGT préconise aux entreprises de revoir leurs processus et l’organisation de ces chantiers en y intégrant les recommandations suivantes afin de leur permettre de garantir le respect de la VLEP à 10 f/L :
 
a) Recommandations d’ordre organisationnel

 
b) Recommandations d’ordre technique