Circulaire du 5 novembre 2016 relative à l’articulation des mesures administratives et des mesures judiciaires en matière de lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation

Date de signature :05/11/2016 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :06/12/2016 Emetteur :Ministère de la Justice
Consolidée le : Source :http://circulaire.legifrance.gouv.fr
Date d'entrée en vigueur :07/12/2016

Circulaire du 5 novembre 2016 relative à l’articulation des mesures administratives et des mesures judiciaires en matière de lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation

NOR : JUSD1633563C
 
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
 
Le ministre de l’intérieur,
à
Pour attribution
Mesdames et messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel
Mesdames et messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance
Mesdames et messieurs les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires
Mesdames et messieurs les chefs d’établissement pénitentiaire
Monsieur le préfet de police
Mesdames et messieurs les préfets de région
Mesdames et messieurs les préfets de département
Monsieur le préfet de police des Bouches-du-Rhône
 
Annexes : 6
 
Ces deux dernières années ont été marquées par une forte recrudescence d’actions terroristes sur notre territoire et par une évolution notable des modes opératoires.
 
La France demeure aujourd’hui exposée à une menace terroriste majeure liée aux conflits dans la zone irako-syrienne et au retour en Europe de combattants ayant reçu une formation militaire et projetant la commission d’actions violentes sous l’impulsion directe des organisations terroristes opérant sur zone.
 
Cette menace terroriste procède également d’actions individuelles commises par des individus radicalisés n’ayant pas nécessairement de liens opérationnels poussés avec une organisation mais qui peuvent être destinataires de consignes de passage à l’acte ou animés d’une volonté d’imitation.
 
Face à l’ampleur du phénomène et à la recrudescence des signalements de cas de radicalisation violente, la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, ont renforcé les mesures de police administrative permettant de faire face à la menace terroriste et de prendre en compte les nouveaux modes d’actions et les nouvelles formes de menace. Le législateur français a ainsi enrichi l’arsenal répressif d’un volet préventif reposant sur des mesures de police administrative destinées à entraver ou contrôler la circulation des individus représentant un risque.
 
Cette approche duale nécessite de votre part la mise en place d’une coordination forte de l’action judiciaire et de l’action administrative afin de garantir la complémentarité des mesures décidées dans chacun de ces cadres.
 
Nous appelons particulièrement votre attention sur les échanges d’informations relatives aux situations individuelles. De leur qualité dépendra la bonne articulation des mesures administratives et judiciaires.
 
Cette coordination est un élément crucial de la lutte contre le terrorisme et constitue une priorité du Gouvernement. Une action vigilante et déterminée en ce domaine est donc nécessaire.
 
La présente circulaire a pour objet de vous présenter les mesures nouvellement créées, et de vous rappeler les potentialités des mesures existantes, qu’elles soient ou non spécifiques, dans la lutte contre le terrorisme et la prévention du passage à l’acte.
 
L’articulation des mesures administratives et judiciaires poursuit un triple objectif :

 
A titre liminaire, certains principes généraux méritent d’être rappelés.
 
Les instances partenariales compétentes en matière de prévention de la radicalisation, notamment celles mises en place dans le prolongement du plan gouvernemental de lutte contre la radicalisation du 23 avril 2014, telles que les cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles, doivent demeurer le lieu privilégié de l’échange d’informations entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire.
 
Ces instances associent en effet les services de l’Etat concernés et compétents en matière de prévention de la délinquance, d’éducation et de politique de ville, les procureurs de la République du ressort et, en tant que de besoin, les représentants des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire.
 
Il convient par ailleurs de rappeler que le fichier des personnes recherchées (FPR) constitue le premier vecteur opérationnel de partage de l’information. Il est en effet primordial que l’autorité administrative soit en mesure de connaître l’existence d’une mesure judiciaire avant d’édicter une mesure de police administrative, en particulier dans les cas de personnes recherchées ou sous-main de justice.
 
L’article 230-19 du code de procédure pénale énumère les décisions judiciaires inscrites au FPR parmi lesquelles certaines sont susceptibles d’intéresser l’autorité administrative qui envisage de mettre en œuvre une telle mesure (interdiction de sortie du territoire, assignation administrative à résidence, expulsion…).
 
Sont en particulier inscrites au fichier des personnes recherchées, au titre des décisions judiciaires :

 
1 - Interdiction de sortir de limites territoriales déterminées ;
Interdiction de s’absenter de son domicile ou de sa résidence sauf sous certaines conditions ;
Interdiction de paraître en certains lieux,
Obligation de remettre soit au greffe soit à un service de police soit à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l’identité, et notamment le passeport ;
Interdiction de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, obligation de remettre au greffe son permis de conduire ;
Interdiction de recevoir, de rencontrer ou d’entrer en relation avec certaines personnes, interdiction d’exercer certaines activités de nature professionnelle ou sociale ;
Interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;
Interdiction de détenir ou de porter une arme ;
Interdiction de paraître au domicile ou à la résidence de son conjoint, concubin ou partenaire ;
S’agissant des mineurs obligation de se soumettre aux mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou à un service habilité ; obligation de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d’un service habilité auquel le mineur a été confié par le magistrat et notamment dans un centre éducatif fermé  ou respecter les conditions d’un placement dans un établissement permettant la mise en œuvre de programmes à caractère éducatif et civique.
 
Ces informations doivent donc être impérativement renseignées au fichier des personnes recherchées. Il convient ainsi de rappeler qu’il appartient au procureur de la République de veiller à cette inscription dans les meilleurs délais compte tenu de leur impact sur la mise en œuvre de mesures de police administrative.
 
Au-delà de ces préconisations d’ordre général, vous trouverez ci-après, dans l’optique de faciliter l’articulation, un ensemble de fiches relatives :

 
Par ailleurs, la question de l’articulation des décisions judiciaires et des arrêtés d’assignation à résidence décidés dans le cadre de l’état d’urgence a été abordée dans la dépêche CRIM-AP N°215-0121-P16 du ministre de la justice et dans la circulaire INTK1255854J du ministre de l’intérieur du 11 décembre 2015, auxquelles il convient de se reporter.
 
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Jean-Jacques URVOAS
 
Le ministre de l’intérieur,
Bernard CAZENEUVE
 
 
 
Les interdictions de sortie du territoire (IST)
 
I – Présentation de la mesure
 
L’article 1er de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a inséré dans le code de sécurité intérieure un article L224-1 qui autorise l’autorité administrative à prononcer l’interdiction de sortie du territoire d’une personne qui projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de la conduire à porter attente à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.
 
L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par décision expresse et motivée du ministre de l'intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification, sans procédure contradictoire a priori. La notification de la mesure est organisée par le préfet de département. La personne concernée peut présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision, par écrit ou à l’occasion d’un entretien qui se déroule en préfecture.
 
L'interdiction de sortie du territoire emporte dès son prononcé et à titre conservatoire l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité de la personne concernée ou, le cas échéant, fait obstacle à la délivrance d'un tel document. Les titres doivent être remis dès la notification de la mesure et au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de celle-ci. La personne concernée se voit délivrer par la préfecture, en échange de ses titres, un récépissé valant justification de son identité, dans les conditions fixés à l’article R 224-1 et suivants du code de sécurité intérieure. Les titres invalidés sont signalés au SIS et à la base INTERPOL et l’intéressé fait l’objet d’un signalement au FPR.
 
Lorsque les conditions en sont réunies, l'interdiction de sortie du territoire peut être renouvelée. La loi n°2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, a supprimé le délai de deux ans qui limitait la durée globale de l’interdiction de sortie du territoire. Par conséquent, la mesure peut désormais être renouvelée sans limitation de durée, dès lors que les conditions de son prononcé continuent d’être réunies.
 
II – Les échanges d’information entre l’autorité administrative et les parquets
 
1 – Une information élargie des parquets  sur les mesures d’interdiction de sortie du territoire prises dans leur ressort.
 
Les circulaires NOR INTD1504320J du 18 février 2015 et NOR INTD1519020C du 31 juillet 2015 du ministre de l’intérieur prévoient que le préfet ayant notifié la mesure d’interdiction de sortie du territoire à un mineur en informe systématiquement le parquet compétent.
 
Cette information est dorénavant étendue à l’ensemble des mesures d’interdiction de sortie du territoire prises par l’autorité administrative, comprenant également les mesures prises à l’encontre de personnes majeures, en précisant, le cas échéant, les situations particulières de majeurs exerçant l’autorité parentale sur des mineurs afin que le procureur de la République puisse apprécier l’opportunité d’une saisine du juge des enfants.
 
L’information est adressée, au fil de l’eau, par le préfet sur la boîte structurelle du procureur de la République (pr.tgi-nom de la [email protected] ) ou selon les modalités déterminées localement entre le procureur de la République et le préfet. L’information adressée par le préfet au procureur de la République s’effectue selon les modalités d’ores et déjà mises en place localement pour le signalement des interdictions de sortie du territoire à l’encontre des mineurs.
 
2 – Une information par les parquets sur les suites judiciaires  données en cas de non-restitution des titres d’identité ou de violation de la mesure d’interdiction de sortie du territoire.
 
L’article L224-1  du code de la sécurité intérieure prévoit que :

 
La circulaire NOR INTD1504320J du 18 février 2015 du ministre de l’intérieur prévoit que le préfet doit informer systématiquement le procureur de la République de toutes les infractions (non remise des titres, sortie du territoire français) en vue de la mise en œuvre des sanctions pénales prévues.
 
En retour, il apparaît souhaitable, pour assurer l’efficacité du dispositif, que le procureur de la République informe le préfet compétent des suites réservées à sa saisine. Cette information pourra utilement se faire dans le cadre des dispositifs territoriaux de prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles, notamment les cellules de suivi.
 
3 – Les informations relatives au contrôle judiciaire ou à l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE)
 
L’information de l’existence d’un contrôle judicaire ou d’une  assignation à résidence sous surveillance électronique lorsqu’ elle est assortie de certaines obligations est accessible par le FPR. La connaissance de la nature et des modalités des obligations du contrôle judicaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique est utile, pour l’autorité administrative, avant d’envisager une mesure administrative d’interdiction de sortie du territoire, notamment pour savoir s’il est assorti d’une interdiction de sortie du territoire et d’une obligation de restituer les titres d’identité et de voyage et le cas échéant, si ces documents ont effectivement été remis.
 
Dans la phase d’instruction du dossier d’d’interdiction de sortie du territoire, l’autorité préfectorale saisit le procureur de la République par l’envoi d’un mail sur sa boîte structurelle et sollicite les informations dont elle estime avoir besoin avant de prendre sa décision. Le procureur de la République transmet alors, dans les meilleurs délais, les informations, notamment quant au contenu et aux modalités du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique.
 
En cas de mainlevée de la mesure, le procureur de la République en informe également l’autorité préfectorale afin de lui permettre, le cas échéant, de prendre toute mesure administrative utile.
 
4 - La situation spécifique des mineurs
 
S’agissant des mineurs, le préfet saisit le procureur de la République dans les situations suivantes :

 
Dans ces situations, il conviendra, pour le procureur de la République, d’ouvrir une procédure d’assistance éducative (circulaire du ministère de la justice CRIM/2011-23/G1-5.12.2014 du 5 décembre 2014 présentant la loi n°2014-1353 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme – renforcement de la coordination de la lutte antiterroriste) et d’informer le préfet des suites réservées à ces signalements. Comme précédemment, cette information pourra utilement se faire dans le cadre des cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles.
 
Par ailleurs, lorsque le procureur de la République prend une mesure d’interdiction judiciaire de sortie du territoire à l’encontre d’un mineur en application du 5ème alinéa de l’article 375-5 du code civil ou que le juge des enfants prononce une telle mesure en application du dernier alinéa de l’article 375-7 du code civil, le procureur de la République informe le préfet compétent du contenu de la mesure (boîte mail préfecture), notamment si elle est assortie d’un retrait de la carte nationale d’identité et du passeport.
 
Lorsque le mineur est sur le point d’atteindre la majorité, une mesure administrative peut utilement prendre le relais de la mesure judiciaire. Ces situations pourront faire l’objet d’échanges d’information entre l’autorité administrative et le procureur de la République, notamment dans le cadre des réunions de la cellule de suivi. 
 
 
Les arrêtés d’expulsion
 
I - Présentation de la mesure
 
L'expulsion est une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics (CE, 20 janv. 1988, min. Int. c/ Elfenzi : Rec. CE 1988, p. 17). Elle répond à des objectifs différents de ceux de la justice pénale et n'a pas le caractère d'une sanction. Le Conseil constitutionnel a ainsi affirmé « qu’aucune disposition de la Constitution non plus qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi confère à l'autorité administrative le pouvoir de prendre un arrêté d'expulsion fondé sur des faits de nature à justifier une condamnation pénale, alors même qu'aucune condamnation définitive n'aurait été prononcée par l'autorité judiciaire. » (Décision n°79-109 DC du 9 janvier 1980- Loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'office national d'immigration ; Décision n°97-389 DC du 22 avril 1997- Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration).
 
La législation en matière d’expulsion des ressortissants étrangers est contenue au titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Elle prévoit que l’expulsion peut en principe être prononcée par l’autorité administrative contre tout étranger dont la présence sur le territoire français constitue une menace grave à l’ordre public. Toutefois, afin d’assurer la prise en compte de la situation familiale et le droit au respect de la vie privée et familiale, certaines catégories d’étranger peuvent bénéficier soit :

 
La décision d’expulsion est prise :

 
Sauf en cas d’urgence absolue, la décision intervient après que l’intéressé a été informé de l’engagement de la procédure à son encontre et convoqué devant la commission départementale d’expulsion. Cette commission, composée de trois magistrats et présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ou un juge délégué par lui, émet un avis consultatif.
 
Dans l’hypothèse où l’urgence absolue est caractérisée, l’étranger n’est pas avisé préalablement qu’une mesure d’expulsion est envisagée à son encontre (et ne reçoit donc pas de bulletin spécial de notification) et verra son expulsion décidée par le ministre de l’intérieur sans que son dossier soit soumis à l’appréciation d’une COMEX.
 
La mesure d’expulsion est valable sans limitation de durée, tant qu’elle n’a pas été explicitement abrogée par son auteur. Lorsque l’étranger est incarcéré, elle peut être exécutée d’office à l’issue de sa détention. L’étranger est éloigné à destination de son pays d’origine ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible.
 
En cas d’obstacle temporaire à l’éloignement (recours suspensif, protection accordée par l’OFPRA ou la CNDA, risques de traitements contraires à l’article 3 de la CESDH dans le pays de renvoi, état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences graves et dont le traitement n’est pas disponible dans le pays de renvoi, absence de document d’identité et de voyage, mesure judiciaire susceptible d’interférer avec l’exécution de la mesure d’expulsion...), l’étranger est placé sous un régime d’assignation à résidence assorti de modalités strictes (maintien dans un périmètre déterminé, obligation de pointage jusqu’à 4 fois par jour, obligation de demeurer à son domicile pendant une plage horaire maximale de 10 heures par jour). Dans le cas où la mise à exécution de la mesure d’expulsion doit intervenir dans des délais rapprochés, l’étranger peut être placé en rétention pour une durée maximale de 45 jours.
 
II - Les échanges d’information entre les autorités administratives et judiciaires
 
Les procédures d’expulsion concernant des individus radicalisés ou liés à une mouvance terroriste sont instruites au ministère de l’intérieur par la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) qui assure la coordination de la mise en œuvre de ces procédures en lien avec les services centraux de police spécialisés dont elle étudie les propositions d’expulsion. Les préfectures doivent donc, avant tout engagement de procédure, lui signaler tous les cas de ce type qui seraient portés à leur connaissance.
 
Lors de l’instruction de ces dossiers, la DLPAJ saisit la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) afin de vérifier si l’intéressé fait ou non l’objet de mesures judiciaires susceptibles d’interférer avec la mise à exécution de la mesure d’expulsion.
 
En premier lieu, la DACG(1) vérifie si une procédure d’extradition terminée ou en cours, est de nature à empêcher ou retarder la mise en œuvre d’une mesure d’expulsion et complète les éléments transmis par la DLPAJ.
 
(1) Bureau de l’entraide pénale internationale
 
En second lieu, la DACG transmet les éléments dont elle dispose au parquet général de Paris afin que des recherches soient entreprises sur la situation judiciaire de l’intéressé (notamment via Cassiopée et APPI). Cette recherche devra porter sur l’ensemble des procédures suivies en France. Le parquet général de Paris, au besoin en sollicitant le parquet général compétent, complète les éléments transmis sur l’existence éventuelle des mesures judiciaires suivantes :

 
Une fois ces renseignements dûment complétés sur l’intéressé, le parquet général de Paris les retourne à la Direction des affaires criminelles et des grâces qui les transmet, en retour, à la DLPAJ.
 
Pour que ce partage d’information soit le plus efficace possible, la transmission des éléments judiciaires à la DLPAJ doit intervenir au terme d’un délai de trois semaines à compter de sa première transmission.
 
En outre, une fois la mesure d’expulsion prononcée, une ultime vérification est effectuée, durant la phase clé de la préparation de la mise à exécution effective de l’expulsion, par le préfet du lieu de l’éloignement qui interroge le Parquet afin d’actualiser les éléments sur la situation judiciaire.
 
Afin d’assurer la bonne information des services, il convient également de rappeler la nécessité d’inscrire les mesures judiciaires concernées au FPR. A noter que certaines mesures ne font pas l’objet d’une inscription au FPR (procédures extraditionnelles par exemple), ce qui souligne la nécessité d’une bonne communication entre les administrations centrales.
 
III - L’engagement de poursuites en cas de violation des obligations
 
La coordination entre services vise enfin à assurer l’effectivité des sanctions en cas de violation par l’étranger des mesures administratives dont il fait l’objet.
 
L’article L. 624-1-1 du CESEDA prévoit qu’une peine de trois ans d'emprisonnement peut être  prononcée à l’encontre de  tout étranger qui ne présente pas à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d’une mesure d’expulsion  ou qui, à défaut de ceux-ci, ne communique pas les renseignements permettant cette exécution ou communique des renseignements inexacts sur son identité.
 
Par ailleurs, l’article L. 624-4 sanctionne les manquements aux obligations liées à une mesure d’assignation à résidence :
 
« Les étrangers qui n'auront pas rejoint dans les délais prescrits la résidence qui leur est assignée en application des articles L. 523-3, L. 523-4, L. 523-5, L. 561-1 ou L. 561-2 ou qui, ultérieurement, ont quitté cette résidence sans autorisation de l'autorité administrative, sont passibles d'une peine d'emprisonnement de trois ans.
 
Les étrangers visés à l'article L. 571-3 qui n'ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'un an.
 
Les étrangers astreints à résider dans les lieux qui leur sont fixés en application des articles L. 523-3, L. 523-4, L. 523-5, L. 541-3 ou du 6° de l'article L. 561-1 et qui n'ont pas respecté les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie prévues à l'article L. 561-1 sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'un an.
 
La même peine d'emprisonnement d'un an est applicable aux étrangers qui n'ont pas respecté les interdictions qui leur sont prescrites en application de l'article L. 563-1. »
 
Les manquements constatés aux obligations précitées feront l’objet d’un signalement au Procureur de la République compétent qui pourra, le cas échéant, décider d’engager des poursuites.
 
Le procureur de la République pourra tenir informé l’autorité administrative des suites données au signalement, notamment dans le cadre des cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles.
 
Les contrôles administratifs des retours sur le territoire (CART)
 
I. Présentation de la mesure
 
Les articles L. 225-1 à L. 225-8 du code de la sécurité intérieure (CSI) mettent en place  une procédure de contrôle administratif des personnes ayant quitté le territoire national  et dont il existe des raisons sérieuses de penser que ces déplacements ont pour but de rejoindre un théâtre d'opérations de groupements terroristes dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français (CART).
 
Un arrêté du ministre de l’intérieur détermine les obligations prévues aux articles L. 225-2 et L. 225-3 du code de la sécurité intérieure qui peuvent être prononcées à l'encontre de ces personnes.
 
Ces dernières peuvent ainsi être astreintes à une obligation de résidence, avec éventuellement une assignation à résidence, à une obligation de se rendre dans les services de police ou de gendarmerie, à une obligation de déclarer le domicile et tout changement de domicile ou à l’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes.
 
La décision initiale de CART fait l’objet d’une procédure contradictoire a posteriori et met à même l’intéressé de présenter ses observations écrites ou orales auprès du ministère de l’intérieur (Direction des libertés publiques et des affaires juridiques). Lorsqu’elle souhaite présenter des observations orales, la personne concernée par la mesure pourra se faire accompagner, si elle le demande, de la personne de son choix. Elle a également la possibilité de se faire représenter lors de cet entretien. A cet effet, elle devra solliciter cet entretien auprès des services de la préfecture du lieu de son domicile, ou, le cas échéant, du lieu d'assignation à résidence lorsqu’ils diffèrent, ou lorsque la personne est mineure, au domicile de ses représentants légaux, cet entretien devant se tenir dès que possible et au plus tard huit jours après la date de notification si la demande en a été exprimée dans ce délai. Un rendez-vous est fixé à cette fin.
 
Cet entretien a pour objet de recueillir les observations de la personne sur les motifs de la décision prise à son encontre. Il pourra être également l’occasion, en tant que de besoin, de faire préciser certains éléments figurant dans la décision, sur les indications de la DLPAJ.
 
A l’issue de cet entretien, une attestation d’audition, portant mention de la date, du début et de la fin de l’entretien sera communiquée à la personne concernée ou à son représentant. Un compte rendu précis devra également être adressé à la DLPAJ.
 
Il est rappelé que le caractère  a posteriori de cette procédure contradictoire ne vaut que pour la décision initiale de CART. En cas de renouvellement, la procédure contradictoire est effectuée préalablement à la décision.
 
II. Les échanges d’information entres les autorités administratives et judiciaires 
 
1. Information du procureur par le ministère de l'intérieur et notification de la mesure
 
Conformément à  l’article R. 225-3 du code de la sécurité intérieure, et avant toute mise en œuvre de cette mesure, le ministre de l'intérieur informe par écrit et sans délai les autorités judiciaires suivantes :

 
Cette information est effectuée par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) par email, au parquet de Paris à l’adresse structurelle du procureur de la République ([email protected]).
 
S’agissant de l’information des autres parquets, elle doit se faire sur l’adresse structurelle du procureur de la République (pr.tgi-nom de la [email protected] ). L'arrêté du ministre de l'intérieur est transmis au préfet territorialement compétent en vue de sa notification à la personne concernée.
 
Cette notification s’effectue par le préfet de département dans lequel se situe le domicile de la personne concernée ou, le cas échéant, le lieu d'assignation à résidence lorsqu’ils diffèrent, ou lorsque la personne est mineure, le domicile de ses représentants légaux.
 
Dès la notification effectuée, le préfet envoie la preuve de cette notification au ministre de l'intérieur (DLPAJ).
 
Cet envoi s'effectue par email à l'adresse fonctionnelle suivante:
[email protected]
 
Dès réception, une copie de l'arrêté est envoyée aux fins d'information du ou des procureurs compétents par le ministre de l'intérieur (DLPAJ). Cet envoi s'effectue par email aux adresses fonctionnelles précédemment mentionnées.
 
En cas de modifications ou d'abrogation de l'arrêté, une copie est également transmise aux autorités précitées et dans les mêmes conditions. Il est rappelé que le ministre de l'intérieur peut, en tant que de besoin, déléguer au préfet le soin de modifier les obligations suivantes :

 
Lorsque des renseignements selon lesquels une personne soumise aux obligations d’un CART fait l’objet de poursuites judiciaires ou d’une mesure d’assistance éducative pour les mineurs sont portés à la connaissance du ministre de l'intérieur, il est alors procédé à l’information des autorités judiciaires citées précédemment afin de vérifier la situation pénale de la personne et de confirmer ou d’infirmer les renseignements obtenus.
 
En réponse, les parquets pourront adresser leur réponse au ministère de l’intérieur à l’adresse email suivante :
[email protected]
 
Si des poursuites judiciaires sont effectivement engagées à l’encontre d’une personne faisant l’objet d’un CART ou si des mesures d’assistance éducative ont été ordonnées à l'égard d’un mineur, le ministre de l’intérieur abroge sans délai l’arrêté fixant les obligations.
 
2. Engagement des poursuites en cas de violation des obligations du CART
 
Lorsque la personne faisant l’objet d’une décision CART ne respecte pas ses obligations, les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents ayant constaté les manquements informent sans délai les personnes suivantes : le procureur territorialement compétent aux fins éventuelles d’engagement des poursuites judiciaires ; le préfet de département aux fins d’information du ministère de l’intérieur (DLPAJ) et l’UCLAT.
 
En retour, le procureur de la République pourra tenir informé l’autorité administrative des suites données au signalement, notamment dans le cadre des cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles.
 
Enfin, dans un  souci de coordination optimale, le ministère de l’intérieur tiendra informé le ou les procureurs compétents dès lors qu'un arrêté CART aura fait l'objet d'une suspension ou d'une annulation par le juge administratif.
 

 
Les mesures de soins psychiatriques sans consentement
 
I- Présentation de la mesure
 
Les articles L3213-1 et suivants du code de la santé publique prévoient que lorsqu’un individu présentant une pathologie psychiatrique compromet la sûreté des personnes ou porte gravement atteinte à l'ordre public, le préfet peut, par arrêté, prononcer son hospitalisation, au vu d’un certificat médical circonstancié.
 
Conformément aux dispositions de l’article 706-35 du code de procédure pénale, l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète, peut également être ordonnée, par décision motivée, par la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement lorsqu’un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale est prononcé pour cause de trouble mental.
 
Dans les deux cas, le malade fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale de 72 heures sous la forme d'une hospitalisation complète, c'est-à-dire à temps plein.
 
Deux certificats médicaux (dans les 24h et avant la fin des 72h) doivent confirmer la nécessité et la nature des soins.
 
L'hospitalisation complète ne peut se poursuivre au-delà de 12 jours que sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD).
 
Dans le mois suivant l’admission, un certificat médical se prononce sur le maintien ou la levée des soins. Le préfet prend sa décision dans les trois derniers jours du premier mois de soins (le maintien de la mesure est décidé pour trois mois, puis pour six mois).
 
Dans le cas où l’hospitalisation complète est maintenue, le JLD doit statuer sur la prolongation de la mesure à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’admission, puis tous les six mois. En cas d’hospitalisation à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale, le premier contrôle obligatoire du JLD est celui à six mois.
 
L'hospitalisation prend fin sur décision :

 
II - Les échanges d’information entre les autorités administratives et judiciaires
 
Lorsqu’elles estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale, nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, les autorités judiciaires avisent immédiatement le représentant de l'Etat dans le département. Celui-ci ordonne sans délai la production d'un certificat médical circonstancié portant sur l'état actuel du malade et, au vu de ce certificat, peut prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques (article L. 3213-7 du code de la santé publique).
 
La chambre de l’instruction ou la juridiction de jugement peut ordonner elle-même l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement spécialisé en psychiatrie à la suite d’un jugement ou d’un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (article 706-135 du code de procédure pénale). Dans ce cas, le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision par le greffe.
 
Outre ces situations prévues par le code de la santé publique et le code de procédure pénale, il est rappelé que les échanges d’information liés aux signalements de personnes radicalisées s’effectuent également dans le cadre des dispositifs territoriaux de prévention de la radicalisation, notamment la cellule de suivi, de la préfecture de département. En effet, au cours de ces  réunions sont présentés par le préfet un résumé des signalements, les investigations administratives réalisées, la gravité des cas et les suites à donner.
 
Dans les cas où les parquets disposent d’un référent terrorisme, les préfets devront les associer aux séances de la cellule de suivi.
 
Ainsi, lorsque les autorités judiciaires et administratives sont amenées à connaître d’une personne concernée par une mesure d’hospitalisation sans consentement et montrant également des signes de radicalisation, la situation de cette personne devra être étudiée dans le cadre de la cellule de suivi précitée afin de déterminer les suites à donner.
 
 
Les échanges concernant les personnes placées sous main de justice
 
L’articulation des mesures administratives et des mesures judiciaires revêt une particulière importance lorsque les personnes concernées sont placées sous main de justice que ce soit dans le cadre de mesures présentencielles (contrôle judiciaire, assignation à résidence électronique ou détention provisoire) ou postsentencielles (incarcération, placement sous surveillance électronique, semi-liberté ou placement extérieur).
 
Il est dans ce cadre nécessaire de veiller à concilier leur exécution concomitante, quand elle est possible, ainsi que de veiller au relais entre ces mesures afin qu’il n’y ait pas de rupture dans la prise en chargedes personnes concernées.
 
Ainsi, l’information tenant à la mise sous écrou voire à l’incarcération, à leur durée prévisible ainsi qu’à la libération anticipée d’une personne, sans constituer nécessairement un obstacle juridique à l’adoption d’une mesure de police administrative, est primordiale afin d’en apprécier l’opportunité d’une part, et d’en faciliter la notification ou la mise en œuvre d’autre part.
 
En outre, le comportement de la personne au cours de sa détention pourra être de nature à justifier en toute ou partie une mesure de police administrative telle qu’une interdiction de sortie du territoire ou une assignation à résidence dans le cadre de l’état d’urgence.
 
I – L’articulation entre les mesures administratives et les mesures pré et post-sentencielles restrictives ou privatives de liberté
 
Dans le cadre de la dépêche du ministère de la justice et de la circulaire du ministère de l’intérieur du 11 décembre 2015 relatives aux arrêtés d’assignation à résidence décidés dans le cadre de l’état d’urgence, il a été précisé que les préfets devaient informer le parquet territorialement compétent de toute décision d’assignation à résidence. Cette information a vocation à permettre au procureur de la République de faire le point sur la situation pénale de la personne assignée et d’apprécier les modifications voire la révocation d’une mesure judiciaire pré ou post-sentencielle qui pourraient en découler.
 
Par le même circuit, le préfet devra informer le parquet du domicile de la personne visée par une interdiction de sortie du territoire. Ces informations, comme cela a déjà été indiqué dans le cadre des circulaire/dépêche du 11 décembre 2015, devront s’effectuer par envoi d’un courriel à l’adresse structurelle du procureur de la République ([email protected]).
 
Lorsqu’après avoir procédé à la vérification de la situation pénale de la personne visée par une mesure d’interdiction de sortie du territoire ou d’assignation à résidence prise sur le fondement de l’ état d’urgence, le parquet informe le préfet de l’existence d’une peine privative de liberté prononcée à l’encontre de cette personne mais non encore mise à exécution, il y a lieu de procéder à la notification immédiate de la mesure de police administrative afin d’en garantir l’effectivité, quitte à procéder à son abrogation une fois la peine mise à exécution.
 
En revanche, lorsque la personne est placée sous écrou et incarcérée, la question de l’opportunité de prendre la décision d’IST ou d’AAR immédiatement ou d’attendre la sortie de détention se pose en fonction notamment de la durée prévisible de l’incarcération.
 
S’agissant de l’exécution d’une peine privative de liberté, le procureur de la République peut, d’initiative ou sur demande du préfet, transmettre à ce dernier les informations relatives au lieu de détention ainsi qu’à la date prévisible de libération et en avise le chef d’établissement pénitentiaire. Par la suite, le greffe pénitentiaire informe le préfet de tout changement de date de libération et de tout transfert au sein d’un autre établissement pénitentiaire. Cette information peut notamment se faire dans le cadre des cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles ou en cas de libération anticipée à brève échéance, par courriel adressé sur la boîte de la préfecture. 
 
Lorsqu’une personne est placée en détention provisoire et qu’une date d’audience est d’ores et déjà fixée, le procureur de la République pourra aviser le préfet de cette échéance, notamment lors des échanges d’informations réalisées dans le cadre des cellules de suivi.
 
Dans la mesure du possible,  le parquet pourra également attirer l’attention du préfet en amont de cette décision lorsque les circonstances laissent à penser qu’une libération pourrait intervenir.
 
Cet échange d’informations se fait par courriel adressé sur la boîte structurelle de la préfecture. 
 
La situation spécifique des étrangers incarcérés
 
Conformément à la circulaire n°11-00744C du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur du 11 janvier 2011 relative à l’amélioration du suivi des étrangers incarcérés faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, les échanges d’informations sont mis en œuvre dans le cadre des protocoles signés notamment par les préfets, les procureurs de la République, les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et le ou les directeurs d’établissement pénitentiaire du ressort, ainsi qu’au cours des réunions départementales des pôles d’éloignement. Ces réunions regroupent tous les services concourant à la mise en œuvre de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière dans le département notamment les parquets et les chefs d’établissements. 
 
En application de ces protocoles, lors de l’écrou, le greffe de l’établissement pénitentiaire transmet à la préfecture l’avis d’écrou ainsi que la fiche pénale volet 1 et 5 des personnes détenues de nationalité étrangère, avec toute indication relative à l’existence d’une mesure d’éloignement. Dès réception, la préfecture analyse la situation de la personne concernée.
 
Le greffe pénitentiaire doit également veiller à ce que toute modification de la situation pénale ayant une incidence sur la date d’élargissement soit signalée, sans délai, à la préfecture ainsi qu’aux services chargés de l’identification. 
 
En cas de levée d’écrou faite dans l’urgence, le greffe pénitentiaire avise immédiatement la préfecture et le service chargé de l’identification.
 
Le procureur de la République ou le cas échéant, le procureur général adresse au préfet les décisions de condamnation à une peine complémentaire d’interdiction temporaire ou définitive du territoire ayant un caractère exécutoire.
 
II – Les échanges d’informations sur le comportement en détention pouvant servir de fondement à une mesure administrative
 
Le comportement d’une personne en détention peut permettre de fonder en tout ou partie une mesure de police administrative rendant ainsi nécessaire une transmission des informations utiles par l’administration pénitentiaire en amont de la levée d’écrou afin de garantir la notification de la mesure. 
 
L’administration pénitentiaire communique, à la demande de l’autorité en charge de l’instruction de la mesure de police administrative ou d’initiative, les éléments et informations, collectés durant la période de détention et utiles à l’appréciation du comportement de la personne placée sous-main de justice, sous l’angle de son rapport à la violence, de son adhésion à une forme de radicalisation religieuse ou à une idéologie extrême, de ses relations et de son respect des règles en détention. L’autorité administrative en charge de l’instruction de la mesure en précise la nature et communique à l’administration pénitentiaire les éléments nécessaires à sa bonne compréhension.
 
Les échanges d’informations sur le comportement en détention en vue de fonder une mesure administrative s’effectuent, au niveau local entre le chef d’établissement ou son représentant désigné et ses interlocuteurs départementaux, au niveau interrégional par la cellule interrégionale du renseignement pénitentiaire et ses interlocuteurs locaux, régionaux ou zonaux, au niveau national entre le bureau du renseignement pénitentiaire (Mi3) et  l’UCLAT. Ces éléments étant susceptibles d’être produits devant le juge administratif en cas de contestation de la mesure,  l’administration pénitentiaire les communique dans le strict respect du besoin d’en connaître. L’administration pénitentiaire les transmet aux services du ministère de l’intérieur sous la forme d’une note synthétique détaillant les éléments objectifs et significatifs en sa possession ainsi que tout élément  de contexte éclairant la compréhension du comportement de la personne placée sous-main de justice. L’administration pénitentiaire est tenue informée des suites données à cette transmission.
 
 
L’appréciation par je juge pénal de la légalité des actes administratifs
 
En matière de lutte contre le terrorisme, plusieurs mesures de police administrative prises sur le fondement de la loi sur l’état d’urgence ou de règles de droit commun peuvent donner lieu, en cas de non-respect, à des poursuites pénales. Tel est notamment le cas des obligations imposées dans le cadre d’une assignation à résidence. Des procédures pénales peuvent également avoir pour origine des décisions administratives ; ainsi des éléments découverts dans le cadre d’une perquisition administrative peuvent-ils révéler une infraction et fonder des poursuites pénales.
 
Saisi en ce sens, le juge pénal est tenu de contrôler la légalité des mesures administratives en cause, laquelle commande la validité des poursuites engagées.
 
I- La plénitude de juridiction du juge pénal 
 
Le juge pénal peut être appelé à se prononcer sur la légalité d’un acte administratif. 
 
L’article 111-5 du code pénal dispose en effet que « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis ».
 
L’article 384 du code de procédure pénale prévoit également que « Le tribunal saisi de l’action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n’en dispose autrement, ou que le prévenu n’excipe d’un droit réel immobilier ».
 
L’appréciation de la légalité des actes administratifs ne porte que sur ceux dont l’examen commande la solution du procès pénal (Crim, 28 avril 1998, Bull. crim n° 141).
 
En pratique, quand le juge pénal statue sur la légalité d’un acte administratif, question qui, normalement, ne relève pas de sa compétence, il adopte les principes dont s’inspire habituellement le juge « naturel » de ce contentieux. Cette démarche le conduit à devoir examiner la légalité externe et la légalité interne de l’acte, en empruntant au juge administratif les mêmes notions et le même degré de contrôle, la Cour de cassation contrôlant strictement cette appréciation. 
 
L’appréciation de la légalité d’un acte administratif n’aboutit pas à son annulation, ce que le juge judiciaire ne peut faire sans méconnaître la séparation des pouvoirs, mais à ce qu’il soit écarté de l’ordonnancement juridique, cet acte ne pouvant alors servir de fondement aux poursuites en cours.
 
II. Appréciation de la légalité des actes administratifs 
 
Lors de son examen, le juge pénal doit faire usage des règles particulières dégagées de manière prétorienne par le juge administratif, afin de tenir compte de la matière particulière dans laquelle interviennent les mesures de police fondées sur des motifs terroristes.
 
1. Compétence de l’auteur de l’acte et préservation de l’anonymat du signataire.
 
La compétence de l’auteur de l’acte est appréciée par le juge pénal (Crim, 29 novembre 1977, Bull.crim n° 375).
A ce titre, plusieurs juges ont écarté l’application de décisions administratives au motif qu’elles n’étaient pas signées.
 
Certes, l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration impose que « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».
 
Toutefois, la pratique qui consiste à ne notifier à son destinataire que l’ampliation d’une décision, ne comportant pas mention de l’identité de son auteur et n’étant pas revêtue de sa signature, afin de préserver l’anonymat du signataire de l’acte administratif et de garantir sa sécurité ’, est admise par la jurisprudence administrative.
 
L’ampliation d’un acte est en effet une copie d’un acte officiel qui a la même valeur que l’original conservé par le service. Le juge administratif admet que seule l’ampliation puisse être remise à la personne concernée, dès lors que l’original de la décision comporte, en caractères lisibles, les mentions prévues (CE 22 février 2002, Senina no 231414, Lebon T. 773 ; CE 21 mai 2003, Mellouk, n° 252095 ; CE 18 janv. 2006, Préfet du Tarn-et-Garonne ; CE 29 janvier 2016, n° 396449 ou CAA Paris, 8 juillet 2016, n°16PA01153).
 
En cas de débat, devant le juge, sur la compétence du signataire de la décision, il revient alors à l’autorité administrative de la justifier en produisant l’original de la décision portant mention des noms et qualité de son signataire ainsi que tout élément de nature à justifier de sa compétence à signer.
 
2. Motivation des décisions et règles particulières liées à l’urgence et au secret de la défense nationale
 
Si la plupart des décisions auxquelles est susceptible de s’intéresser le juge pénal entrent dans le champ de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration portant motivation des actes administratifs, parce qu’elles restreignent des libertés publiques ou infligent une sanction, l’appréciation de leur motivation doit être effectuée selon les règles prévues par ces dispositions et l’application qui en est faite par la jurisprudence administrative.
 
Ainsi, cette motivation doit être conforme aux dispositions de l’article L. 211-5 du même code qui prévoient qu’elle doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
 
Deux exceptions, énoncées à l’article L. 211-6 du même code, peuvent justifier le défaut de motivation :

C’est ainsi, par exemple, qu’un arrêté ministériel d’expulsion d’un étranger représentant une menace pour l’ordre public a pu légalement intervenir sans motivation, s’agissant d’un ressortissant étranger en relation avec les services de renseignements et les milieux étrangers dans le contexte d’une vague de terrorisme à la fin de l’année 1985 et au début de l’année 1986 en région parisienne, compte tenu du nombre d’arrestations opérées et de l’expiration du délai de sa garde à vue (CE 6 mai 1988 Abdul, n° 79375, au recueil Lebon p. 182) ou d’un autre ressortissant étranger dans le contexte de l’invasion du Koweit et de la participation de la France au conflit, compte tenu du nombre d’expulsions opérées dans les mêmes conditions et de la brièveté des délais pour ce faire (CE 5 mai 1993 Khdayir, n° 127645 ; 7 juin 1993 Al Hafian, n° 127669).

 
3. Matérialité des faits et valeur probante des notes des services de renseignement
 
Les faits sur lesquels reposent les décisions en lien avec le terrorisme sont, pour l’essentiel, issus des observations des services de renseignement, contenues dans des notes de ces services, dites « notes blanches », qui se bornent à relater des faits sans pouvoir toujours les établir.
 
Il peut en effet être difficile pour les services de renseignements d’ajouter des éléments plus précis dans leur note, sans compromettre des sources (lorsque seule une personne est à même de savoir ce qui a été dit ou fait) ou des investigations en cours (la divulgation de certaines informations pouvant contrecarrer des enquêtes portant sur d’autres individus). Par suite, certaines informations doivent être tenues secrètes par les services de renseignement, alors même qu’elles permettraient plus aisément de justifier une mesure de police administrative.
 
La valeur probante de ces notes, dont découle souvent la possibilité d’établir dans le débat contentieux la matérialité des faits qu’elles relatent, est subordonnée à trois conditions : leur caractère précis et circonstancié, leur versement aux débats contradictoires et l’absence de contestation sérieuse par les requérants (CE, 11 décembre 2015, Domenjoud n° 394989 ou 23 décembre 2015, Rachedi n° 395229 : « considérant (…) qu’aucune disposition législative ni aucun principe ne s’oppose à ce que les faits relatés par les « notes blanches » produites par le ministre, qui ont été versées au débat et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d’être pris en considération par le juge administratif »)..
 
Lorsque ces trois conditions sont réunies, la valeur probante des notes des services de renseignements est retenue, permettant de tenir pour établis les faits mentionnés dans la décision, quand bien même ils ne seraient pas étayés par des éléments plus précis.