Circulaire du 31 octobre 2017 relative à la mise en oeuvre des articles 1 à 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

Date de signature :31/10/2017 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :15/11/2017 Emetteur :Ministère de l'Intérieur
Consolidée le : Source :BO Intérieur n°2017/11 du 15 novembre 2017
Date d'entrée en vigueur :16/11/2017

Circulaire du 31 octobre 2017 relative à la mise en oeuvre des articles 1 à 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

NOR : INTK1721270J

Le ministre d’État, ministre de l’intérieur à M. le préfet de police, Mesdames et Messieurs les préfets, M. le préfet de police des Bouches-du-Rhône

La présente circulaire expose les conditions d’application des quatre nouvelles mesures de police administrative de lutte contre le terrorisme créées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et destinées à prendre le relais de celles prévues par la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence à compter du 1er novembre 2017, date à laquelle prend fin l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire français, près de deux années après sa déclaration le 14 novembre 2015.

Sont exposées la philosophie générale des nouvelles mesures à disposition de l’autorité administrative, les caractéristiques qui les distinguent des mesures de l’état d’urgence en raison notamment des garanties qui les entourent, ainsi que l’obligation pour le ministère de l’intérieur d’en assurer un suivi exhaustif afin de permettre le bon exercice du contrôle parlementaire prévu par la loi. Le régime détaillé auquel obéit chaque mesure est quant à lui décliné en fiches annexes.

Annexes :
Tableau récapitulatif (p. 7).
1. Périmètres de protection (p. 8).
1 bis. Modèle d’arrêté instaurant un périmètre de protection (p. 16).
2. Fermeture de lieux de culte (p. 19).
3. Mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (p. 22).
4. Visites et saisies (p. 29).
4 bis. Modèle de requête aux %ns d’autorisation de visite et de saisie (p. 42).
4 ter. Modèle de requête aux %ns d’autorisation d’exploitation des données saisies (p. 45).
5. Tableau récapitulatif des modalités de diffusion des décisions (p. 48).

La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a introduit dans le code de la sécurité intérieure (CSI) des dispositions créant de nouvelles mesures de police administrative susceptibles, dans un cadre juridique différent, de prendre le relais de celles utilisées dans le cadre de l’état d’urgence instauré à compter du 14 novembre 2015 sur la quasi-totalité du territoire de la République, sur le fondement de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, et prorogé à six reprises jusqu’à son terme, le 1er novembre 2017.

Ces dispositions prennent place dans cinq nouveaux chapitres créés au livre II (Lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation) du titre II (Ordre et sécurité publics) du code de la sécurité intérieure :


Bien qu’en apparence de même nature que celles prévues par la loi du 3 avril 1955, ces mesures s’en distinguent à la fois dans leur finalité, dans leur champ d’application plus restreint et dans leur encadrement.

Avant d’en venir à la description de chacune d’entre elles, il convient de rappeler certains des principes communs à l’ensemble.

1. Ces mesures ne peuvent être prononcées que dans le but de prévenir un acte de terrorisme

Leur champ d’application est plus encadré que celui des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Alors que celles-ci peuvent être mises en oeuvre pour prévenir toute atteinte à l’ordre et la sécurité publics, y compris sans relation avec le péril imminent ayant justifié la déclaration de l’état d’urgence (1), les mesures définies par les quatre premiers articles de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ont pour unique finalité et pour condition commune de « prévenir la commission d’actes de terrorisme ».

Les critères instaurés par la loi pour justifier de la nécessité de prononcer de telles mesures sont également très précis, là où la loi relative à l’état d’urgence se contente de « raisons sérieuses de penser que le comportement [de la personne concernée] constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ».

Ainsi, ne peuvent faire l’objet d’un périmètre de protection que « les lieux ou les événements exposés à un risque d’acte terroriste à raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation ».

La fermeture temporaire de lieux de culte ne peut être ordonnée que s’agissant de lieux « dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

S’agissant des mesures de contrôle administratif et de surveillance ainsi que des visites et saisies, elles ne peuvent être mises en oeuvre qu’à une double condition : n’est en effet visée que la personne « dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ».

2. Les garanties prévues à tous les stades de la procédure visent à assurer le respect des libertés individuelles sans amoindrir l’efficacité opérationnelle des mesures

De manière générale, les garanties dont sont entourées ces nouvelles mesures sont plus importantes que celles prévues dans le régime de l’état d’urgence :


3. Les sanctions prévues en cas de non respect des décisions prises par l’autorité administrative ont, comme dans le cadre de l’état d’urgence, un caractère dissuasif

Si aucune peine n’est prévue à l’encontre d’une personne qui refuserait de se soumettre aux contrôles prévus pour l’accès à un périmètre de protection ou en son sein, celle-ci se verrait en revanche interdire l’accès à la zone ou serait reconduite d’of%ce à l’extérieur.

La violation d’une mesure de fermeture d’un lieu de culte est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende ; la peine encourue en cas de soustraction aux obligations prévues au titre du contrôle administratif et de la surveillance est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

(1) CE, section, 11 décembre 2015, n° 395009.

4. L’exercice de ces nouveaux pouvoirs de police administrative à "nalité de prévention du terrorisme suppose le strict respect des principes qui ont guidé l’exercice, au cours des deux dernières années, des pouvoirs tirés de la loi du 3 avril 1955

4.1. Ces mesures relèvent de la compétence du représentant de l’État dans le département, à l’exception des mesures de contrôle administratif et de surveillance

La répartition des compétences prévues par la loi reprend celle retenue pour la mise en oeuvre de l’état d’urgence.

Le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, est compétent pour instaurer un périmètre de protection, ordonner la fermeture d’un lieu de culte ou demander au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris l’autorisation d’effectuer une visite de lieu et le cas échéant d’effectuer une saisie de documents, objets ou données.

Les compétences du préfet de police dans les départements de la petite couronne et sur les emprises des aérodromes de Paris - Charles-de-Gaulle, de Paris-Orly et du Bourget ainsi que celles du préfet de police des Bouches-du-Rhône seront ultérieurement précisées par voie réglementaire.

Le prononcé de mesures de contrôle administratif et de surveillance relève quant à lui du ministre de l’intérieur, lequel pourra le cas échéant déléguer au préfet la possibilité de modi%er certaines obligations prévues par son arrêté initial.

4.2. Ces mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées

La loi du 30 octobre 2017 confère à l’autorité administrative des pouvoirs importants, qui ont fait l’objet d’intenses débats. J’appelle donc votre attention sur le fait que les mesures prises en application de cette législation, outre le fort écho médiatique qu’elles pourraient rencontrer, seront soumises au contrôle du juge administratif qui en appréciera, le cas échéant, la légalité, sans préjudice de leur examen immédiat par le juge des référés, selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

C’est pourquoi les décisions que vous prendrez doivent respecter les principes constants qui encadrent l’exercice du pouvoir de police administrative. À cet égard, il importe en particulier que ces mesures soient nécessaires et proportionnées à l’importance de la menace qu’il s’agit de prévenir.

S’agissant des mesures individuelles de contrôle administratif de surveillance, qui peuvent être prononcées cumulativement ou alternativement et qui relèvent de ma compétence, vos propositions devront être adaptées au profil de chaque individu, s’agissant des périmètres géographiques et des mesures de surveillance imposées.

De même, en cas de renouvellement, il conviendra de s’interroger sur la nécessité de maintenir la mesure à l’identique ou de l’alléger, lorsque c’est possible.

Par ailleurs, dans tous les cas où la loi fixe une durée maximale (fermeture de lieu de culte, durée du périmètre de protection, durée des mesures de surveillance), il conviendra de s’interroger sur la nécessité de prononcer la mesure pour l’ensemble de cette durée ou pour une durée mieux adaptée aux circonstances

Il conviendra d’assurer la publicité la plus large à vos décisions, notamment lorsqu’elles ont des effets sur les tiers (fermeture des lieux de culte, périmètres de protection).

Enfin, je vous demande de prendre vos décisions en matière de périmètres de protection et de fermeture de lieux de culte en concertation avec les maires des communes concernées, afin d’identifier les lieux où leur mise en oeuvre s’avère le plus nécessaire et de leur permettre de prendre les mesures d’accompagnement nécessaire, notamment en matière de police de la circulation (délestage, interdiction de circulation…).

Ces mesures, applicables jusqu’au 31 décembre 2020, font l’objet d’un contrôle parlementaire particulier.

À des fins de suivi et d’évaluation, le Parlement a inscrit dans le code de la sécurité intérieure le principe d’un contrôle parlementaire (art. L. 22-10-1) sur ces mesures, qui ne sont par ailleurs applicables, aux termes de l’article 5 de la loi, que jusqu’au 31 décembre 2020.

Ce contrôle revêt deux formes distinctes :


Pour garantir l’uniformité, l’exhaustivité et la %abilité des informations qui seront transmises au Parlement et afin de pouvoir répondre aux sollicitations des assemblées, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) assurera la centralisation de toutes les décisions que vous prendrez, comme l’ont fait les services du haut fonctionnaire de défense durant l’état d’urgence, et procédera à leur transmission aux assemblées ainsi qu’à leur analyse, en vue de la rédaction du rapport annuel.

C’est pourquoi, sans préjudice d’instructions ultérieures, vous adresserez sans délai une copie de ces décisions, en tenant compte des particularités procédurales décrites en annexe, à l’adresse électronique suivante : [email protected] ainsi qu’à l’UCLAT, à la DGSI et aux préfets de zone.

De même, vous me rendrez compte, sous le timbre de la DLPAJ (sous-direction des polices administratives – bureau des polices administratives) des dif%cultés que vous pourriez éventuellement rencontrer dans l’application de chacune des dispositions commentées en annexe de la présente circulaire, ainsi que, dès son enregistrement, de tout contentieux concernant les décisions que vous aurez prises.

La DLPAJ demeure à votre disposition, par l’intermédiaire de l’adresse électronique indiquée ci-dessus, pour vous accompagner dans l’application de ces nouvelles mesures auxquelles j’attache la plus grande importance et qui devront être mises en oeuvre chaque fois que nécessaire.

Fait le 31 octobre 2017.

Le ministre d’État, ministre de l’intérieur,
GÉRARD COLLOMB