Circulaire du 19 juillet 2018 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique

Date de signature :19/07/2018 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :20/07/2018 Emetteur :Ministère de l’action et des comptes publics
Consolidée le : Source :http://circulaire.legifrance.gouv.fr/
Date d'entrée en vigueur :21/07/2018
 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
                                 
Ministère de l’action et des comptes publics
                                 
Circulaire du 19 juillet 2018 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique
 
NOR : CPAF1800656C
 
Le Ministre de l’action et des comptes publics
Le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
 
à
Messieurs les ministres d’Etat
Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d’État,
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux,
Mesdames et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département
Mesdames et Messieurs les représentants de l’Etat dans les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution 
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé
 
 
 
Objet : Champ d’application et procédure de signalement des alertes dans la fonction publique ainsi que les garanties et protections accordées aux agents publics 
 
Résumé : La présente circulaire précise le cadre juridique applicable aux « lanceurs d’alerte » dans la fonction publique, les modalités de recueils des signalements et leur traitement ainsi que les garanties et protections dont bénéficient les agents.
 
Mots-clés : fonction publique ; déontologie ;
 
Textes de référence
I. Champ d’application du régime du signalement dans la fonction publique ...................... 2
1-1. Agents susceptibles de faire un signalement ............................................................... 2
1-2. Actes et faits susceptibles d’être signalés .................................................................... 3
1-3. Identification du destinataire des signalements ........................................................... 5
II. Modalités et procédure de signalement .......................................................................... 6
2-1. La voie de droit commun : le signalement interne (niveau 1) ...................................... 8
2.2. - Le signalement externe dans l’hypothèse d’une absence de suites données au
signalement (niveau 2) ...................................................................................................... 11
2.3. La divulgation publique (niveau 3) ............................................................................. 12
2.4 En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages
irréversibles ...................................................................................................................... 12
III. Mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement ....... 12
3-1. Garanties, protections et limites pour l’agent ayant effectué un signalement ........... 12
3-2. Garanties pour l’agent mis en cause par le signalement .......................................... 15

Introduction
 
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a donné un cadre commun et harmonisé au dispositif relatif aux alertes, remplaçant ainsi la plupart des dispositifs spécifiques ou sectoriels qui avaient été auparavant instaurés notamment dans le secteur public(1).
 
Le législateur a souhaité reconnaître l’intérêt des signalements pour dissuader et prévenir des actes répréhensibles, qu’ils soient ou non constitutifs d’une infraction pénale, et éviter le maintien de situations préjudiciables à l’intérêt général. Les dispositions de la loi s’appliquent tant au secteur public qu’au secteur privé.
 
Le chapitre II de la loi du 9 décembre 2016 précitée donne une définition large du « lanceur d’alerte » et précise les faits et actes susceptibles d’être signalés dans ce cadre (article 6). Elle couvre tant les signalements effectués dans un cadre professionnel que les alertes effectuées par toute personne physique. Ce même chapitre II prévoit des garanties ainsi qu’un cadre général de procédure graduée permettant le recueil des signalements (article 8) qui interviennent dans un cadre professionnel.
 
Le III de l’article 8 précité de la loi du 9 décembre 2016, dont le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 porte application, impose aux administrations de l’Etat, aux communes de plus de 10.000 habitants, départements, régions, collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, et aux établissements publics en relevant, ainsi qu’aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins une commune de plus de 10.000 habitants, et aux personnes morales de droit public ou de droit privé de plus de 50 agents ou salariés, d’établir une procédure de recueil de signalements. 
 
Les organismes chargés d’établir une procédure de recueil de signalements sont tenus d’en assurer la diffusion par tout moyen de manière à la rendre accessible à leurs agents et collaborateurs extérieurs ou occasionnels.
 
La loi du 9 décembre 2016 a également modifié l’article 6 ter A de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et a inséré des dispositions spécifiques relatives à la protection des agents publics régis par le statut général des fonctionnaires. Ces dispositions s’appliquent aux agents publics de chacun des trois versants de la fonction publique (de l’État, territoriale, hospitalière).
 
L’article 15 de la loi du 9 décembre 2016 a également introduit un nouvel alinéa à l’article L. 4122-4 du code de la défense applicable aux militaires et analogue à l’article 6 ter A précité. 
 
L’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 et l’article L. 4122-4 du code de la défense protègent l’agent public qui décide de procéder à un signalement en définissant le champ des faits et actes pour lesquels aucune mesure défavorable ne peut être prise à son encontre. Il appartient en effet aux personnes morales ou aux administrations concernées de protéger ces agents publics sur le plan juridique, tout en prévoyant des sanctions éventuelles en cas de dénonciation calomnieuse ou de signalement abusif.
 
Ces articles offrent des garanties et protections communes aux agents faisant un signalement soit au titre de la procédure autonome, déjà prévue en matière de crime et délit par le second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale (2), soit au titre de la procédure prévue par l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 précitée, qui précise les modalités du signalement concernant l’ensemble des faits susceptibles d’en faire l’objet.
 
La présente circulaire identifie les agents publics susceptibles de faire un signalement dans la fonction publique ainsi que les destinataires de celui-ci. Elle précise également tous les faits et actes susceptibles d’être signalés, les modalités encadrant les signalements effectués dans le cadre de la procédure prévue à l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016, ainsi que les mesures de garantie et de protection dont bénéficient les agents publics procédant à un signalement ainsi qu’éventuellement, les agents mis en cause par le signalement. 
 
I. Champ d’application du régime du signalement dans la fonction publique 

1-1. Personnes susceptibles de faire un signalement et ayant accès à la procédure de signalement des alertes dans un cadre professionnel
 
a) Définition du lanceur d’alerte dans un cadre professionnel
 
Est un lanceur d’alerte en vertu de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précitée « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. ».
 
L’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 précitée fixe une procédure graduée de signalement des alertes dans un cadre professionnel. En effet, le III du même article précise que les signalements pour lesquels une procédure est imposée, sont ceux émis par « les membres [du] personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels » des administrations, organismes ou collectivités concernés. 
 
Le Conseil Constitutionnel a estimé que la procédure du III de l’article 8 était limitée « aux seuls lanceurs d’alerte procédant à un signalement visant l’organisme qui les emploie ou celui auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel. » (3). Ainsi, si les tiers et les usagers peuvent répondre à la définition du lanceur d’alerte précédemment citée, la procédure de signalement que les organismes visés au III de l’article 8 doivent mettre en place, ne leur est pas applicable. Par ailleurs, le droit reconnu aux agents publics de procéder à un signalement qui concerne, comme le souligne le Conseil Constitutionnel, « l’organisme qui les emploie ou celui auquel ils apportent leur collaboration
», ne se limite pas au périmètre du service auprès duquel ils sont affectés, mais peut s’étendre à l’ensemble des services qui les emploient.
 
b) Personnes ayant accès à la procédure de signalement des alertes dans un cadre professionnel
 
La procédure de recueil des signalements prévue au III de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 doit être mise en place et accessible à tous les agents et collaborateurs extérieurs et occasionnels, des organismes concernés quel que soit leur statut.
 
La procédure s’impose aux organismes suivants : (établissements publics, groupement d’intérêt public, etc.). 
 
Doivent y avoir accès tous les agents de ces organismes quel que soit leur statut : fonctionnaires titulaires ou stagiaires, contractuels de droit public ou de droit privé, ainsi que leurs collaborateurs extérieurs et occasionnels (stagiaires et apprentis notamment). En application des dispositions du V de l’article 34 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, la procédure est également ouverte aux agents de droit local employés par les administrations et agences publiques de l’Etat à l’étranger (5).
 
Les agents affectés dans une collectivité, un établissement public ou un organisme non soumis à l’obligation de mettre en place une procédure d’alerte, peuvent réaliser un signalement, en respectant la procédure graduée prévue au I de l’article 8. Ils peuvent ainsi s’adresser au supérieur hiérarchique direct ou indirect ou, le cas échéant, à l’autorité territoriale. 
 
Par ailleurs, le IV de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 rappelle que toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits qui l’orientera vers l’organisme approprié pour recueillir son signalement.

1-2. Actes et faits susceptibles d’être signalés 
 
Sont susceptibles d’être signalés non seulement des actes mais également des faits, dès lors qu’ils sont susceptibles d’être constitutifs de l’une des qualifications précisées ci-dessous et qu’ils concernent l’organisme qui emploie l’agent auteur du signalement. Par ailleurs, il est rappelé qu’il existe une autre procédure distincte prévue par l’article 40 du code de procédure pénale qui fait obligation à toute autorité constituée, officier public ou fonctionnaire, qui acquiert, dans l’exercice de ses fonctions, la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatif (6). La procédure de l’article 40 est ouverte à un public plus restreint que la procédure de la loi du 9 décembre 2016. Le respect de la procédure de la loi du 9 décembre 2016 est en outre indispensable pour permettre aux auteurs du signalement de bénéficier de l’ensemble des protections et garanties qu’elle accorde. Les faits, actes, menaces ou préjudices, susceptibles de faire l’objet d’un signalement doivent être d’une particulière intensité : la violation doit être grave et manifeste, de même que la menace ou le préjudice doit être grave pour l’intérêt général. La violation de la loi ou du règlement, par exemple, doit être à la fois susceptible d’entraîner des conséquences graves et, par son caractère manifeste, reposer sur des éléments dont l’existence est difficilement contestable. L’appréciation de la gravité des faits, actes, menaces et préjudices incombe en tout premier lieu au lanceur d’alerte, avant de procéder au signalement.
 
S’agissant des conflits d’intérêts (7), ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’un signalement au sens de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016, que s’ils constituent un délit de prise illégale d’intérêts, une violation grave et manifeste de la loi, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général.
 
Sont exclus du dispositif de signalement, en vertu du second alinéa de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précitée, les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, dès lors qu’ils sont couverts par le secret de la défense nationale (8), le secret médical (9) ou le secret des relations entre un avocat et son client (10).
 
L’appréciation de l’ensemble de ces faits et actes sera effectuée à l’occasion, notamment, de l’examen de la recevabilité du signalement.

1-3. Identification du destinataire des signalements
 
L’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 indique que le destinataire d’un signalement est le supérieur hiérarchique, direct ou indirect, l’employeur ou un référent désigné par celui-ci. 
 
La notion d’« employeur » désigne plus spécifiquement dans la fonction publique, le supérieur hiérarchique direct ou indirect. Dans la fonction publique territoriale, l’autorité territoriale peut également être rendue destinataire des signalements.
 
Les administrations sont, en outre, tenues de désigner un référent alerte qui peut être une personne physique ou une entité de droit public ou de droit privé, dotée ou non de la personnalité morale, dans les conditions prévues par l’article 4 du décret du 19 avril 2017 susvisé.
 
Sauf dans un cas de conflit d’intérêts (11), l’agent public, auteur d’un signalement dans la fonction publique peut donc s’adresser au destinataire de son choix, entre le supérieur hiérarchique direct ou indirect et le référent désigné.
 
Toutefois, il sera souligné que le législateur a souhaité, sans remettre en cause la légitimité du supérieur hiérarchique, que ce dernier ne soit pas obligatoirement destinataire de tous les signalements effectués par les agents placés sous son autorité (12) mais constitue cependant un destinataire possible. En tout état de cause, il n’a pas à être saisi systématiquement d’un signalement, en même temps que le référent désigné. 
 
Il est recommandé que le signalement soit porté à la connaissance du référent alerte.
 
Si l’auteur du signalement choisit de saisir son supérieur hiérarchique direct ou indirect, il est recommandé que le signalement soit transféré au référent alerte, sous réserve de l’accord de l’auteur et dans des conditions en garantissant la confidentialité. Ceci afin d’assurer le suivi et le traitement du signalement et le respect des délais impartis par la procédure prévue à l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016. Le référent alerte devient alors le destinataire de ce signalement au sens de cette disposition. 
 
Il est souhaitable, afin de donner toute la visibilité à ce dispositif de protection des agents auteurs de signalement, que les services et collectivités confient également au référent déontologue prévu par le décret n°2017-519 du 10 avril 2017 précité, les missions du référent alerte désigné selon les modalités prévues par le décret du 19 avril 2017 précité. Cette nomination est possible si le référent déontologue dispose également, de par son positionnement, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants pour l’exercice des missions du référent alerte. Pour les collectivités affiliées à un centre de gestion, pour lesquelles la fonction de référent déontologue est d’ores-et-déjà une mission obligatoire du centre de gestion, la fonction de référent alerte pourra être assurée par le référent déontologue si le centre de gestion propose cette prestation au titre des missions facultatives.
 
En tout état de cause, le destinataire, une fois choisi, constitue le seul interlocuteur pour l’auteur du signalement.
 
Enfin, le législateur a souhaité confier un rôle spécifique au Défenseur des droits, en le chargeant d’orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi et de veiller aux droits et libertés de cette personne (13). Le Défenseur des droits n’est cependant pas compétent lui-même pour effectuer les vérifications nécessaires pour constater la réalité des dysfonctionnements signalés, ni les faire cesser (14).
 
Afin de faciliter ce rôle d’orientation du Défenseur des droits, il est recommandé aux autorités publiques tenues d’établir une procédure de recueil des signalements de l’informer de la procédure mise en place et des coordonnées du référent alerte désigné. 
 
II.  Modalités et procédure de signalement
  
Les autorités publiques tenues d’établir une procédure de recueil des signalements doivent le faire selon les modalités définies par l’article 5 du décret du 19 avril 2017 précité. 
 
Dans les administrations de l’Etat (administrations centrales, services déconcentrés, services à compétence nationale) cette procédure est créée par un arrêté du ou des ministres compétents. L’arrêté du ministre concerné peut également prévoir une procédure commune à des services placés sous son autorité et également à des établissements publics placés sous sa tutelle, après décision en ce sens des organes compétents de ces établissements. 
 
Pour les autres personnes morales, collectivités territoriales ou autorités publiques concernées (15), le décret du 19 avril 2017 précise que la procédure est établie conformément aux règles qui régissent l’instrument juridique qu’elles adoptent. Elles disposent donc d’une plus grande souplesse quant aux modalités les mieux adaptées pour répondre à leurs obligations. Il peut s’agir, notamment, d’un code de bonne conduite, d’une charte de déontologie, d’une note de service. Cet instrument est adopté conformément aux dispositions législatives ou réglementaires qui le régissent. 
 
Les administrations de l’Etat disposent d’une grande marge de manœuvre quant à l’organisation de la procédure de recueil des signalements et à la désignation du référent alerte, à l’instar de l’organisation existante pour le référent déontologue. Ainsi, par exemple, un référent alerte peut être désigné pour une ou plusieurs directions d’un même ministère, voire pour plusieurs ministères. De même, le choix peut être fait de mettre en place une organisation collégiale mieux à même de répondre aux besoins de l’administration concernée. 
 
Pour les autres personnes morales, collectivités publiques ou autorités publiques concernées, il leur est possible de mettre en œuvre une procédure commune entre plusieurs de ces organismes, sous réserve, d’une décision concordante de chacun de leurs organes compétents. Un arrêté ministériel peut également créer une procédure commune à des services placés sous l’autorité d’un ou plusieurs ministères ou à des établissements publics placés sous leur tutelle, après décision en ce sens des organes compétents de ces établissements, (article 2 du décret du 19 avril 2017 précité).
 
L’organisation choisie ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de limiter le droit de l’agent de procéder à un signalement, ni la protection dont il doit bénéficier dès lors qu’il respecte la procédure mise en place.
  
La procédure de signalement prévue par l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 est graduée en plusieurs niveaux
 
Le premier niveau de la procédure est constitué par le signalement interne – il s’agit de la procédure de droit commun que les services sont tenus de mettre en place en vertu de l’article 1er du décret du 19 avril 2017 précité (niveau 1). L’essentiel des signalements devrait pouvoir être traité à ce stade.
 
Le deuxième niveau de la procédure est constitué par un signalement externe. En l’absence de suite donnée dans un « délai raisonnable » au signalement interne, l’auteur du signalement peut communiquer directement à des autorités extérieures compétentes (niveau 2).
 
La loi précise que les autorités extérieures compétentes sont soit les autorités judiciaires, soit les autorités administratives ou les ordres professionnels (16). En tant qu’« autorités », les autorités administratives et judiciaires ont en commun de disposer d’un pouvoir de décision et d’être « extérieures » à la structure qui emploie l’agent. Toutefois, la loi du 9 décembre 2016 n’a pas entendu modifier les règles de saisine et de compétence de ces autorités. S’agissant des autorités judiciaires, il s’agit du procureur de la République. Pour les autorités administratives, sont notamment visés par ces dispositions certaines autorités publiques indépendantes ou autorités administratives indépendantes (telle que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique), ou même un service à compétence nationale (tel que l’Agence française anticorruption), en raison de leurs compétences et des pouvoirs d’investigation et de décision dont elles disposent dans le domaine visé par le signalement. 
 
Le troisième niveau est constitué par la divulgation publique. La divulgation au public ne peut intervenir qu’en dernier ressort à défaut de traitement du signalement par ces autorités extérieures dans un délai de trois mois (17) (niveau 3). 
 
Cette procédure en trois étapes n’est pas obligatoire en cas de danger grave et imminent(18) ou en présence d’un risque de dommages irréversibles (19). Dans une telle hypothèse, le signalement peut être porté directement à la connaissance des autorités extérieures compétentes susmentionnées et peut être, concomitamment, rendu public. 
 
La qualification de danger grave et imminent résulte d’éléments objectifs appréciés en fonction des circonstances de l’espèce. 
             
2-1. La voie de droit commun : le signalement interne (niveau 1) 


 
2.1.1 Modalités de transmission et contenu du signalement
 
Il est recommandé que le signalement soit, en toute hypothèse, effectué, dans un premier temps, auprès du référent alerte (20, le mieux à même d’apprécier le traitement du signalement et de saisir l’autorité compétente pour mettre fin aux faits, actes, menaces ou préjudices signalés. Il permet de préserver l’auteur du signalement des conséquences d’un signalement mal orienté.
 
Les agents sont invités à faire usage de l’écrit, y compris par voie dématérialisée, selon la procédure mise en place par le service. La procédure doit faire état des mesures de nature à garantir la confidentialité de l’auteur du signalement (21).
 
L’agent auteur du signalement doit apporter au soutien de son signalement les faits, informations ou documents dont il dispose, susceptibles d’étayer et justifier son signalement (2° de l’article 5 du décret du 19 avril 2017 précité). Il doit également indiquer les circonstances dans lesquelles il en a eu personnellement connaissance, notamment à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
 
L’agent auteur du signalement doit en outre mettre le destinataire du signalement en capacité d’échanger avec lui pour compléter son signalement (3° de l’article 5 du décret du 19 avril 2017 précité). Un signalement anonyme n’est pas de nature à permettre de nourrir cet échange. 
 
Nb : dans l’hypothèse où l’auteur d’un signalement acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit dans l'exercice de ses fonctions au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, il est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République (voir supra 1.2). Le signalement effectué auprès du référent alerte n’a pas pour effet de transférer à ce référent, la responsabilité personnelle incombant à l’auteur du signalement dès lors que ce dernier a la certitude qu’il s’agit d’un crime ou d’un délit. Il permet de mettre en œuvre les mesures de protection adéquates (mentionnées au III de la présente circulaire). 

2.1.2 La réception du signalement
 
À la réception du signalement, le destinataire informe dans les meilleurs délais l’agent auteur du signalement de la bonne réception de son signalement et des garanties de confidentialité dont il bénéficie. 
 
Les garanties de confidentialité s’imposent à toutes les personnes chargées de la gestion du signalement qui interviennent au stade du recueil ou de son traitement. Les informations détenues par ces personnes sont limitées à ce qui est strictement nécessaire aux seuls besoins de la vérification ou du traitement du signalement.
 
Il l’informe également du délai raisonnable prévisible au cours duquel il examinera la recevabilité de son signalement (décret du 19 avril 2017, art. 5, II, 1°). Le délai raisonnable est fixé par le destinataire au regard de l’objet du signalement.
 
Cet accusé de réception précise également à l’auteur du signalement les moyens d’information et les délais prévisibles par lesquels il sera informé des suites données à son signalement.
 
En cas d’absence de diligence du référent alerte pendant le délai raisonnable fixé dans l’accusé de réception l’agent auteur du signalement pourra saisir, selon sa situation, les autorités extérieures compétentes susmentionnées (étape 2).
 
2.1.3 L’examen de la recevabilité du signalement dans le délai raisonnable
 
L’examen de la recevabilité par le destinataire du signalement doit permettre de vérifier sa vraisemblance et son sérieux, et de s’assurer que l’auteur du signalement satisfait, en première analyse, aux exigences fixées par la loi.
 
a) Le destinataire du signalement doit d’abord vérifier la recevabilité dudit signalement :
 
La recevabilité porte sur les faits et actes. Dès le stade de la recevabilité, le destinataire vérifie la nature des faits portés à sa connaissance. 
 
Il vérifie si ces faits et actes apparaissent comme un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou comme une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général ou susceptibles d’être constitutifs d’un conflit d’intérêts.
 
Il vérifie également si les faits, informations ou documents signalés ne sont couverts ni par le secret de la défense nationale, ni par le secret médical ni par le secret des relations entre un avocat et son client. Ces faits, informations ou documents ne peuvent faire l’objet d’un signalement. 
 
Le contrôle de la recevabilité n’implique pas une vérification approfondie. Le destinataire doit au moins être en mesure de vérifier dès ce stade si les faits sont suffisamment crédibles. Tous les moyens doivent être mis à sa disposition pour permettre une telle vérification.
 
La recevabilité concerne également l’auteur du signalement.
 
Un signalement n’est recevable que s’il permet un échange entre son auteur et le destinataire. En principe, l’auteur du signalement s’identifie (22) , étant entendu que son identité doit être traitée de façon confidentielle par le destinataire (23). Les éléments de nature à identifier l'auteur d’un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire et seulement avec le consentement de la personne. La connaissance de l’identité de l’auteur permet de mettre en œuvre les garanties et protection auxquelles il a droit (voir III de la présente instruction).
 
Le destinataire vérifie que les trois conditions suivantes sont bien réunies :  L’agent auteur du signalement ne bénéficie des protections et garanties prévues à l’article 6 ter A que dans le cas d’un signalement effectué de bonne foi. Ainsi, en application du dernier alinéa de l’article 6 ter A, l’agent qui a relaté ou témoigné de faits de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits qu’il a signalés, s’expose aux sanctions de l’article 226-10 du code pénal qui punit la dénonciation calomnieuse de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
 
L’article L.4122-4 du code de la défense prévoit des dispositions similaires pour les militaires.
 
b) L’information sur la recevabilité
 
Avant la fin du délai raisonnable, le destinataire du signalement informe l’auteur du signalement de sa recevabilité, de manière sécurisée afin de garantir la confidentialité de l’échange.
 
Lorsque le signalement est recevable, le destinataire du signalement informe l’agent qui a fait le signalement, de sa recevabilité, des suites qui y seront données et des délais prévisibles du traitement.  L’auteur de l’alerte est également informé en cas d’irrecevabilité du signalement. Il lui est fait part des motifs de cette irrecevabilité. 
 
2.1.4. Le traitement interne du signalement
 

Le traitement interne constitue une obligation qui repose sur l’autorité publique disposant des moyens d’agir pour mettre fin aux faits et actes qui font l’objet du signalement. L’absence de diligence de cette autorité pourra avoir pour effet d’engager sa responsabilité et de permettre à l’auteur du signalement de saisir les autorités compétentes externes concernées. 
 
Le dossier peut être recevable et, après vérifications, ne pas nécessiter la mise en œuvre de mesures. Dans cette hypothèse, l’auteur du signalement et, le cas échéant, l’agent mis en cause, doivent, en tout état de cause, être informés par le destinataire du signalement.
 
Si, en revanche, le signalement nécessite la mise en œuvre de mesures, le traitement relèvera selon les cas de l’administration destinataire du signalement ou d’une autorité extérieure. Le traitement peut être effectué par l’administration, la collectivité ou l’organisme concerné par le signalement lorsque l’action ou l’acte relève de cette autorité. Dans ce cas, il est mis directement fin aux actes ou faits, objets du signalement. Les auteurs de ces actes ou de ces faits sont mis en demeure d’y mettre fin dans les meilleurs délais. Lorsque l’administration, la collectivité ou l’organisme concerné estime ne pas pouvoir agir directement ou indirectement, le signalement est transmis, sans délai aux autres autorités publiques à même de le traiter directement ou indirectement.
 
Le destinataire, seul interlocuteur de l’auteur du signalement, doit s’assurer que les actes ou les faits ont été pris en charge dans le cadre d’un traitement et doit veiller à informer régulièrement, selon des modalités préalablement définies, l’agent auteur du signalement des suites ou de l’absence de suites données à son signalement : évolution du traitement de l’alerte, choix opéré par l’autorité publique, mesures envisagées puis mesures mises en œuvre et clôture.
 
2.2 - Le signalement externe dans l’hypothèse d’une absence de suites données au signalement (niveau 2) 
 
En l’absence d’examen de la recevabilité du signalement dans le délai raisonnable fixé par le destinataire du signalement, l’agent qui a fait le signalement peut s’adresser à l’autorité externe compétente susmentionnée.

2.3 La divulgation publique (niveau 3)
 
En dernier ressort, à défaut de prise en charge effective en vue de son traitement dans un délai de trois mois par l’autorité externe compétente, le signalement peut être rendu public. Ce délai court à compter de la saisine de ladite autorité.

2.4 En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles
 
Sauf pour les militaires relevant de l’article L. 4122-4 du code de la défense (24), en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance de l’autorité externe compétente. Le signalement peut également être rendu public.

III.  Mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement
 
Le régime de protection applicable aux agents susceptibles de faire un signalement dépend du statut de l’agent concerné, indépendamment de la mise en place d’une procédure obligatoire de recueil des signalements.
 
Ainsi, pour les fonctionnaires et fonctionnaires stagiaires, l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 précise la protection statutaire dont ils peuvent bénéficier. Cette protection est également applicable aux agents contractuels de droit public, en vertu du II de l’article 32 de la loi du 13 juillet 1983. Cet article leur rend applicable, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, les dispositions du chapitre II de la loi du 13 juillet 1983 précitée, au sein duquel se trouve l’article 6 ter A.
 
Dans les services et les établissements publics à caractère industriel ou commercial, ce régime de protection ne s'applique qu'aux agents qui ont la qualité de fonctionnaire. En revanche, les salariés de droit privé des EPIC ainsi que les agents de droit privé employés par d’autres personnes publiques bénéficient de la protection prévue à l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
 
Concernant les collaborateurs occasionnels, ils doivent avoir accès également aux garanties et protections instituées dans le cadre de l’article 6 ter A, par analogie avec les garanties qui leur sont offertes en matière de protection fonctionnelle.
 
La protection des auteurs du signalement est présumée dès l’engagement de la procédure de signalement initiée par l’auteur du signalement, précédemment décrite. Le maintien de la protection est confirmé aux différents stades de la procédure.
 
Il convient de rappeler que la protection reconnue aux agents auteurs de signalement se distingue de la protection fonctionnelle accordée au titre de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

3-1. Garanties, protections et limites pour l’agent ayant effectué un signalement
 
Les lois du 13 juillet 1983 et du 9 décembre 2016 précitées prévoient des dispositifs visant à apporter des garanties et protections aux agents auteurs de signalement. Ces garanties et protections doivent leur éviter de subir des mesures de rétorsions fondées sur une alerte dès lors que celle-ci a été faite de bonne foi et dans le respect des procédures.

a) Les garanties
  Les procédures de traitement des signalements mises en œuvre peuvent prendre la forme de traitements automatisés de données à caractère personnel. Dans cette hypothèse, le responsable de traitement doit mettre en œuvre la procédure de signalement dans le respect de la législation applicable en matière de protection des données.
 
En tout état de cause, quelle que soit la procédure mise en œuvre (registre, boîte mél, formulaire en ligne, courrier…), l’article 9 de la loi du 9 décembre 2016 précitée prévoit que la stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par le signalement et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement doit être garantie.
 
Ainsi, les éléments de nature à identifier l’agent auteur du signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’avec le consentement de l’auteur du signalement. 
 
La communication éventuelle à des tiers (25) de tout ou partie des informations relatives au signalement est limitée à ce qui est strictement nécessaire aux besoins de la gestion et du traitement du signalement. Les garanties de confidentialité s’imposent en effet à toutes les personnes chargées de la gestion et du traitement du signalement. 
 
Quant aux éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement, ils ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.
 
La violation de ces obligations de confidentialité est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
 
Il est rappelé qu’une fois atteint l’objectif poursuivi par la collecte des données, il n’y a plus lieu de conserver les données et elles doivent être supprimées.
 
Lorsqu’aucune suite n’est donnée au signalement, les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et, éventuellement, celle des personnes visées par celui-ci doivent être détruits dans un délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la clôture de l’ensemble des opérations de recevabilité ou de vérification. Les personnes concernées sont informées de cette clôture. (3° du II de l’article 5 du décret du 19 avril 2017 précité).
 
Par ailleurs, la procédure doit mentionner l’existence d’un traitement automatisé des signalements, mis en œuvre conformément aux formalités prévues par les règles relatives à la protection des données à caractère personnel.  Le second alinéa de l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 précitée soumet les agents publics à l’obligation de secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. 
 
En vertu de l’article 122-9 du code pénal, l’agent auteur du signalement qui porte atteinte à un secret professionnel protégé par la loi n’est pas pénalement responsable dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu’il a effectué son signalement dans le respect des procédures de signalement définies par la loi, en particulier les lois du 13 juillet 1983 et du 9 décembre 2016 précitées. Si l’agent auteur d’un signalement fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une mesure discriminatoire qu’il estime motivée par un signalement ou un témoignage intervenant dans le cadre d’un signalement, il peut contester cette mesure.
 
Le cinquième alinéa de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 précitée prévoit que dans ce cas, c’est à la partie défenderesse (auteur de la mesure) qu’il appartient de prouver que la mesure ou la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement ou au témoignage effectué par l’agent. Toutefois, il incombe en premier lieu à l’agent de présenter des éléments de fait permettant de présumer qu’il a relaté de bonne foi les faits signalés. 
 
b) Les protections contre les mesures discriminatoires prise par l’employeur
 
L’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 précitée frappe de nullité toute sanction ou mesure discriminatoire, directe ou indirecte, dont ferait l’objet un fonctionnaire pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016.
 
Le premier alinéa de ce même article, énumère de manière non limitative les mesures qui ne peuvent être prises à l'égard d'un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts au sens du I de l'article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Ces mesures concernent notamment les domaines suivants : Ces dispositions concernent l’ensemble des agents susceptibles de procéder à un signalement mentionnés au point 1.1 supra.
 
c) Limite aux garanties et protections  
 
Sans préjudice de la qualification d’autres infractions pénales pour lesquelles l’auteur d’un signalement pourrait être poursuivi (26), l’article 226-10 du code pénal sanctionne l’auteur d’une dénonciation calomnieuse ou d’une fausse déclaration (27). Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Le dernier alinéa de l’article 6 ter A punit des mêmes peines l’agent qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d'intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d'entraîner des sanctions disciplinaires, avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus publics ou diffusés.
 
En cas de signalement abusif ou constitutif d’une infraction pénale, l’auteur du signalement ne bénéficie plus de la protection de l’article 6 ter A : il peut voir sa responsabilité civile engagée et également se voir infliger une sanction disciplinaire. 
 
Aux termes de l’article L. 4122-4 du code de la défense, le militaire auteur d’un signalement ne bénéficie d’une protection spécifique à l’encontre des sanctions disciplinaires et mesures discriminatoires que s’il a respecté la procédure décrite au I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 explicitée par la présente circulaire. Ce n’est également qu’à cette condition qu’il pourra bénéficier du régime particulier d’administration de la preuve prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4122-4 du code de la défense.

3-2. Garanties pour l’agent mis en cause par le signalement
 
Le signalement peut parfois avoir des conséquences sur un ou plusieurs agents qui peuvent être mis en cause par celui-ci.
 
Pour rappel, l’agent mis en cause bénéficie de garanties de confidentialité : les éléments de nature à l’identifier ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé du signalement.
 
Si la mise en cause de l'agent n'est pas fondée et qu'il s'estime victime d'une menace, injure, diffamation ou outrage, le IV de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 le protège dès lors qu'aucune faute personnelle ne peut lui être imputée. Lorsque le signalement se traduit par la saisine de juridictions devant lesquelles l’agent mis en cause aura des frais à couvrir, ces frais peuvent être pris en charge au titre de la protection fonctionnelle prévue à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée. 
 
La dénonciation calomnieuse étant expressément envisagée par le dernier alinéa de l’article 6 ter A, vos services sont incités à prendre en considération les demandes d’octroi de protection fonctionnelle qui pourraient être formulées dans de tels cas par l’agent mis en cause par le signalement (28).
 
 
***
 
Il convient de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires protégeant les agents relevant de votre périmètre et de procéder, dans les meilleurs délais, à la diffusion de la procédure mise en place par tout moyen (29). Celle-ci devra indiquer les coordonnées du référent alerte ou du collège susceptible de recevoir les signalements ainsi que toutes les modalités de sa saisine.
 
Pour tous renseignements complémentaires ou toutes difficultés rencontrées, notamment dans l’élaboration des arrêtés, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique peut être contactée (1SGDS - bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social).
 
 
 Pour le misnistre et par la délégation : 
Le directeur général de l'administration et de la fonction publique, 
Thierry Le Goff
 
(1) Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, l’article 15 supprime les articles L. 1351-1 et L. 5312-4-2 du code de la santé publique, les articles L. 1161-1 et L. 4133-5 du code du travail, l’article 25 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les articles 1er et les 3° et 4° de l’article 2 et l’article 12 de la loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte. La loi du 9 décembre 2016 n’a cependant pas modifié les dispositions de la loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui prévoit la protection du lanceur d’alerte pour les services spécialisés de renseignement, ni l’article L. 4131-1 du code de travail relatif au droit d’alerte et de retrait en cas de danger grave pour la vie ou la santé du travailleur ou de défectuosité constatée dans le système de protection ainsi que les dispositions du décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène, la sécurité et la prévention médicale. En outre, le décret n° 2010-974 en date du 26 août 2010 fixe des dispositions similaires applicables à la santé et à la sécurité au travail ainsi qu’à la prévention médicale du personnel militaire servant au sein de la gendarmerie nationale.

(2) Le second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale prévoit, en effet, que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procèsverbaux et actes qui y sont relatifs. ».

(3) Cons. Cons. Décision n°2016-741 DC du 8 décembre 2016, cons.7.

(4) Les modalités de définition de ce seuil sont précisées par l’article 3 du décret n° 2017-564 du 19 avril 2017

(5) Article 34- V de la loi du 12 avril 2000 : « V.- Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat à l'étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales du travail, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services. ».

(6) Dans ce cadre, les faits doivent répondre aux critères suivants :
(7) Le conflit d’intérêts est défini par l’article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. »

(8) Les atteintes au secret de la défense nationale sont définies par les articles 413-9 et suivants du code pénal ainsi que par les articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense. Sont, par exemple, visés par les dispositions de la loi du 9 décembre 2016, les documents relatifs aux installations militaires, comme, les documents relatifs à l’activité du centre d’études du Bouchet qui étudie les menaces nucléaires, bactériologiques et chimiques ; les documents relatifs aux procédures en relation avec la défense nationale comme le plan de sécurité Vigipirate mis en place par le ministère de l’intérieur et les dossiers d’habilitation au secret défense, y compris à l’égard des personnes concernées par l’habilitation. Les actions menées en opération par les forces armées sur le fondement d’ordres opérationnels protégés par le secret de la défense nationale sont exclues du dispositif d’alerte.

(9) Le secret médical constitue un droit pour la personne malade et les usagers du système de santé tel que défini par le titre Ier du Livre Ier de la Première Partie législative du code de la santé publique.

(10) Le secret professionnel des avocats est soumis aux règles législatives et réglementaires édictées par l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ainsi que les articles 4 et 5 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005.

(11) Article 6 ter A de la loi 83-634 du 13 juillet 1983

(12) En ce sens, voir le rapport n° 4045 de Monsieur Sébastien Denaja, en nouvelle lecture sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin II).

(13) Le IV de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 précitée rappelle, en effet, que toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits qui l’orientera vers l’organisme approprié pour recueillir son signalement.  

(14) Cf. Guide « Orientation et protection des lanceurs d’alerte » du Défenseur des droits accessible sur le site  https://www.defenseurdesdroits.fr/fr.

(15) Pour mémoire, il s’agit des personnes morales de droit public autres que l’Etat d’au moins cinquante agents, aux communes de plus de 10.000 habitants, aux départements et aux régions, collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, aux établissements publics en relevant et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins une commune de plus de 10.000 habitants  ainsi qu’aux autorités publiques indépendantes d’au moins cinquante agents et aux autorités administratives indépendantes.

(16) Ces autorités extérieures compétentes ne se confondent pas avec les autorités publiques, mentionnées supra, sur qui repose l’obligation d’établir une procédure de signalement. 

(17) Le traitement doit être entendu comme la prise en charge effective du dossier et non son nécessaire aboutissement.

(18) Les dangers graves et imminents peuvent à la fois affecter le bien commun, les tiers ou les agents dans l’exercice de leur fonction.

(19) Les risques de dommages irréversibles peuvent, par exemple, viser certains risques graves sur la santé publique ou l’environnement.

(20) Dans le cas d’un conflit d’intérêts, l’agent doit avoir préalablement alerté en vain l’une des autorités hiérarchiques dont il relève. Il peut également témoigner de ces faits devant le référent déontologue si celui-ci est différent du référent alerte.

(21) Voir sur point la délibération n°2017-191 du 22 juin 2017 de la CNIL précitée.

(22) A titre exceptionnel, si l’auteur du signalement souhaite rester anonyme, le signalement pourra être traité, à la condition que  la gravité des faits soit établie et que l’auteur fournisse des éléments factuels suffisamment détaillés. Le destinataire apprécie l’opportunité de prendre en compte cette alerte dans le cadre de la procédure (cf. Délibération n°2017-191 du 22 juin 2017 précitée).  

(23) Sur le traitement de l’identité, voir notamment l’article 2 de la délibération n°2017-191 du 22 juin 2017 de la CNIL (AU004).

(24) Le I de l’article 15 de la loi du 9 décembre 2016 n’étends pas aux militaires la possibilité, prévue par le II de l’article 8 de la même loi, d’effectuer un signalement direct à une autorité externe compétente en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.

(25) Les « tiers » sont toutes les personnes amenées à gérer ou traiter le signalement, en dehors de l’auteur et du destinataire du signalement.

(26) Par exemple, atteinte à la vie privée, atteinte à la représentation de la personne, ou injures et diffamations non publiques.

(27) Article 226-10 du code pénal : « « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. »

(28) Circulaire FP n° 2158 du 05 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l’État.

(29) Conformément à l’article 6 du décret du 19 avril 2017 précité.