Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau

Date de signature :07/05/2019 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :30/05/2019 Emetteur :Ministère de l'Agriculture
Consolidée le : Source :BO Agriculture n°22 du 30 mai 2019 et additif en date du 17 janvier 2023
Date d'entrée en vigueur :31/05/2019

Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau

NOR : TREL1904750J

(Texte non paru au Journal officiel)

Le ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire,
La secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire,
Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation,


à

Pour attribution :

Préfets coordonnateurs de bassin

Préfets de région Préfets de département Agences de l’eau
Pour information :
Secrétariat général du Gouvernement
Secrétariat général du MTES et du MCTRCT
Agence française pour la biodiversité (AFB)
Présidents des comités de bassin
Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)
Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation / Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)


 

1. Introduction

La politique de gestion quantitative de la ressource en eau s’inscrit désormais dans le cadre de la communication des ministres chargés de l’écologie et de l’agriculture du 9 août 2017 pour lutter contre la sécheresse et les effets du changement climatique, autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et mieux gérer en amont la ressource, grâce notamment à l’innovation, et faire émerger, dans l’ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.

Les travaux de la cellule d’expertise relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse, pilotée par le préfet Pierre-Etienne Bisch d’octobre 2017 à juin 2018, ont confirmé l’intérêt des projets de territoire, définis pour la première fois par l’instruction du 4 juin 2015 relative aux financements par les Agences de l’eau des retenues de substitution. Afin d’éviter toute confusion avec des projets sur d’autres domaines, cette instruction renomme le projet de territoire : « projet de territoire pour la gestion de l’eau ».

Un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) est une démarche reposant sur une approche globale et co-construite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique. Il aboutit à un engagement de l’ensemble des usagers d’un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc...) permettant d’atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s'y adaptant. Il s’agit de mobiliser à l’échelle du territoire des solutions privilégiant les synergies entre les bénéfices socio-économiques et les externalités positives environnementales, dans une perspective de développement durable du territoire. Le PTGE doit intégrer l’enjeu de préservation de la qualité des eaux (réductions des pollutions diffuses et ponctuelles).

La présente circulaire s’applique aux territoires métropolitains. Elle pourra inspirer des démarches dans les territoires ultra-marins en les adaptant aux particularités locales (institutions, spécificités sociétales, géographiques, climatiques, etc.).

2- Rôle de l’Etat

Les services de l’État doivent favoriser l'émergence de PTGE au regard des enjeux quantitatifs (territoires en déficit quantitatif au sens du SDAGE en vigueur, territoires en tension, territoires faisant l'objet d'un projet de stockage ou de transfert d'eau relevant d'une autorisation environnementale) ou des besoins de dialogue entre acteurs afin d'anticiper les enjeux d'avenir en matière de gestion quantitative de l'eau et de co-construire un projet fédérateur pour y répondre. Cette approche méthodologique permet de prévenir d'éventuelles situations de blocages ou d'en sortir.

Le préfet coordonnateur de bassin définit les situations dans lesquelles la conduite des PTGE doit être encouragée, à l’exception du bassin de Corse où la collectivité de Corse est compétente. Lorsque le périmètre du PTGE est interdépartemental, le préfet coordonnateur pourra demander la désignation d’un préfet référent de sous-bassin ou de nappe souterraine (selon les formes prévues par l'article 69 du décret n° 2004-374 concernant les compétences interdépartementales des préfets de département).

Le préfet coordonnateur de bassin ou le préfet référent est garant de la pluralité des acteurs composant le comité de pilotage du PTGE tel que décrit en Annexe 1. Il veille à ce que les différents services de l’Etat partagent au préalable leurs analyses sur les enjeux liés à la mise en place du PTGE et à l'intégration de la problématique du changement climatique dans le PTGE. Il est également de sa responsabilité de valider le diagnostic et, à l’issue de la phase de dialogue territorial, de se prononcer sur le programme d’actions et d'approuver les volumes d’eau associés.

Il s'assure que le PTGE est compatible avec les grandes orientations du SDAGE.

Le préfet référent veille à ce que le PTGE comprenne un volet de recherche de sobriété qui concerne l’ensemble des usages de l’eau, de façon adaptée aux efforts potentiellement réalisables. L'approbation du PTGE par le préfet coordonnateur de bassin ou le préfet référent ne vaut pas autorisation réglementaire pour les actions qu’il envisage et qui requerraient de telles autorisations.

Le préfet référent s’assure de la mise en place de la démarche de co-construction et porte une attention particulière au cahier des charges définissant les processus et le calendrier. Il est essentiel, à ce stade, d’engager un dialogue ouvert et constructif avec la structure porteuse du PTGE et de favoriser les retours d’expériences d’autres territoires. Il veille à la transparence des informations et études recueillies tout au long de la démarche PTGE.

Pour garantir le processus de concertation, le préfet référent peut recommander le recours à un garant indépendant vis-à-vis des enjeux du territoire.

Le préfet référent veille également au suivi des actions dans la phase de mise en œuvre du PTGE. Il portera une attention particulière à la mise en œuvre de la répartition des eaux, issue du PTGE et transcrite dans les autorisations de prélèvement, notamment par des contrôles en période d’étiage.

Le préfet de région intervient dans la démarche PTGE, conformément à la répartition des compétences de l’État dans les régions, notamment en appui à l'organisation, en aide à l'analyse des données et à l'appréciation des enjeux à l'échelle de la région, en veillant à la coordination des services de l’État concernés. Les services de l’État, notamment la direction départementale des territoires (et de la mer) répondant au préfet référent ainsi que les DREAL et DRAAF concernées, participent aux réunions du comité de pilotage, s’assurent du respect de la présente instruction et des conditions fixées par l'instance de gouvernance pour l’élaboration du PTGE, le suivi et l'évaluation de sa mise en œuvre. Ils facilitent l'accès aux informations utiles, notamment à l’occasion de la réalisation des diagnostics. Le centre de ressources de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) met à disposition études, outils, méthodes et retours d'expérience utiles pour les porteurs de projets.

Concernant les PTGE en cours d'élaboration à la date de diffusion de la présente instruction, le préfet coordonnateur de bassin ou le préfet référent peut, au cas par cas, demander au comité de pilotage de compléter les PTGE quand il le juge nécessaire. Les services de l’État inciteront les PTGE en cours d'élaboration à s'inscrire autant que possible dans le cadre méthodologique de cette instruction, notamment en complétant les aspects manquants.

3- Organisation des annexes

La présente instruction est accompagnée d’une annexe 1 qui décrit les étapes clés de mise en place d’un  PTGE, d'une annexe 2 sur les approches économiques et le financement de la démarche et des actions du PTGE, d'une annexe 3 sur l’articulation du PTGE avec les outils de planification et autres outils de gestion de l’eau, d'une annexe 4 sur les enjeux et leviers à retrouver dans le programme d’actions du PTGE, d'une annexe 5 sur le partage de la ressource et la détermination des volumes, d'une annexe 6 qui rassemble sous la forme d’un glossaire quelques notions utilisées dans la présente instruction et enfin d’une annexe 7 qui recense les territoires pour lesquels des projets ont été identifiés à ce jour et pour lesquels des préfets référents seront désignés.

4- Suites attendues

Nous demandons aux préfets d'accompagner les PTGE, selon les principes détaillés dans l’instruction et ses annexes, qu'il s'agisse de démarches similaires antérieures ou de PTGE lancés à la suite de la présente instruction.

Nous demandons au préfet de Corse d’informer la collectivité de Corse de la présente instruction.

Nous vous demandons de nous tenir régulièrement informés des problèmes liés à la mise en œuvre des PTGE. 

La présente instruction du Gouvernement sera publiée sur le site http://circulaire.legifrance.gouv.fr/


Fait le 7 mai 2019.

Le ministre d’État,                                                 
ministre de la Transition écologique et solidaire                                  
François de RUGY     

Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation
Didier GUILLAUME                                                                                    

La secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire
Emmanuelle WARGON

 

Annexe 1 : Mise en place des PTGE : étapes clés

Le projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) est un outil qui a vocation à être adapté aux contextes dans lesquels il est mis en place. Il revient aux acteurs du territoire de s'en saisir. Il constitue également un outil adapté pour assurer un climat de confiance entre les acteurs du territoire.

La démarche de projet

Le PTGE consiste, à travers un dialogue territorial, à :

L'horizon temporel pour la définition d'un PTGE devrait être de 2-3 ans.

Un ensemble d’outils, de méthodes et d’études sont mis à disposition sur le centre de ressources de l’AFB pour accompagner les porteurs de PTGE, les comités de pilotage et les services de l’État. Parmi les outils qui sont disponibles sur le centre de ressources ou le seront prochainement, on peut citer le guide de dérogation à l’article 4(7) de la directive cadre sur l’eau, la note de récupération des coûts pour les ouvrages de stockage de substitution, le guide pratique pour les études économiques et financières des PTGE à composante agricole.

L’amorce de la démarche

La démarche de PTGE suppose : Dans la pratique, diverses situations se rencontrent, compte tenu de l’organisation du territoire, de l’historique, de la connaissance acquise et l’existence ou non de lieux de gouvernance, etc.

Il incombe aux autorités locales (Etat, collectivités…) de désigner ou de créer le cadre de gouvernance adapté, s'appuyant sur un comité de pilotage, pour permettre de refléter l'ensemble des usages (eau potable, agriculture, industrie, navigation, énergie, pêche, usages récréatifs, etc.) et d'assurer une représentation équilibrée (représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux, des usagers non professionnels dont les associations de consommateurs, des associations de protection de l’environnement, des usagers professionnels des secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l'artisanat, des représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés) à la co-construction et aux projets d’actions qui en découleront. Les structures ayant des missions d’organismes uniques de gestion collective (OUGC) doivent être impliquées, ainsi que les financeurs potentiels, afin de cerner rapidement le champ des possibles en matière de financements.

Le porteur de projet est responsable du processus : un dialogue approfondi avec l’Etat et les financeurs est recommandé dès ce stade, pour que les objectifs généraux et les principes de mise en œuvre de la démarche soient partagés. Il peut s'agir du président de la commission locale de l’eau (CLE), lorsqu'elle existe, ou d’un président d’un établissement public territorial de bassin (EPTB) ou d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE), lorsqu’il existe, ou encore d’une personnalité reconnue sur le territoire et dans le domaine de la gestion de l’eau.

Le renouvellement des concessions hydroélectriques, enfin, peut donner lieu à une réflexion similaire afin de partager au mieux la ressource, dans le respect des enjeux de production hydroélectrique et de sécurisation du réseau.

Suivi et évaluation du PTGE

Le comité de pilotage assure la mise en place d’un suivi du PTGE en définissant les conditions du suivi (fréquence a minima annuelle, comité de suivi, indicateurs). Il est recommandé de prévoir une évaluation à terme du PTGE, au bout de 6 à 12 ans, afin d’établir un bilan des actions mises en œuvre, un suivi des effets sur la ressource, une vérification de l’atteinte des objectifs.


Annexe 2 : Approche économique et financement de la démarche et des actions du PTGE

1. L'importance des analyses économiques et financières dans le choix des actions du PTGE

Parmi les méthodes d'aide à la décision, les analyses économiques et financières sont particulièrement utiles. Elles doivent étayer et accompagner, de façon participative, la démarche de choix du programme d'actions qui sera finalement mis en place, tout en restant proportionnées.

L'analyse financière peut notamment être efficace pour apprécier rapidement le niveau de réalisme des principales actions envisagées et évaluer leur rentabilité pour les acteurs directement concernés. Dans le cas d’une infrastructure collective, l'analyse financière peut donner lieu à un calcul d’indicateurs de récupération des coûts, permettant d’évaluer le niveau de financement de l’infrastructure et de son fonctionnement dans la durée par les usagers directs ou indirects.

L'analyse économique permet de comparer les effets de plusieurs programmes d'actions possibles, du point de vue de la collectivité (territoire dans son ensemble), afin de sélectionner les solutions les plus porteuses de retombées socio-économiques positives pour le territoire.

En matière agricole, dans le cadre d’un projet adapté au territoire et à ses ambitions, il est essentiel d’associer les acteurs des filières concernées (filières déjà installées et filières à développer) afin d’identifier les productions nouvelles possibles (notamment leurs débouchés effectifs), et le cas échéant les filières à développer. La dimension socio-économique du PTGE en matière agricole doit s'inscrire dans une logique de développement durable, fondée notamment sur la transition agro-écologique, la recherche de valeur ajoutée, la création d’emplois, le maintien d’activités favorables à l’équilibre du territoire (par exemple : les exploitations de polyculture-élevage).

De telles démonstrations faciliteront le dialogue territorial mais également le financement des actions du projet.

2. Le financement de la démarche et des actions du PTGE

Généralités


Il faut bien distinguer le financement de la démarche de PTGE du financement des actions du PTGE.

Une pluralité de financeurs, tant de la démarche que des actions du PTGE, est possible : les usagers directs et indirects, les collectivités territoriales, les financeurs privés, les Agences de l’eau et les autorités de gestion de fonds européens (FEADER, FEDER). Le comité de pilotage doit prendre connaissance, très tôt dans la démarche, des critères propres à chaque financeur, afin de s'assurer du réalisme des actions envisagées.

L’établissement d’un modèle économique durable, démontré par une analyse financière à l’ampleur proportionnée, de même qu’un niveau élevé d’autofinancement, sont toujours des arguments convaincants pour les financeurs potentiels. Les fonds publics (collectivités territoriales, établissements publics) pour les investissements dans l’irrigation doivent respecter les règles du traité de fonctionnement de l’Union européenne relatives aux aides d’État : lignes directrices en vigueur de l'Union européenne concernant les aides d'État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, règlements d’exemption, règlement européen relatif au développement rural en vigueur. Ces textes définissent les conditions de financement des projets en fonction de l'état des masses d'eau souterraines ou superficielles impactées, de l'augmentation ou non de surfaces irriguées sur ces masses d'eau et d’économies d’eau à réaliser.

Financement par les Agences de l’eau

Les Agences de l'eau accompagneront financièrement les projets de territoire pour la gestion de l'eau conformément à leurs programmes d'intervention. Elles pourront accompagner, dans les bassins en déficit quantitatif, la création d'ouvrages de stockage ou de transfert prévue le cas échéant dans le PTGE qui traduisent une diminution de la pression sur la ressource en eau et une résorption des déficits quantitatifs des territoires. Les financements seront limités, pour les ouvrages à vocation d’irrigation agricole, aux seuls ouvrages ou parties d’ouvrage correspondant à la substitution des volumes prélevés à l’étiage par des volumes prélevés en période de hautes eaux ou en provenance d'autres masses d'eau. Pour les ouvrages multi-usages (eau potable, soutien d’étiage, irrigation, autres usages, etc.), les Agences de l’eau pourront éventuellement financer des parties d’ouvrage allant au-delà de la substitution, dans des conditions encadrées par le projet de territoire, et dans le respect des enveloppes financières prévues par le 11e programme des Agences de l’eau.

Le volume de substitution est le volume des prélèvements en période de basses eaux et qui sera prélevé en période de hautes eaux ou transféré depuis une ressource qui n'est pas en déficit.

Le volume de prélèvement en période de basses eaux, à partir duquel le volume de substitution sera déterminé, doit être défini dans le diagnostic de la ressource du PTGE approuvé par le préfet coordonnateur de bassin ou le préfet référent par délégation.

Ce calcul doit prendre en compte une analyse rétrospective s’appuyant sur les 5 à 10 dernières années ainsi qu’une démarche prospective visant à intégrer les conséquences des dérèglements climatiques sur la disponibilité de la ressource en eau, adaptées selon les bassins et leurs caractéristiques hydrologiques.

Concernant les PTGE en cours d'élaboration, dont l'avancement a conduit à un consensus local, ils n'ont pas à revenir sur les volumes identifiés (volume prélevé en période de basses eaux et volume de substitution) même si la méthode utilisée pour leur détermination diffère de l'approche susmentionnée.

D’autres partenaires financiers peuvent intervenir dans le financement de ces projets (ouvrages à vocation d’irrigation agricole ou multi-usages), y compris au-delà de la substitution.

Cet accompagnement financier global contribuera à l’atteinte des objectifs de bon état et de non détérioration fixés par la Directive Cadre sur l'Eau ainsi qu’à la mise en œuvre du SDAGE.

Plus spécifiquement, pour pouvoir bénéficier d'aides financières des Agences de l'eau, les infrastructures de stockage ou de transfert d'eau doivent avoir été incluses dans une analyse économique du programme d’actions permettant d’en apprécier l’opportunité économique. Elles doivent avoir fait l’objet d’une analyse financière permettant d’évaluer la durabilité financière de l’infrastructure. Le porteur de projet réalise également, dans le cas d’une infrastructure de stockage ou de transfert, une analyse de récupération des coûts, afin de démontrer la capacité des recettes issues des usagers à couvrir à moyen et long terme les différents coûts imputables à cette infrastructure. A minima, les recettes issues des usagers doivent permettre de couvrir la totalité des frais de fonctionnement et, sauf exception dûment justifiée, l'amortissement de la part non subventionnée de l'ouvrage. Les modalités pratiques de mise en œuvre de ces analyses de récupération des coûts sont précisées dans la note de méthode produite par l'AFB, la Direction de l'Eau et de la Biodiversité du MTES et les Agences de l'eau (septembre 2018).

La fixation des taux d'intervention relative au financement de la démarche et des actions du PTGE est laissée à l'appréciation des conseils d'administration des Agences de l’eau. Il est par ailleurs possible de moduler les aides en fonction de l'efficience des économies d’eau et de la réduction des pressions sur l’eau à l'étiage vis-à-vis des aspects quantitatif ou qualitatif ou de réduction de la dépendance à l'eau.
 

Annexe 3 : Articulation du PTGE avec les outils de planification et autres outils de gestion de l'eau

Articulation avec les SAGE

Le PTGE s’insère notamment dans la logique de protection, d’amélioration et de restauration du bon état de la masse d’eau concernée dans le respect de la directive cadre sur l’eau. Le PTGE doit donc être construit en cohérence avec les orientations fondamentales et les objectifs du SDAGE, et avec les objectifs généraux et dispositions du SAGE lorsqu’un SAGE existe sur le périmètre couvert par le PTGE. Pour rappel, l'article L.212-5-1 du code de l'environnement prévoit que le SAGE comporte un règlement qui peut définir les priorités d'usage de la ressource en eau ainsi que la répartition des volumes globaux par usage.

En présence d’un SAGE, la Commission Locale de l’Eau (CLE), étendue aux parties intéressées non membres de la CLE, constitue le cadre du comité de pilotage du PTGE. Le périmètre du PTGE est cohérent du point de vue hydrologique et hydrogéologique, il peut être plus restreint que le périmètre du SAGE ou bien inclure plusieurs périmètres de SAGE. Les différences de périmètres entre SAGE et PTGE induisent une adaptation de la composition du comité de pilotage. Dans le cas où un PTGE couvrirait plusieurs périmètres de SAGE, une commission d’inter-SAGE constituera le comité de pilotage du PTGE. La démarche du PTGE est indépendante du calendrier du SAGE. Il est néanmoins recommandé d’engager la démarche de PTGE en même temps que la révision du SAGE ; ainsi, les principes de gestion identifiés par le PTGE pourront immédiatement intégrer le volet « quantitatif » du plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD) et du règlement du SAGE. Si les calendriers ne le permettent pas, le PTGE peut être conduit en parallèle, et les liens avec le PAGD et le règlement du SAGE seront réalisés en temps voulu à la prochaine révision du SAGE. La CLE ou les CLE concernées émettent un avis conforme sur le PTGE avant son approbation par le préfet référent.

En l’absence de SAGE, il serait pertinent que le PTGE soit une première étape dans l’élaboration d’un SAGE, permettant de mettre en place une gestion de l’eau équilibrée et concertée sans attendre. Le SAGE met en œuvre une gestion intégrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques en définissant des objectifs plus larges, notamment de qualité des eaux et du bon fonctionnement des milieux aquatiques et humides. L’engagement d’une dynamique locale de concertation autour de la ressource en eau, qui pourra rapidement prendre la forme d’une commission locale de l’eau, est un préalable à l’élaboration d’un SAGE. Chaque comité de bassin pourra s’interroger sur l’opportunité de prescrire un SAGE, dit « nécessaire » au sens de l’article L.212-1 X du code de l’environnement, sur un territoire où un PTGE est mis en œuvre.

Articulation avec d'autres dispositifs de gestion de l'eau

Le dialogue entre les porteurs de PTGE et les acteurs d'autres politiques territoriales de l'eau doit être encouragé, afin de veiller à la cohérence des actions au sein des territoires. La synergie entre les différents outils de planification et de gestion de l'eau dans un territoire donné doit être recherchée. Dans certaines situations, il peut par exemple être utile de conduire une réflexion commune avec les stratégies locales de gestion des risques d'inondation (SLGRI), déclinant les plans de gestion des risques d'inondation (PGRI), et les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), ou bien avec les démarches relatives à la préservation et l'amélioration de la qualité de l'eau dans les aires de protection des captages d'eau potable.


Annexe 4 : Les actions du PTGE 

L’anticipation et l’adaptation au changement climatique


Face au changement climatique, dans le domaine de l’eau, chaque grand bassin français a adopté un plan d’adaptation au changement climatique (PACC) pour dégager les éléments de diagnostic et les stratégies d’action à engager. Le PTGE doit prendre en compte les orientations du plan d’adaptation au changement climatique des bassins et plus globalement les stratégies nationale et régionales. Les préfets devront veiller à l'intégration de cet enjeu dans les PTGE.

A cet égard, les actions des PTGE doivent privilégier les solutions dites « sans regret », c'est-à-dire qui seront bénéficiaires quelle que soit l’ampleur du changement climatique (amélioration de la qualité de l’eau, maîtrise des consommations, économies d’eau, etc.).

L’amélioration de la résilience du territoire passe par la réduction de la vulnérabilité des activités du territoire à la disponibilité de l'eau. En ce qui concerne l'activité agricole, l'irrigation peut constituer un facteur de durabilité lorsqu'elle est compatible avec les conditions environnementales, en particulier hydrologiques, du territoire et lorsqu'elle contribue à la transition agro-écologique de l'agriculture, à la diversité des productions, à l’emploi agricole et rural.

Par ailleurs, l'anticipation et l'adaptation au changement climatique supposent d'augmenter la synergie entre la gestion des épisodes d'excès d'eau et la gestion des périodes de rareté de l'eau, dans le respect de la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques.

Le dimensionnement des ouvrages de stockage doit tenir compte des évolutions attendues du climat.

Le changement climatique génère des incertitudes qu’il est difficile de lever dans le cadre de projets locaux : la qualité du dialogue entre acteurs, l’apport d’expertises scientifiques sur la probabilité de remplissage sont essentiels à ce stade pour faire émerger la solution la plus pertinente compte tenu des incertitudes. Si un stockage est envisagé dans un site favorable, il faudra veiller à étudier toutes ses potentialités en termes de multi-usage (eau potable, irrigation, autres usages et soutien d’étiage pour le futur) en veillant à une répartition précise entre les usages.

Il convient de prendre en compte l’incidence sur la qualité de l’eau du dimensionnement des ouvrages, en mettant en œuvre des actions de prévention et de réduction des pollutions ponctuelles et diffuses.

Enfin, la mise en place d’un suivi et d’une évaluation du PTGE et de ses actions doivent permettre d’adapter au fur et à mesure certaines actions sous l’effet du changement climatique.

Les leviers à mettre en œuvre

Le PTGE comprend obligatoirement un volet de recherche de sobriété et d'optimisation des différents usages de l'eau : économies d’eau, maîtrise des consommations, diagnostics, amélioration de l’efficience de l’eau et modernisation des réseaux. La recherche de la sobriété s'appuie sur un système de comptage de l'eau permettant une meilleure connaissance des prélèvements. Il étudie également les leviers pour améliorer l’offre sans prélèvements d’eau supplémentaires : optimisation de l’usage de tous les ouvrages de stockage existants (optimisation de la gestion, analyse des usages, travaux) et recyclage pour des usages adaptés dans le respect de la réglementation sanitaire. Des outils sont en préparation, ils permettront à terme de faciliter la mobilisation des retenues existantes.

Pour ce qui concerne l’usage agricole, la recherche de sobriété peut consister à augmenter l'efficience en eau de l'irrigation : modernisation du matériel, pilotage, changement de technique, adoption de nouvelles pratiques culturales. Le conseil technique peut également contribuer à favoriser la sobriété.

L'objectif d’atteinte de l’équilibre des besoins au regard des ressources disponibles peut également se traduire par des solutions relatives à l'offre en eau.

Le stockage d'eau ou le transfert, y compris pour l'irrigation ou le soutien d'étiage, est envisageable lorsque, combiné à d'autres actions du PTGE, il contribue à l'atteinte de l'équilibre, dans la durée, entre besoins et ressources dans le respect de la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, et que l'ensemble s'inscrit dans une démarche sobre. Il n’est donc pas systématique. Lorsque les ressources et les milieux le permettent, il peut aller au-delà de la seule substitution.

Dans tous les cas, l'incidence des ouvrages sur les milieux, les probabilités de remplissage effectif dans la durée et la nécessité d'un modèle économique pérenne doivent être prises en compte.

Il est primordial de considérer les solutions fondées sur la nature, qui permettent de rendre des services avec pas ou peu de coûts de fonctionnement, et de manière pérenne, moyennant un investissement de départ pour restaurer les fonctionnalités des écosystèmes. Parmi ces solutions on peut citer : la restauration des zones humides, qui permettra de stocker l’eau, de la filtrer et de recharger les nappes et réapprovisionner les cours d'eau en été ; la « désartificialisation » des sols, la restauration de la qualité des sols afin d'améliorer leur perméabilité, l’infiltration des eaux pluviales, et leur résilience face à la sécheresse. La revitalisation des cours d’eau est également essentielle car elle permettra de restaurer, notamment, le fonctionnement des zones humides connectées et de réduire l’évaporation à l’étiage par le rétablissement d’eaux plus courantes et plus fraîches.

La transition agro-écologique de l'agriculture offre également des solutions en vue d'une adaptation aux volumes prélevables et d'une meilleure résilience de l'agriculture face aux effets du changement climatique. Elle peut, entre autres, reposer sur la transformation de systèmes de cultures, la modification des espèces et des variétés cultivées, la mise en place de nouveaux systèmes d'élevage et de prairies, en cohérence avec les filières existantes ou à développer. Les pratiques agro-écologiques ayant des effets bénéfiques directs sur le cycle de l’eau (agroforesterie, mise en place de haies, bonne gestion des sols) sont particulièrement indiquées. L’intégration de la transition agro-écologique dans les leviers mobilisés par le PTGE suppose d'en étudier les conditions de mise en place, notamment dans le cadre des analyses économiques et financières.

Le PTGE privilégie les actions qui permettent également d'améliorer la qualité de l'eau.

Annexe 5 : Le partage de la ressource et la détermination des volumes

Le PTGE favorise les solutions apportant le plus d'aménités environnementales positives et facteurs de résilience du territoire. Les autres aspects du développement durable (développement économique et social) devront également être pris en compte. Le PTGE privilégie autant que possible les solutions qui bénéficient à plusieurs usages de l’eau, ou conciliant plusieurs fonctions ou intérêts énumérés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

On veillera à une logique de solidarité amont-aval et à laisser suffisamment d’eau arriver jusqu’au littoral pour les usages et le milieu à l'aval, y compris pour sauvegarder la biodiversité du littoral et préserver les zones conchylicoles d’un excès de salinité.

Les volumes des prélèvements d’eau sont déterminés dans le respect du code de l’environnement. Pour rappel, le SDAGE définit les zonages des territoires à enjeu quantitatif en tenant compte du changement climatique (PACC). Dans les zones de répartition des eaux notamment, les volumes prélevables globaux sont établis selon la circulaire du 30 juin 2008 relative à la résorption des déficits quantitatifs en matière de prélèvement d’eau et à la gestion collective des prélèvements d’irrigation. Le SAGE, quant à lui, comporte un règlement qui peut définir les priorités d’usage de la ressource en eau ainsi que la répartition des volumes globaux. Enfin, quel que soit l’usage concerné, les prélèvements en eau sont soumis à autorisation ou déclaration en fonction des volumes prélevés sur la ressource.

A l’issue de la phase de dialogue, le projet de territoire doit aboutir à un programme d’actions qui détaille les volumes d’eau associés aux actions en précisant la période de prélèvement (étiage et hors étiage). En l’absence de SAGE ou de répartition de volumes par le SAGE, le PTGE doit aboutir à la répartition, sur toute l'année, des volumes d’eau par usage. Ces volumes doivent être compatibles avec le SDAGE et le SAGE quand il existe ; ils respectent les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques. La répartition détaillera les volumes destinés au stockage d’eau existant et le cas échéant les volumes attribués aux nouveaux ouvrages de stockage d’eau et de transfert à mettre en place, leur part de substitution et leur part éventuelle de développement des prélèvements.

Le volume substitué doit être clairement identifié et doit se traduire par des modifications des arrêtés d’autorisation des prélèvements concernés pour les différents usages, ainsi que par un contrôle régulier des consommations.

En ce qui concerne plus spécifiquement l'usage agricole, lorsqu'un OUGC existe et conformément aux modalités de répartition prévues par son règlement intérieur, l’OUGC proposera une répartition tenant compte des actions du PTGE. Le contenu du PTGE et en particulier l’équilibre négocié de la répartition des volumes d'eau, prélevés en étiage et hors période d’étiage, qu’il s’agisse de volumes substitués ou non, doit être approuvé par le préfet coordonnateur de bassin ou le préfet référent, en conformité avec le contenu de la présente instruction.

Annexe 6 : Glossaire

Adaptation : démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Dans les systèmes humains, il s’agit d’atténuer ou d’éviter les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Dans certains systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences. (site écologie-solidaire.gouv.fr)

Déficit quantitatif : lorsqu’une ressource en eau ne permet pas, statistiquement, huit années sur dix en moyenne, de subvenir au besoin des milieux et aux usages. Dans ce cas, les prélèvements destinés aux usages ne peuvent être réalisés tout en garantissant le bon fonctionnement des milieux aquatiques correspondants.

Externalités positives : caractérise le fait qu'un agent économique crée, par son activité, un effet externe en procurant à autrui, sans contrepartie monétaire, une utilité ou un avantage de façon gratuite.

Retenue : les installations ou ouvrages permettant de stocker l’eau (réserve, stockage d’eau, plan d’eau, étang, retenue collinaire, retenue de substitution) quel que soit leur mode d’alimentation (par un cours d’eau, une nappe, par une résurgence karstique ou par ruissellement) et quelle que soit leur finalité (agricole, soutien à l’étiage, eau potable, maintien de la sécurité des personnes, autres usages économiques). (Guide juridique construction de retenues de 2011)

Retenue de substitution : ouvrage artificiel permettant de substituer des volumes prélevés en période de basses eaux par des volumes prélevés en période de hautes eaux. Les retenues de substitution permettent de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques, elles viennent en remplacement de prélèvements existants. (Guide juridique construction de retenues de 2011- Expertise collective Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique)

Transfert de substitution : ouvrage artificiel permettant de substituer les volumes prélevés à l’étiage dans une ressource en déséquilibre par des volumes prélevés dans une autre ressource non déficitaire.