Circulaire du 12 avril 2019 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n°2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations

Date de signature :12/04/2019 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :14/05/2019 Emetteur :Ministère de la justice
Consolidée le : Source :http://circulaire.legifrance.gouv.fr
Date d'entrée en vigueur :15/05/2019

Circulaire du 12 avril 2019 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n°2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations

Le 12 avril 2019
Date d’application : immédiate

La garde des sceaux, ministre de la justice

A

POUR ATTRIBUTION

Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près les cours d'appel
Monsieur le procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel
Mesdames et Messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance
Madame le procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris


POUR INFORMATION

Mesdames et Messieurs les premiers présidents des cours d'appel
Monsieur le président du tribunal supérieur d'appel
Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux de grande instance
Monsieur le membre national d’Eurojust pour la France


N°NOR : JUSD 1911096 C
N° CIRC : CRIM/2019-9/ H2/12.04.2019
N/REF : CRIM N°2018-00058


OBJET : Présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations,

MOTS CLEFS : attroupement ; contrôle judiciaire ; convocation par procès-verbal ; comparution à délai différé ; comparution immédiate ; comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; dissimulation du visage ; interdiction de manifester ; manifestation ; visite des bagages et des véhicules

ARTICLES CREES OU MODIFIES : articles 131-32-1, 222-47, 322-15, 431-8-1, 431-9-1, 431-11, 434-38-1 et 711-1 du code pénal ; articles 78-2-5, 138, 230-19 et 804 du code de procédure pénale

ANNEXES :
1 : Tableau comparatif des articles modifiés du code pénal
2 : Tableau comparatif des articles modifiés du code de procédure pénale

Plan de la circulaire

1.Dispositions de droit pénal

1.1. Création d’un nouveau délit de dissimulation du visage

1.2. Extension de la peine complémentaire d’interdiction de manifester

1.3. Extension de peines complémentaires à d’autres délits


2.Dispositions de procédure pénale

2.1. Réquisitions écrites du procureur aux fins de contrôles en cas de manifestation

2.2. Possibilité de juger les délits en matière d’attroupement selon les procédures rapides

2.3. Interdiction de manifester dans le cadre d’un contrôle judiciaire


***

La loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations a été publiée au Journal Officiel du 11 avril 2019.

La présente circulaire présente les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de cette loi.

Certaines de ces dispositions ont été expressément déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019. Elles ne pourront donc faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité.

1. Dispositions de droit pénal

1.1. Création d’un nouveau délit de dissimulation du visage

L’article 6 de la loi a inséré dans le code pénal un nouvel article 431-9-1 prévoyant qu’ « est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime. »

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 4 avril 2019.

Ce nouveau délit complète ainsi la contravention de la cinquième classe actuellement prévue par l’article R. 645-14 de ce code qui réprime « le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public. »

Les éléments constitutifs du nouveau délit sont pour partie similaires à ceux de la contravention.

La dissimulation du visage doit être volontaire. Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel (1), elle implique que la personne entend empêcher son identification, par l'occultation de certaines parties de son visage.

Les faits doivent être commis au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique.

L’infraction n’est pas constituée si la dissimulation du visage obéit à un motif légitime. Il appartient au juge d’apprécier souverainement cette notion, dont le Conseil constitutionnel a indiqué qu’elle ne présentait aucun caractère
équivoque (2).

Toutefois, à la différence de ce qui est prévu pour la contravention – qui continuera donc à s’appliquer dans les cas les moins graves – le délit exige qu’au cours ou à l'issue de la manifestation à l’occasion de laquelle la personne dissimule son visage, des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis.

Il importe de souligner que le Conseil constitutionnel a précisé qu’en faisant référence au risque de commission de troubles à l'ordre public, le législateur a entendu viser les situations dans lesquelles les risques de tels troubles sont manifestes(3) .

C’est donc uniquement dans de telles hypothèses que la dissimulation du visage constituera désormais un délit et non plus une contravention(4).

Ce nouveau délit constitue ainsi une infraction obstacle à la commission de violences contre les personnes ou les biens à l’occasion de manifestations qui ont dégénéré ou qui risquent manifestement de dégénérer, ce qui permettra une répression plus efficace à l’encontre des personnes dont le comportement est de nature à faciliter la commission de telles violences. Etant réprimé de peine d’emprisonnement, il permettra notamment l’arrestation et le placement en garde à vue de ces personnes.

Ce nouveau délit a donné lieu à la création du code NATINF 33234 : dissimulation volontaire du visage, sans motif légitime, lors d’une manifestation sur la voie publique accompagnée de troubles ou risques manifestes de troubles à l'ordre public.

Il sera visible dans le documentaire NATINF EN LIGNE dès demain et sera mis à disposition des utilisateurs de Cassiopée dans les prochaines semaines.


1 Considérant n° 29.
2 Considérant n° 31 ; il peut notamment s’agir des cas de manifestations conformes aux usages locaux, comme le carnaval, ainsi que le précise l’article R. 645-14 pour la contravention.
3 Considérant n° 30
4 Lorsque la dissimulation du visage par une personne aura lieu à l’occasion d’une manifestation se déroulant paisiblement, seule la contravention pourra être relevée, du moins si les circonstances de cette dissimulation font craindre, de la part de cette personne, même de façon non manifeste, des atteintes à l'ordre public.



1.2. Extension de la peine complémentaire d’interdiction de manifester

L’article 7 de la loi insère dans le code pénal un nouvel article 131-32-1 prévoyant le régime général de la peine complémentaire d’interdiction de manifester, auparavant prévu par l’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure, qui est abrogé par coordination.

Le premier alinéa de l’article 131-32-1 dispose que « la peine d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans, emporte défense de manifester sur la voie publique dans certains lieux déterminés par la juridiction. »

Le second alinéa précise, comme c’est déjà le cas pour de nombreuses peines d’interdiction des droits, que « si la peine d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s'applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. »

Ce même article 7 précise et étend le périmètre d’application de cette peine complémentaire.

Il complète les articles 222-47 et 322-15 du code pénal, afin de permettre le prononcé de cette peine pour les infractions suivantes, lorsqu’elles sont commises à l’occasion d’une manifestation :

A ces délits, qui figuraient déjà dans l’énumération de l’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure, est ajoutée la participation à un groupement en vue de commettre des violences (art. 222-14-2 du code pénal).

Par ailleurs, cette peine complémentaire pourra également être désormais prononcée pour les délits suivants :

La violation de la peine d’interdiction est sanctionnée par le nouvel article 434-38-1 du code pénal, prévoyant que « le fait, pour une personne condamnée à une peine d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, de participer à une manifestation en méconnaissance de cette interdiction est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

Afin d’assurer le contrôle effectif de cette interdiction, l’article 4 de la loi modifie l’article 230-19 du code de procédure pénale en prévoyant que les décisions judiciaires d’interdiction de participation à des manifestations sur la voie publique, prononcées en application de l’article 131-32-1 du code pénal, sont inscrites au fichier des personnes recherchées (FPR)(5).

1.3. Extension de peines complémentaires à d’autres délits

L’article 7 de la loi modifie l’article 431-11 du code pénal afin de rendre applicable à l’ensemble des délits prévus par la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal, relative aux manifestations illicites et à la participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique, les peines complémentaires d’interdictions des droits civiques, civils et de famille et d’interdiction de séjour, qui était auparavant applicables au seul délit de port d’arme lors d’une manifestation sur la voie publique.

Ces peines pourront ainsi être désormais prononcées pour les délits suivants:

2.Dispositions de procédure pénale

2.1. Réquisitions écrites du procureur aux fins de contrôles en cas de manifestation

L’article 2 de la loi a inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article 78-2-5, qui vient compléter les dispositions de l’actuel article 78-2-2 de ce code permettant, pour la recherche et la poursuite de certaines infractions, la mise en oeuvre, sur réquisitions écrites du procureur de la République, des contrôles d’identité, la visite des véhicules et l’inspection visuelle des bagages ou leur fouille.

Les dispositions de l’article 78-2-5 ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 4 avril 2019.

Elles permettent au procureur de la République, afin de rechercher les auteurs du délit de participation à une manifestation en étant porteur d’une arme prévu à l’article 431-10 du code pénal (délit non visé par l’article 78-2-2), de prendre des réquisitions écrites autorisant les officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, à procéder, sur les lieux d’une manifestation et à ses abords immédiats à des inspections visuelles des bagages et à leur fouille ainsi qu’à la visite des véhicules.

Ces dispositions ne permettent en revanche pas de procéder à des contrôles d’identité.

Comme le Conseil constitutionnel l’a relevé dans sa décision(6), le procureur de la République doit préciser, dans sa réquisition, le lieu et la durée de ces opérations en fonction de ceux de la manifestation attendue(7).

5 La loi a jouté à cette fin un nouvel 17° à l’article du code de procédure pénale, alors qu’un premier 17° avait déjà été ajouté par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice. Ce doublon est cependant sans conséquence juridique.
6 Considérant n° 14.
7 Un modèle de réquisitions fondées sur l’article 78-2-5 du code de procédure pénale est disponible sur l’espace INTRANET de la DACG.



Par ailleurs, les inspections visuelles des bagages et leur fouille ainsi que les visites des véhicules doivent être réalisés conformément aux paragraphes II et III de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, auxquels renvoient les dispositions de l’article 78-2-5. Ces opérations ne peuvent donc conduire à une immobilisation de l'intéressé que le temps strictement nécessaire à leur réalisation, mais qu’elles ne peuvent avoir, par elles-mêmes, pour effet de restreindre l'accès à une manifestation, ni d'en empêcher le déroulement (8).

Toutefois, à la différence des opérations prévues par l’article 78-2-2, les opérations de l’article 78-2-5 peuvent être réalisées par des agents de police judiciaire et certains agents de policejudiciaire adjoints, sous la responsabilité d’officiers de police judiciaire, mais hors leurprésence effective.

2.2. Possibilité de juger les délits en matière d’attroupement selon les procédures rapides

Afin de renforcer l’efficacité des poursuites en cas d’attroupements illicites, l’article 7 de la loi introduit un article 431-8-1 dans le code pénal, permettant expressément de recourir pour ces délits aux procédures de convocation par procès-verbal, de comparution immédiate et de comparution différée (prévues aux articles 393 à 397-7 du code de procédure pénale) et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (prévue aux articles 495-7 à 495-15-1 de ce code).

Ces procédures seront ainsi possibles :

2.3. Interdiction de manifester dans le cadre d’un contrôle judiciaire

L'article 8 a complété l'article 138 du code de procédure pénale, qui dresse la liste des obligations auxquelles peut être soumise une personne placée sous contrôle judiciaire, par un 3° bis prévoyant l'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique dans des lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention.

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 4 avril 2019.

Le Conseil a rappelé que le contrôle judiciaire ne peut être prononcé qu'en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, qu’il revenait au juge de proportionner l'interdiction de manifester aux exigences justifiant le placement sous contrôle judiciaire, et que, dans ce cadre, il lui appartenait en particulier de déterminer les lieux concernés par une telle interdiction(9).

Il convient de souligner que cette interdiction pourra également intervenir dans le cadre d’une assignation à résidence avec surveillance électronique, et qu’elle sera possible non seulement au cours de l’information mais également dans le cadre d’une comparution par procès-verbal ou d’une comparution différée.

8 Considérant n° 15.
9 Considérant n° 37.


Cette nouvelle interdiction du contrôle judiciaire devra être inscrite au FPR, l’article 4 de la loi ayant à cette fin complété par un 3° bis l’article 230-19 du code de procédure pénale.
*
Vous voudrez bien me rendre compte, sous le timbre du bureau de la politique pénale générale, de toute difficulté rencontrée à l’occasion de la mise en oeuvre de la présente circulaire.


La Directrice des affaires criminelles et des grâces 
Catherine PIGNON