Circulaire du 27 mai 2019 relative à la présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’enquête et à l’instruction applicables au 1er juin 2019

Date de signature :27/05/2019 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :13/06/2019 Emetteur :Ministère de la justice
Consolidée le : Source :http://circulaire.legifrance.gouv.fr
Date d'entrée en vigueur :14/06/2019
Circulaire du 27 mai 2019 relative à la présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’enquête et à l’instruction applicables au 1er juin 2019

Le 27 mai 2019
Date d’application : 1er juin 2019

La garde des sceaux, ministre de la justice

A

POUR ATTRIBUTION

Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près les cours d'appel
Monsieur le procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel
Mesdames et Messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance
Madame le procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris

POUR INFORMATION

Mesdames et Messieurs les premiers présidents des cours d'appel
Monsieur le président du tribunal supérieur d'appel
Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux de grande instance
Monsieur le membre national d’Eurojust pour la France


N°NOR : JUSD 1915381 C
N° CIRC : CRIM/2019-12/H2/27.05.2019
N/REF : CRIM N°2019-00329

OBJET : Présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’enquête et à l’instruction applicables au 1er juin 2019

MOTS CLEFS : enquête, instruction, assignation à résidence sous surveillance électronique, audition libre et garde à vue des personnes protégées, interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques, géolocalisation, visio-conférence, règlement contradictoire de l’instruction, instruction concernant les délits de presse, enquête sous pseudonyme, techniques spéciales d’enquête, IMSI-catcher, sonorisation et fixation d’images, captation de données informatiques.

ARTICLES CREES OU MODIFIES : art. 51-1, 63-2, 100 , 100-1, 135-2, 137-3, 142-5, 142-6, 1427, 175, 230-32, 230-33, 230-46 ,706-1-1, 706-2-2 , 706-71, 706-71-1, 706-95-1, 706-95-11 à 706-1025,706-112-1, 706-112-2, D. 15-5-7, D. 32-4, D.32-7 à D. 32-9, D. 32-11, D.32-13, D. 32-14, D. 32-23, D. 32-25, D.32-26, D. 34-2, D. 40-1, D. 40-1-1, D. 47-13-3, D. 47-14-1 du code de procédure pénale ; art. 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

ANNEXES :
Annexe 1 : Précisions apportées à des dispositions de la loi du 23 mars 2019 immédiatement entrées en vigueur par les décrets n°2019-507 et n°2019-508 du 24 mai 2019
Annexe 2 : Tableaux comparatifs des règles applicables en matière d’interceptions, de géolocalisation et de techniques spéciales d’enquête

Plan de la circulaire

1. Dispositions communes à l’enquête et à l’instruction .................................................................... 3
1.1 Garde à vue et audition libre des majeurs protégés .................................................................... 3
1.1.1 Garde à vue des majeurs protégés ......................................................................................... 4
1.1.2. Audition libre d’un majeur protégé ........................................................................................ 6
1.2 Encadrement des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ........................................................................................................................................ 6
1.2.1. Limitation aux délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, sauf en cas d’interception, à sa demande, de la ligne de la victime ................................................................... 6
12.2. Motivation de l’autorisation d’interception ........................................................................... 7
1.3 Extension et encadrement de la géolocalisation ......................................................................... 7
1.3.1. Possibilité de procéder à une géolocalisation pour tous les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement ............................................................................................................................ 7
1.3.2. Limitation de la durée des géolocalisations ordonnées par le parquet ................................. 8
1.3.3. Limitation de la durée maximale des géolocalisations .......................................................... 8
1.3.4. Motivation des décisions autorisant la géolocalisation ......................................................... 8
1.4 Harmonisation, extension et encadrement de l’enquête sous pseudonyme ............................... 9
1.4.1. Harmonisation du régime applicable à l’enquête sous pseudonyme ..................................... 9
1.4.2. Extension du champ d’application de l’enquête sous pseudonyme ...................................... 10
1.4.3. Encadrement des actes autorisés au cours de l’enquête sous pseudonyme ......................... 10
1.5 Modifications des dispositions relatives aux techniques spéciales d’enquête .......................... 10
1.5.1. Harmonisation du régime juridique applicable à certaines techniques spéciales d’enquête (IMSI-catcher, sonorisation et fixation d’images, captation de données informatiques) .............. 10
1.5.1.1. Instauration d’un régime juridique commun ................................................................ 11
1.5.1.2..Dispositions spécifiques à chaque technique spéciale d’enquête ................................. 13
1.5.2. Captation à distance des correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique (article 706-95-1) .................. 14
1.6. Extension de certaines techniques d’enquête aux délits les plus graves en matière de produits de santé et certains délits du code de la consommation ................................................................... 14
1.7. Précisions concernant la visio-conférence ................................................................................ 15
2 .Dispositions spécifiques à l’instruction .......................................................................................... 16
2.1. Modifications concernant l'assignation à résidence sous surveillance électronique .............. 16
2.1.1.Suppression de l’exigence juridique d’un accord préalable ................................................ 17
2.1.2. Mise en liberté sous ARSE sous condition préalable de pose du dispositif de surveillance 18
2.1.3. Caractère facultatif du débat contradictoire imposant la présence du procureur ............... 18
2.1.4. Extension des enquêtes de faisabilité du SPIP ..................................................................... 19
2.1.5. Régime de l'ARSE après renvoi devant la juridiction de jugement. ..................................... 20

2.1.6. Mise en œuvre des nouvelles dispositions ............................................................................ 20
2.2. Règlement contradictoire sur la demande des parties ............................................................... 21
2.3. Simplification du déroulement et du règlement de l’instruction en matière de délit de presse ............................................................................................................................................. 23




La présente circulaire expose l’ensemble des dispositions de procédure pénale de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’enquête et à l’instruction et applicables au 1er juin 2019 (1).

Ces dispositions sont communes à l’enquête et à l’instruction (1) ou spécifiques à l’instruction (2).

Certaines de ces dispositions ont été précisées par celles résultant du décret n°2019-507 du 24 mai 2019 pour l’application des dispositions pénales de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites ou résultant du décret n°2019-508 du 24 mai 2019 pris pour l’application des dispositions pénales de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’instruction, à l’exercice des voies de recours et à l’exécution des peines. 

Les guides interactifs (2), listant  de  manière thématique et sous  forme  de  tableaux comparatifs l’ensemble  des  dispositions  applicables, ont été mis à jour des textes législatifs et réglementaires entrant en vigueur au 1er juin 2019.

Cette présentation est complétée par des modèles de formulaires qui sont ou seront disponibles sur le site INTRANET de la Direction des affaires criminelles et des grâces.

Il est précisé lorsque ces dispositions ont été expressément déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2019-778 DC du 21 mars 2019, ce qui interdira donc que ces dispositions fassent l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité. 

Par ailleurs, certaines dispositions de ces deux décrets sont venues préciser des dispositions de la loi de programmation qui étaient immédiatement entrées en vigueur : elles sont détaillées dans l'annexe n°1 de la présente circulaire. Elles concernent la compétence territoriale des enquêteurs, le dossier individuel des officiers de police judiciaire, les autorisations de sortie sous escorte, la compétence du président de la chambre de l’instruction, les réductions de peines en cas de refus de prélèvement
aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques, les requêtes post-sentencielles et la suppression de l’avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures en cas de la libération conditionnelle concernant certains condamnés.

1. Dispositions communes à l’enquête et à l’instruction

1.1. Garde à vue et audition libre des majeurs protégés

Afin de respecter les exigences constitutionnelles, résultant notamment de la décision n°2018-730 QPC du 14 septembre 2018, l’article 48 de la loi a inséré dans le titre XXVII du code de procédure pénale relatif à la poursuite, l’instruction et le jugement des majeurs protégés, deux articles 706-112-1 et 706-112-2, réglementant respectivement la garde à vue et l’audition libre de ces personnes.

Les dispositions de l’article 706-112-1 ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019.

Elles ont été précisées par le nouvel article D.47-14 du code de procédure pénale (3), pris en application de l’article 706-118, ainsi que par l’article D.15-5-7 de ce code, résultant du décret précité n°2019-507 du 24 mai 2019.

1.1.1. Garde à vue des majeurs protégés

Le nouvel article 706-112-1 prévoit que lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître que celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’officier ou l’agent de police judiciaire en avise le curateur ou le tuteur. S’il est établi que la personne bénéficie d’une mesure de sauvegarde de justice, l’officier ou l’agent de police judiciaire avise, s’il y a lieu, le mandataire spécial désigné par le juge des tutelles.

Il est précisé que si la personne n’est pas assistée d’un avocat ou n’a pas fait l’objet d’un examen médical, le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial peut désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier, il peut également demander que la personne soit examinée par un médecin.

L’article D.47-14 du code de procédure pénale précise que le curateur, le tuteur ou le mandataire spécial doit, lorsqu’il est avisé, être informé de cette possibilité, si ces droits n’ont pas déjà été exercés.

L’article D.47-14 précise également que lorsque le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial a été avisé, l’officier de police judiciaire peut, s'il lui apparaît que cette communication n'est pas incompatible avec les objectifs mentionnés à l'article 62-2 et qu'elle ne risque pas de permettre une infraction, autoriser le gardé à vue à communiquer avec cette personne conformément au II de l’article 63-2, c’est-à-dire par écrit, par téléphone ou lors d'un entretien.

Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs en application de ces nouvelles dispositions, à savoir l’avis au tuteur, curateur ou mandataire de justice, doivent intervenir au plus tard dans un délai de six heures à compter du moment où est apparue l’existence d’une mesure de protection juridique.

Le procureur de la République peut toutefois, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au présent article sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne. Tel sera notamment le cas si le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial est soupçonné d’être complice ou co-auteur des faits reprochés à la personne protégée (4).
 
Les dispositions de l’article 706-112-1 s’appliquent évidemment à toutes les gardes à vue, intervenant au cours de l’enquête comme au cours de l’instruction.5
 
L’article D.47-14 du code de procédure pénale précise en outre que les dispositions de l’article 706-112-1 sont également applicables, en cas de rétention d’une personne intervenant en application des articles 133-1, 141-4, 709-1-1 et 716-5, soit en cas de rétention faisant suite à un mandat de comparution, d’amener ou d’arrêt du juge d’instruction, à la violation d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, à la violation des obligations résultant d’une condamnation, ou intervenant en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté, c’est-à-dire dans des hypothèses où s’appliquent les autres garanties prévues au cours de la garde à vue.
 
Il conviendra de veiller à ce que les dispositions de l’article 706-11-1 soient bien appliquées par les enquêteurs, dans la mesure où leur non-respect est susceptible de constituer une cause de nullité de la procédure.
 
Il convient toutefois de souligner qu’en pratique, selon les termes mêmes de la loi, ces dispositions ne concernent que les hypothèses dans lesquelles les éléments recueillis au cours de la garde à vue d’une personne font apparaître que celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique.
 
Tel sera le cas en pratique si la personne gardée à vue a indiqué aux enquêteurs qu’elle fait l’objet d’une telle mesure de protection ou si cette information apparaît à un autre titre dans la procédure, par exemple du fait des déclarations d’un témoin ou de la victime, ou d’un proche de la personne suspectée. Mais, les nouvelles dispositions n’impliquent pas pour les enquêteurs l’obligation de vérifier, pour chaque garde à vue d’une personne majeure, si celleci fait ou non l’objet d’une mesure de protection.
 
Le nouvel article D.15-5-7 du code de procédure pénale résultant du décret du 24 mai 2019 précise cependant qu’en cas de placement en garde à vue d’une personne majeure, l’officier ou l’agent de police judiciaire doit systématiquement lui demander si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, afin de mettre en œuvre s’il y a lieu les dispositions de l’article 706-112-1 et de l’article D.47-146. Cette disposition consacre en réalité les pratiques existantes, une telle demande étant déjà prévue par les logiciels de rédaction de procédure utilisés par les enquêteurs.
 
Il doit enfin être observé que, dans la mesure où l’avis au tuteur ou au curateur est désormais devenu obligatoire, l’article 48 de la loi a également modifié par coordination l’article 63-2 du code de procédure pénale, prévoyant la liste des proches qu’une personne en garde à vue peut demander à faire prévenir, afin d’en retirer le curateur ou le tuteur.

1.1.2. Audition libre d’un majeur protégé
 
Le nouvel article 706-112-2 du code de procédure pénale dispose que lorsque les éléments recueillis au cours d’une procédure concernant un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement font apparaître qu’une personne devant être entendue librement en application de l’article 61-1 de ce même code fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’officier ou l’agent de police judiciaire en avise par tout moyen le curateur ou le tuteur. Celui-ci peut alors désigner un avocat ou demander qu’un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition. 
 
Il est précisé que si le tuteur ou le curateur n’a pu être avisé et si la personne entendue n’a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation. 
 
Il convient de souligner que ces dispositions ne s’appliquent qu’en cas de tutelle ou de curatelle, et non pas en cas de sauvegarde de justice, le législateur ayant considéré que, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une personne privée de liberté, le formalisme pouvait être allégé par rapport à ce qui est prévu en matière de garde à vue.
 
Par ailleurs, la sanction de leur non-respect n’est pas la nullité de l’audition, mais – dans le seul cas où la personne n’a pas été assistée par un avocat qu’elle aura donc elle-même demandé – la limitation de sa force probante. 

1.2. Encadrement des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques
 
L’article 44 de la loi du 23 mars 2019 a modifié sur deux points les dispositions relatives aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques, la première modification ne concernant que l’instruction, la seconde concernant l’instruction et l’enquête.
 
1.2.1. Limitation aux délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, sauf en cas d’interception, à sa demande, de la ligne de la victime
 
L’article 44 de la loi a modifié l’article 100 du code de procédure pénale relatif aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques, pouvant être ordonnées par le juge d’instruction au cours de l’information, afin de ne permettre ces opérations que pour les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans, et non plus deux ans comme auparavant.
 
A partir du 1er juin 2019, il n’est donc plus possible d’ordonner ces interceptions pour des délits punis de seulement deux ans d’emprisonnement, et les éventuelles interceptions en cours pour de tels faits devront cesser à compter de cette date. 
 
Ce seuil de trois ans n’est cependant pas exigé lorsqu’il s’agit d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime. Dans ce cas, l’interception peut également être autorisée par le juge d’instruction si elle intervient sur cette ligne à la demande de la victime. Ces dispositions permettent notamment de placer sur écoutes la ligne d’une personne victime d’appels téléphoniques malveillants réitérés, punis d’un an d’emprisonnement par l’article 222-16 du code pénal, ce que ne permettaient pas les dispositions antérieures.

1.2.2. Motivation de l’autorisation d’interception
 
L’article 44 de la loi a également modifié l’article 100-1 du code de procédure pénale, précisant que la décision autorisant l’interception comporte tous les éléments d’identification de la liaison à intercepter, l’infraction qui motive le recours à l’interception ainsi que la durée de celle-ci, afin de prévoir que cette décision devait être motivée « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires ».
 
Cette modification s’applique non seulement aux interceptions ordonnées par le juge d’instruction au cours de l’information, mais également à celles ordonnées, en matière de délinquance ou de criminalité organisée, par le juge des libertés et de la détention au cours de l’enquête, en application de l’article 706-95, qui renvoie en effet aux dispositions de l’article 100-1.
 
Cette modification est à rapprocher de l’insertion par ce même article 44 dans l’article préliminaire du code de procédure pénale, d’un alinéa disposant qu’ « au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l’espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l’infraction.»
 
Il en résulte qu’à compter du 1er juin 2019, les ordonnances des juges d’instruction autorisant des interceptions devront, comme c’était du reste déjà parfois le cas en pratique, être motivées : La motivation en fait peut cependant être synthétique et il convient de rappeler que la décision autorisant l’interception n’a vocation à être versée au dossier qu’en même temps que le résultat des interceptions.

1.3. Extension et encadrement de la géolocalisation
 
L’article 44 de la loi a modifié sur plusieurs points les dispositions du code de procédure pénale relatives à la géolocalisation, afin non seulement d’étendre les possibilités de recours à cette mesure mais également de renforcer les garanties encadrant son prononcé.
 
Ces modifications ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019.
 
1.3.1. Possibilité de procéder à une géolocalisation pour tous les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement
 
Dans un souci de simplification et d’efficacité, l’article 44 de la loi a modifié l’article 230-32 du code de procédure pénale, afin de permettre le recours à la géolocalisation pour toutes les enquêtes et instructions portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement.
 
A ainsi été abandonnée la distinction relativement complexe qui résultait de la loi du 28 mars 2014, entre les délits contre les personnes, devant être punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, et les autres délits, devant, sauf les exceptions des délits d’évasion ou de recel de malfaiteur, être punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
 
1.3.2. Limitation de la durée des géolocalisations ordonnées par le parquet
 
En contrepartie de l’extension des possibilités de recours à la géolocalisation résultant de la prise en compte d’un seuil unique de trois ans d’emprisonnement, l’article 230-33 du code de procédure pénale a été modifié, afin de limiter dans certains cas la durée des mesures ordonnées par le procureur de la République, avant une éventuelle prolongation pendant une durée d’un mois, ordonnée cette fois par le juge des libertés et de la détention.
 
Cette durée demeure, comme par le passé, de quinze jours dans le cadre des procédures de recherche des causes de la mort, des causes d’une disparition ou de recherche d’une personne en fuite, prévues aux articles 74 à 74-2 du code de procédure pénale.
 
Elle demeure également de quinze jours pour les enquêtes de flagrance ou les enquêtes préliminaires, portant soit sur un crime, soit sur des faits de délinquance ou de criminalité organisée mentionnés aux articles 706-73 ou 706-73-1 du code de procédure pénale.
 
En revanche, pour les enquêtes portant sur d’autres infractions, cette durée est réduite à huit jours consécutifs.

1.3.3. Limitation de la durée maximale des géolocalisations
 
L’article 230-33 du code de procédure pénale a également été modifié afin de porter la durée totale d’une mesure de géolocalisation à un an ou, s’il s’agit d’une infraction prévue aux articles 706-73 ou 706-73-1 du même code, à deux ans.
 
Cette durée est ainsi similaire à ce qui est prévu par l’article 100-2 du code de procédure pénale pour les interceptions de correspondances émis par la voie des communications électroniques.
 
Cette limitation s’applique dans tous les cas, qu’il s’agisse, au cours de l’enquête, des mesures prolongées par le juge des libertés et de la détention pour des durées d’un mois renouvelables, ou, au cours de l’information, des mesures prolongées par le juge d’instruction pour des durées de quatre mois renouvelables.

1.3.4. Motivation des décisions autorisant la géolocalisation 
 
L’article 230-33 a enfin été modifié afin de prévoir, comme pour les interceptions téléphoniques, que les décisions autorisant une mesure de géolocalisation devaient être motivées par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires.

1.4. Harmonisation, extension et encadrement de l’enquête sous pseudonyme
 
L’article 45 de la loi a modifié la procédure applicable à l’enquête sous pseudonyme pour harmoniser les différents régimes prévus par le code de procédure pénale, élargir le champ d’application de cette enquête à tous les crimes et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement et encadrer cette procédure en prévoyant une autorisation du magistrat en charge de l’enquête pour procéder à certains actes.
 
La procédure d’enquête sous pseudonyme consiste à autoriser les enquêteurs, dans le cadre de procédures judiciaires, à communiquer sur internet, sans utiliser leur véritable identité, avec des personnes susceptibles de commettre certaines infractions visées par la loi. Les enquêteurs peuvent, dans ce cadre, extraire ou conserver toutes les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ainsi que tout élément de preuve. Ils sont enfin autorisés à transmettre, sur demande expresse, des contenus illicites à des tiers, ou à acquérir certains produits, substances, prélèvements, services ou contenus illicites, et ce afin de pouvoir constater ces infractions.

1.4.1. Harmonisation du régime applicable à l’enquête sous pseudonyme 
 
Introduite pour la première fois par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance dans le but de constater certaines infractions portant atteinte aux mineurs ainsi que les infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme et de recours à la prostitution, la procédure d’enquête sous pseudonyme a par la suite été élargie à d’autres infractions, notamment en matière environnementale ou de santé publique. Il résultait de ces lois successives cinq dispositions éparses dans le code de procédure pénale (articles 706-2-2, 7062-3, 706-35-1, 706-47-3 et 706-87-1), dont la rédaction n’était pas harmonisée.
 
Dans un objectif de lisibilité et de clarté de la norme pénale, la loi a abrogé ces cinq dispositions (5) et créé un régime unique à l’article 230-46 du code de procédure pénale.
 
Ce nouvel article maintient l’exigence d’une affectation des officiers ou agents de police judiciaire dans un service spécialisé et d’une habilitation spéciale à recourir à cette technique. 
 
Les conditions d’habilitation sont précisées par l’arrêté du 21 octobre 2015 relatif à l’habilitation au sein de services spécialisés d’officiers ou agents de police judiciaire pouvant procéder aux enquêtes sous pseudonyme (6)
 
Enfin, le VI de l’article 28-1 du code de procédure pénale est modifié afin de préciser les conditions d’habilitation à effectuer des enquêtes sous pseudonyme des agents des douanes relevant de l’article 28-1 du code de procédure pénale, qui disposent des mêmes pouvoirs que les officiers de police judiciaire.

1.4.2. Extension du champ d’application de l’enquête sous pseudonyme
 
Tirant les conséquences du développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi que de l’importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, le nouvel article 230-46 élargit le recours à l’enquête sous pseudonyme à tous les crimes et aux délits punis d’emprisonnement, lorsque ces infractions sont commises par un moyen de communication électronique. Ainsi, le recours à l’enquête sous pseudonyme n’est plus limité à certaines catégories particulières d’infractions.
 
Le premier alinéa du nouvel article 230-46, qui consacre cette extension du champ d’application de l’enquête sous pseudonyme, a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019 (§151 à §157).

1.4.3. Encadrement des actes autorisés au cours de l’enquête sous pseudonyme
 
Le 3° du nouvel article 230-46 clarifie la possibilité offerte aux enquêteurs d’acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou de transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites.
 
Pour ces actes spécifiques, les nouvelles dispositions exigent désormais, à peine de nullité, une autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction en charge de l’enquête. Cette autorisation, qui peut être donnée par tout moyen, doit être mentionnée ou versée au dossier de la procédure.
 
Ce nouvel encadrement permet de mettre en cohérence le régime de l’enquête sous pseudonyme avec le dispositif prévu aux articles 706-32 et 706-106 du code de procédure pénale (7) 

1.5. Modifications des dispositions relatives aux techniques spéciales d’enquête
 
L’article 46 de la loi procède à une réécriture des dispositions relatives aux techniques spéciales d’enquête régies par les sections 5, 6 et 6 bis du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, afin d’harmoniser et clarifier le régime juridique qui leur est applicable.

Il crée un cadre juridique commun pour trois d’entre elles : le recours à l’IMSI-catcher, la sonorisation et fixation d’images et la captation de données informatiques. 
 
En revanche, la captation à distance des correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique, qui ne s’effectue pas dans la durée puisqu’il s’agit de saisir un stock de données, continue d’être régie par des dispositions particulières.

1.5.1. Harmonisation du régime juridique applicable à certaines techniques spéciales d’enquête (IMSI-catcher, sonorisation et fixation d’images, captation de données informatiques)

La loi consacre une section nouvelle dans le code de procédure pénale intitulée « Des autres techniques spéciales d’enquête » (8)  comprenant les articles 706-95-11 à 706-102-5. Il institue un régime commun aux trois techniques d’enquête que sont le recours à l’IMSI-catcher, la sonorisation et la fixation d’images et la captation de données informatiques.

1.5.1.1. Instauration d’un régime juridique commun
 
Conformément au nouvel article 706-95-11 du code de procédure pénale, ces dispositions sont applicables lors de l’enquête de flagrance, de l’enquête préliminaire ou de l’information judiciaire pour les infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du même code (9).
 
Ces trois techniques sont également applicables à certaines infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé de données commises en bande organisée (article 706-72 du code de procédure pénale), à certaines infractions économiques et financières (articles 706-1-1 et 7061-2 du code de procédure pénale), et à certaines infractions en matière de santé publique (article 706-2-2 du code de procédure pénale).

1) Conditions d’autorisation
 
L’article 706-95-12 du code de procédure pénale prévoit que l’autorisation de recourir à ces techniques d’enquête doit être délivrée par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, dans le cadre de l’enquête, et, par le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, dans le cadre d’une information judiciaire. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est pas susceptible de recours.
 
Comme pour les mesures d’interceptions de correspondance ou de géolocalisation, l’article 706-95-13 du même code prévoit que ces autorisations doivent faire l’objet d’une ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant de leur nécessité. Les développements figurant au paragraphe 1.2.2. de la présente circulaire sont donc applicables. 

2) Dispositif d’urgence
 
Le nouvel article 706-95-15 du code de procédure pénale prévoit une procédure d’urgence dans le cadre de l’information judiciaire. Le juge d’instruction, en cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, peut décider la mise en œuvre de ces techniques sans avis préalable du procureur de la République (10). Sa décision doit être écrite et motivée et comporter l’énoncé des circonstances de fait établissant l’existence du risque imminent.

3) Durée
 
Auparavant, les durées pendant lesquelles ces mesures pouvaient être autorisées étaient variables, sans que ces différences ne soient justifiées par le caractère plus ou moins attentatoire au droit au respect de la vie privée. Cette complexité nuisait à la lisibilité des textes, compliquait leur mise en œuvre et augmentait les risques d’erreurs. 
 
L’article 706-95-16 prévoit désormais que l’autorisation du juge des libertés et de la détention est délivrée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Celle du juge d’instruction est délivrée pour une durée maximale de quatre mois sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans. 

4) Autorité de contrôle
 
Comme pour toutes les techniques d’investigation, ces mesures se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisés (le juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’enquête ou le juge d’instruction dans le cadre de l’information judiciaire), ce qui implique la possibilité d’y mettre fin à tout moment. 
 
Pour les enquêtes préliminaires et de flagrance, l’article 706-95-14 prévoit en particulier que le juge des libertés et de la détention doit être informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis et se voir communiquer les procès-verbaux dressés en exécution de sa décision, de manière à ce qu’il puisse exercer son contrôle sur la légalité des actes ainsi réalisés.
 
S’il estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code n'ont pas été respectées, il peut ordonner la destruction des procès-verbaux et enregistrements effectués. La décision de destruction des procès-verbaux et des enregistrements prend la forme d’une ordonnance motivée, notifiée au procureur de la République, que ce dernier peut contester dans un délai de 10 jours suivant sa notification, devant le président de la chambre de l’instruction. 
 
5) Mise en place du dispositif et conservation des données recueillies 
 
L’article 706-95-17 prévoit que ces techniques sont mises en place par un officier de police judiciaire requis par le procureur de la République ou commis par le juge d’instruction, ou, sous sa responsabilité, par un agent de police judiciaire. Il est possible de requérir tout agent dont la liste est fixée par décret (11) pour l’installation et le retrait des dispositifs techniques. Ces personnes doivent, en application de l’article 706-95-18, dresser procès-verbal de leurs diligences qui mentionne la date et l’heure du début et de la fin de ces opérations. Les enregistrements sont placés sous scellés fermés. Ils sont décrits ou transcrits dans un procèsverbal qui ne doit comporter que les éléments utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les autorisations ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.
 
Conformément à la circulaire conjointe DACG-DGGN-DGPN du 16 novembre 2018 relative à la simplification de la procédure pénale à droit constant, pour les enquêtes de flagrance et en préliminaire, il est possible de relater dans un seul procès-verbal plusieurs opérations effectuées au cours de la même enquête, sauf prescription contraire du parquet. L’exigence de la règle « un acte, un procès-verbal » ne subsiste que pour l’information judiciaire en vertu de l’article D. 10 du code de procédure pénale.
 
Tous les enregistrements et données recueillis dans le cadre de la mise en œuvre de ces techniques d’enquête sont désormais détruits à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l’expiration du délai de prescription de l’action publique, conformément aux dispositions de l’article 706-95-19.
             
1.5.1.2. Dispositions spécifiques à chaque technique spéciale d’enquête
 
1) Les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications électroniques et le recueil des données techniques de connexion : l’IMSI-catcher (article 70695-20)
 
L’IMSI-catcher est un appareil ou un dispositif technique de recueil des données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d’un équipement terminal utilisé. Il permet également d’intercepter des correspondances.
 
Le régime juridique commun décrit plus haut s’applique à l’exception de l’utilisation de l’IMSI-catcher à des fins d’interceptions de correspondance (et non de recueil de données de connexion), dont la durée maximale autorisée est fixée à 48 heures, renouvelable une fois quel que soit le cadre d’investigation, en application du II de l’article 706-95-20. 
 
2) La sonorisation et la fixation d’images (articles 706-96 à 706-98)
 
Il s’agit d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. 
 
Comme c’était déjà le cas auparavant, dans le cadre d’une enquête, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris en dehors des heures légales, à l’insu du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Dans le cadre d’une information judiciaire, cette autorisation est délivrée par le juge d’instruction sauf s’il s’agit de s’introduire dans un lieu d’habitation en dehors des heures légales auquel cas cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le magistrat instructeur. 
 
3) La captation de données informatiques (articles 706-102-1 à 706-102-5)
 
Il s’agit d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu’elles sont stockées dans un système informatique, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques.
 
La nouvelle rédaction de l’article 706-102-1 réunit dans un même article les règles applicables lors de l’enquête et de l’instruction. Elle a également supprimé le terme de périphérique « audiovisuel » afin de couvrir la captation de données informatiques émises ou reçues par tout type de périphérique (clé USB, imprimante, disque dur externe) (12).
             
1.5.2. Captation à distance des correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique (article 706-95-1)
 
Cette technique permet notamment de recueillir à distance, à l’insu de la personne concernée, les correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant informatique, notamment les données de messagerie électronique. 
 
Elle s’avère particulièrement utile pour exploiter la messagerie électronique des suspects lorsque des réquisitions ou des éléments de l’enquête ont permis d’obtenir des identifiants de connexion.
 
L’article 46 de la loi étend le recours à cette technique à tous les crimes, tant pour les investigations menées par le parquet que pour celles menées par le juge d’instruction. 

1.6. Extension de certaines techniques d’enquêtes aux délits les plus graves en matière de produits de santé et certains délits du code de la consommation (article 706-2-2 du code de procédure pénale)
 
L’article 46 de la loi étend l’utilisation des principales techniques spéciales d’enquête à certains délits relatifs aux produits de santé ainsi que ceux de tromperie et de falsification aggravées prévues par le code de la consommation (par exemple de produits alimentaires).
 
Le nouvel article 706-2-2 du code de procédure pénale vise ainsi :  Le recours aux techniques spéciales d’enquête suivantes est désormais possible : Ces mesures pourront être utilisées tant pour les affaires traitées par les pôles de santé publique que par celles traitées par les juridictions territorialement compétentes, conformément au régime existant en matière d’application de techniques spéciales d’enquête à la délinquance financière (article 706-1-1 du code de procédure pénale).
 
En revanche, le régime dérogatoire de la garde à vue et de la perquisition prévu par les articles
706-88 et suivants et 706-89 et suivants du code de procédure pénale n’est pas applicable à ces délits. Le recours aux interceptions téléphoniques prévues par l’article 706-95 du code de procédure pénale n’est pas non plus prévu.

1.7. Précisions concernant la visio-conférence
 
L’article 54 de la loi a apporté plusieurs précisions aux dispositions du code de procédure pénale relatives à la visio-conférence, et notamment aux dispositions générales de l’article 706-71, qui concerne à la fois l’enquête et l’instruction, et même le jugement.
 
Celui-ci précise désormais dans un premier alinéa introductif qu’ « aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. »
 
Ces dispositions rappellent ainsi les finalités de la visio-conférence, ainsi que la compétence d’un magistrat pour décider d’y recourir.
 
Les dispositions de l’article 706-71 qui indiquent que la visio-conférence peut être utilisée pour les débats contradictoires prévus pour la prolongation de la détention provisoire, ont été complétées afin de préciser que cela concernait également l’audience prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 179 du code de procédure pénale, par laquelle le tribunal correctionnel peut, à deux reprises, prolonger de deux mois la détention d’une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel.
 
L’article a été également été complété afin de préciser que les règles applicables à l’avocat de la personne détenue pour laquelle il est recouru à la visio-conférence, et qui prévoient que l’avocat peut se trouver soit auprès du magistrat de la juridiction ou de la commission compétents, soit auprès de l'intéressé, s’appliquent également à l’interprète. Par ailleurs, il est rappelé que si la visio-conférence intervient lors d’une audience, celle-ci doit se tenir dans des conditions qui garantissent le droit de la personne à présenter elle-même ses observations. 
 
A également été modifié l’article 135-2 du code de procédure pénale relatif à la procédure applicable lorsqu’une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt est découverte après le règlement de l'information (y compris pour les mandats délivrés après l’ordonnance de règlement).
 
Les anciennes dispositions de cet article prévoyaient, lorsque la personne a été arrêtée à plus de deux cents kilomètres du siège de la juridiction de jugement, que celle-ci ne pouvait être présentée par visio-conférence devant le procureur de la République puis devant le juge des libertés et de la détention de cette juridiction, que si elle avait donné son accord.
 
Désormais, le recours à la visio-conférence est possible sauf si la personne le refuse. Par ailleurs il est prévu que la personne ne peut pas refuser le recours à la visio-conférence si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion. Les règles sont ainsi similaires à ce qui est prévu par l’article 706-71 du code de procédure pénale pour les audiences au cours desquelles il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire (13).

Enfin, les modalités selon lesquelles une personne peut soit donner son accord au recours à la visio-conférence, soit faire part de son refus, sont précisées dans un nouvel article 706-71-1. 

Celui-ci précise que lorsque le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle n’est possible qu’avec l’accord de la personne, cette dernière fait connaître son accord dans les cinq jours suivant le moment où elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé.

Il dispose que lorsque le recours à un tel moyen n’est pas possible parce que la personne le refuse, cette dernière doit faire connaître son refus au moment où elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé
(14). 

Il indique enfin que la personne qui a accepté le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle conformément aux dispositions du premier alinéa ou qui ne s’y est pas opposée dans les cas prévus au deuxième alinéa ne peut pas ensuite le refuser.

2. Dispositions spécifiques à l’instruction

2.1. Modifications concernant l'assignation à résidence sous surveillance électronique

L’article 54 de la loi a procédé à plusieurs modifications des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), afin de faciliter et rendre plus fréquent le recours à cette mesure, considérée comme une alternative efficace à la détention provisoire.

Il a du reste complété l’article 137-3 de ce code relatif à la motivation par le juge des libertés et de la détention des décisions ordonnant ou prolongeant une détention provisoire, ou rejetant une demande de mise en liberté, afin de préciser que cette décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant, non seulement des obligations du contrôle judiciaire, mais également de celles de l’ARSE.

Ces modifications législatives ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019.

Elles ont été complétées par des modifications apportées, par le décret précité n°2019-508 du 24 mai 2019, aux articles D.32-4 et suivants du code de procédure pénale qui précisent les modalités de mise en œuvre de l’ARSE.

2.1.1. Suppression de l’exigence juridique d’un accord préalable

L’article 142-5 du code de procédure pénale a été modifié afin de supprimer l’exigence d’un accord préalable de la personne mise en examen avant tout prononcé d’une ARSE.

Par coordination, les dispositions des articles D.32-7 à D.32-9 du code de procédure pénale, et du dernier alinéa de l’article D.32-26 applicable aux mineurs, qui prévoyaient les modalités de cet accord ont été abrogées par le décret précité du 24 mai 2019.

L’ARSE peut donc désormais être ordonnée d’office par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention – et par toute autre juridiction pouvant prononcer cette mesure – même en l’absence de demande de la personne, et sans recueil préalable de son accord.

Une telle exigence – qui n’existe ni en matière de contrôle judiciaire, ni en matière de détention provisoire - a paru en effet injustifiée au législateur, et de nature à limiter de façon excessive le recours à cette mesure, alors même qu’elle est susceptible d’éviter des placements en détention provisoire, ou de mettre fin à l’incarcération.

Bien évidemment, cela n’implique nullement que l’ARSE pourra en pratique être ordonnée dans des situations où il apparait fortement prévisible que la personne refusera de respecter les obligations qui lui seront imposées – de la même manière qu’il n’est pas recouru, dans de telles hypothèses, à un contrôle judiciaire. Rien n’interdit ainsi aux magistrats de rechercher préalablement l’adhésion de la personne à la mesure.

Par ailleurs, en contrepartie de la suppression de l’exigence d’un accord préalable, le législateur a complété l’article 142-5 du code de procédure pénale par un alinéa précisant que la personne placée sous ARSE, doit être avisée que l’installation du dispositif de surveillance ne peut être effectuée sans son consentement, mais que le fait de refuser cette installation pourra donner lieu à son placement en détention provisoire (15).

L’article D.32-11 du code de procédure pénale a été réécrit par le décret du 24 mai 2019 afin de préciser les modalités de cette information.

Cet article dispose désormais que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui a prononcé l'assignation à résidence, informe la personne mise en examen que :

1° Dans le cas où elle ne respecterait pas les obligations qui lui sont imposées, l'assignation à résidence pourra être révoquée et elle pourra être placée en détention provisoire.

2° La pose du bracelet comportant un émetteur prévu à l'article R.57-11 du code de procédure pénale ne peut être effectuée sans son consentement, mais le fait de refuser la pose de ce dispositif constitue une violation de ses obligations, pouvant donner lieu à la révocation de la mesure et à son placement en détention provisoire.

Ces informations devront faire l’objet d’une mention dans le procès-verbal du débat contradictoire prévu par le premier alinéa de l’article 142-6, ou de la présentation de la personne devant le magistrat prévue par cet alinéa.

L’article D.32-13 du même code précise que si l’ARSE est ordonnée à l'occasion d'une mise en liberté, ces informations figurent dans l'ordonnance.

2.1.2. Mise en liberté sous ARSE sous condition préalable de pose du dispositif de surveillance

Comme cela est déjà prévu en matière de mise en liberté sous contrôle judiciaire avec obligation de cautionnement, par l’article R.22 du code de procédure pénale qui dispose que la mise en liberté peut être subordonnée au versement préalable de la caution, la nouvelle rédaction de l’article D.32-13 du même code prévoit que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qui ordonne une mise en liberté sous ARSE, peut décider que son ordonnance est prise sous condition suspensive d’installation du dispositif prévu à l’article 723-8 et que la mise en liberté de la personne est subordonnée à la pose bracelet comportant un émetteur prévu à l'article R.57-11. Dans ce cas, l’ordonnance indique que cette pose ne peut être effectuée sans le consentement de la personne, mais que si celle-ci la refuse, l’ordonnance sera caduque. 

Ces dispositions éviteront ainsi au juge d’instruction, si la personne refuse l’installation du bracelet, de devoir, après avoir le cas échéant décerné contre elle mandat d’amener ou d’arrêt, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de débat contradictoire tendant à la révocation de l’ARSE et au placement de la personne en détention provisoire. 

L’article D.32-14 du code de procédure pénale précise par ailleurs que dans ce cas, la pose du dispositif par le personnel de l'administration pénitentiaire ne sera pas effectuée dans un délai de cinq jours au plus tard à compter de l'ordonnance de placement sous ARSE, mais que le bracelet sera installé sur la personne avant sa libération, donc au sein de l’établissement pénitentiaire (comme c’est déjà prévu, dans tous les cas, lors d’une mise en liberté assortie d’un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile).

La mise en liberté sous ARSE sous condition préalable de pose du dispositif de surveillance, ne constitue qu’une faculté pour le juge qui n’a pas lieu d’y recourir de façon systématique, notamment quand la mise en liberté sous ARSE résulte d’une demande expresse de la personne, qui a déjà fait part de son acceptation et de son engagement à être placée sous surveillance électronique, et que le risque de refus de pose du bracelet paraît minime.

En pratique, la pose du bracelet en établissement pénitentiaire supposera l’intervention d’un surveillant formé à cette fin et affecté au service pénitentiaire d’insertion et de probation (seuls ces services disposant de ces matériels). Compte tenu de leurs plannings souvent très chargés, il conviendra en conséquence que les juges d’instruction et les juges des libertés et de la détention les avisent le plus tôt possible de leurs décisions.

2.1.3. Caractère facultatif du débat contradictoire imposant la présence du procureur

L’article 142-6 du code de procédure pénale a été modifié afin de prévoir que l’ARSE peut désormais être décidée par ordonnance motivée du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, non seulement à l’issue d’un débat contradictoire conformément à l'article 145, mais également « au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat ».
Comme par le passé, elle peut également être décidée, sans débat contradictoire (ou désormais sans recueil préalable des observations de la personne et de son avocat) par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté ou décidant d’une mise en liberté d’office.

2.1.4. Extension des enquêtes de faisabilité du SPIP

L’article 142-6 du code de procédure pénale dispose comme auparavant que le juge statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Il précise toutefois désormais que ce service peut être saisi à cette fin à tout moment de l’instruction, afin notamment d’inciter à de telles saisines lorsqu’une personne est déjà placée en détention, et que le juge envisage une mise en liberté d’office sous ARSE, ou que le procureur prend des réquisitions en ce sens.

Il prévoit par ailleurs, en matière correctionnelle, deux cas de saisine obligatoire du service pénitentiaire d’insertion et de probation par le juge d’instruction.

Tout d’abord, lorsque cette enquête de faisabilité est demandée par la personne détenue ou son avocat, un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée. Dans ce cas, le juge peut toutefois, par décision spécialement motivée, refuser de saisir le service pénitentiaire d’insertion et de probation par le juge d’instruction.

Cette saisine est également obligatoire avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Là encore, une décision de refus spécialement motivée est possible.

Le dernier alinéa de l’article 142-6 du code de procédure pénale prévoit enfin que, s’il est interjeté appel d’une ordonnance prolongeant la détention provisoire sans que les dispositions de ses quatrième et avant-dernier alinéas prévoyant cette saisine aient été respectées, le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit être saisi par le président de la chambre de l’instruction.

Le défaut de saisine du service par le juge d’instruction qui n’est pas justifiée par une décision motivée, ne constitue dès lors pas une cause de nullité de la détention provisoire, mais il impose, en cas d’appel, la saisine par le président de la chambre de l’instruction.

Il convient de souligner que l’enquête de faisabilité exigée par l’article 142-6 du code de procédure pénale a pour seul objet de vérifier la faisabilité technique de l’ARSE – principalement la couverture du réseau mobile et l’alimentation effective en électricité au domicile où la personne est susceptible d’être assignée – et non de vérifier la situation familiale, matérielle et sociale de la personne mise en examen afin d’apprécier si sa personnalité justifie le recours à cette mesure et de pouvoir fixer les horaires et lieux d’assignation. Le juge peut évidemment demander ces vérifications, comme l’indique l’article D.32-4 du code de procédure pénale, mais elles ne sont pas obligatoires.

L’article D.32-4 a été complété par le décret du 24 mai 2019 pour rappeler les cas dans lesquelles les vérifications techniques sont obligatoires, sauf décision motivée, et pour préciser que la décision motivée de refus de saisine du service peut figurer dans l’ordonnance du juge saisissant le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire. 

Cet article précise par ailleurs que cette décision ne peut faire l’objet d’un recours, puisqu’en tout état de cause, le juge des libertés et de la détention peut lui-même demander ces vérifications, de même que, en cas d’appel, le président de la chambre de l’instruction.

2.1.5. Régime de l'ARSE après renvoi devant la juridiction de jugement.

L’article 142-7 du code de procédure pénale a été modifié afin de préciser les règles relatives à la durée de l’ARSE après une décision de renvoi. 

Comme auparavant, il est prévu que l’ARSE est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois et qu’elle peut être prolongée pour une même durée, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. Il est toutefois précisé que ces prolongations ne sont nécessaires qu’au cours de l’instruction.

Le nouveau deuxième alinéa de l’article précité prévoit que lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises est maintenue ou demeure sous ARSE, la durée totale de la mesure, compte tenu de celle exécutée au cours de l’instruction, ne peut excéder deux ans, sans qu’il soit nécessaire d’en ordonner la prolongation tous les six mois, et sous réserve de la possibilité pour l’intéressé d’en demander la mainlevée.

Ces règles, qui figuraient auparavant aux articles D.32-23 et D.32-25 du code de procédure pénale, ont ainsi été clarifiées et consacrées par le législateur,

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019, qui a notamment relevé que le maintien de l’ARSE après renvoi devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises avait pour objectif de s’assurer de la représentation de la personne en vue du jugement ou éviter certains troubles et que cette justification de la mesure était susceptible de se prolonger tout le temps restant à courir jusqu’au jugement (paragraphe n° 227).

2.1.6. Mise en œuvre des nouvelles dispositions

Les modifications apportées aux dispositions relatives à l’ARSE par la loi du 23 juin 2019 et par le décret du 24 mai 2019 ont pour objet de faciliter le recours à cette mesure

Les magistrats du ministère public ne devront dès lors pas hésiter à requérir plus fréquemment le prononcé de l’ARSE, ou à donner un avis favorable à de cette mesure, soit ab initio, soit dans le cadre de décision de mise en liberté, à chaque fois que les conditions de l’espèce le permettront, non seulement dans le cadre des informations judiciaires, y compris en cas d’appel devant la chambre de l’instruction, mais également devant le tribunal correctionnel, spécialement en cas de renvoi dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ou en cas de mise en œuvre de la nouvelle procédure de comparution différée.

L’ARSE pourra notamment être ordonnée à l’occasion d’une mise en liberté décidée à l’issue de l’information, lors du renvoi devant le tribunal correctionnel, voire lors du renvoi devant la cour d’assises, lorsque le maintien en détention provisoire ne paraît plus s’imposer puisque les investigations sur les faits ont été achevées. 

Comme indiqué plus haut, en cas de renvoi, l’ARSE pourra se prolonger jusqu’à l’audience de jugement, pendant une durée de deux ans à compter du placement initial sous surveillance électronique, sans devoir faite l’objet de décision de prolongation tous les six mois. Il convient toutefois de souligner que l’ARSE constitue une mesure particulièrement contraignante pour la personne qui y est assujettie. Il appartiendra donc aux parquets, s’ils estiment que la mesure doit impérativement se poursuivre jusqu’au jugement et ne peut avant cette date faire l’objet d’une mainlevée (le cas échéant en remplaçant l’ARSE par un contrôle judiciaire), d’audiencer aussi rapidement que possible de telles affaires. 

2.2. Règlement contradictoire sur la demande des parties

L’article 56 de la loi a modifié l’article 175 du code de procédure pénale afin d’encadrer de façon plus cohérente le mécanisme de règlement contradictoire de l'instruction, permettant notamment aux parties, dans un délai d’un mois ou de trois mois après l’avis de fin d’information, de former des observations, demandes d’acte ou requêtes en annulation. Ce dispositif n’interviendra désormais que sur demande expresse des parties, et non plus de façon systématique, et il ne sera donc mis en œuvre que dans les procédures pour lesquelles les parties elles-mêmes estiment qu'il présente un intérêt.

Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 21 mars 2019.

Par coordination, toutes les dispositions qui prévoyaient la notification aux parties de leur droit de bénéficier des dispositions de l’article 175 (16), ont été réécrites, afin que leur soit désormais notifié, lors de la première comparution de la personne mise en examen, de la première déposition de la partie civile et de la première audition du témoin assisté, leur droit, si elles en font la demande, de bénéficier des dispositions de l’article 175. Les formulaires concernant ces actes doivent être modifiés en conséquence.

Les nouvelles dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale prévoient que le dispositif de règlement contradictoire ne s’appliquera que si, dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l’information, soit de l’envoi de l’avis de fin d’information, les parties auront fait connaître au juge d’instruction qu’elles souhaitent exercer un ou plusieurs des droits prévus par cet article (17).

Dans un souci de lisibilité, la nouvelle rédaction de l’article 175 est divisée en huit paragraphes.

Le I de l’article 175 prévoit l’envoi d’un avis de fin d’information au procureur de la République et aux parties comme le fait l’actuel premier alinéa. Il est toutefois plus précis, en indiquant que l’avis est adressé aux avocats des parties, et qu’il n’est adressé aux parties ellesmêmes que si celle-ci ne sont pas assistées par un avocat.

Le II de l’article impose au procureur de la République d’adresser son réquisitoire dans un délai de trois mois ou d’un mois en précisant que celui-ci doit être adressé dans le même délai aux avocats des parties ou aux parties non assistées d’un avocat, comme le fait l’alinéa deux de l’actuel article 175, sous réserve de la précision concernant les parties non assistées par un avocat.

Le III de l’article, qui constitue la principale innovation de fond, précise que les parties devront, pour bénéficier du dispositif de règlement contradictoire leur permettant de faire valoir leurs observations, en faire la demande dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l’information, soit de l’envoi de l’avis de fin d’information. Ces dispositions remplacent celles de l’actuel article 84-1 du code de procédure pénale, qui permettaient aux parties d’indiquer qu’elles renoncent à bénéficier de tout ou partie du bénéfice de l’article 175, dispositions devenues inutiles et qui sont supprimées par coordination par le I de l’article 56 de la loi.

Le IV de l’article prévoit que, si les parties l’ont demandé en application du III, elles peuvent, pendant un délai de trois mois ou d’un mois, à l’issue desquels elles ne seront plus recevables pour le faire, adresser des observations écrites (1° du IV) ou formuler des demandes ou présenter des requêtes (2° du IV). Les 1° et 2° de ce IV reprennent ainsi exactement sur le fond les dispositions des actuels quatrième et cinquième alinéas de l’article 175.

Le V prévoit que si les parties ont adressé des observations en application du 1° du IV, le procureur de la République dispose d’un délai d’un mois ou de dix jours dans les autres cas, pour adresser au juge d’instruction des réquisitions complémentaires.
Il s’agit de la reprise de la règle auparavant prévue par le cinquième alinéa, en ce qui concerne les prérogatives du procureur. Le texte est toutefois plus précis et plus cohérent, car il indique que ces délais d’un mois ou de dix jours courent à compter de la date à laquelle ces observations lui ont été communiquées (et non pas à l’expiration des délais de 3 mois ou 1 mois).

Le VI prévoit ces mêmes droits de réplique des parties, dans les mêmes délais, lorsque cellesci en ont fait la demande en application du III. Il correspond donc également, pour les parties, aux dispositions de l’actuel cinquième alinéa.

Le VII prévoit qu’à l’issue, selon les cas, du délai d’un mois ou de trois mois prévu aux II et IV, ou du délai de dix jours ou d’un mois prévu aux V et VI, le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s’il n’a pas reçu de réquisitions ou d’observations dans ces délais. Cela correspond à l’actuel sixième alinéa de l’article 175.

Enfin, le VIII du nouvel article 175 précise quelles sont les dispositions qui s’appliquent au témoin assisté, exactement comme le fait l’actuel dernier alinéa de l’article 175.

Les modalités d’application des nouvelles dispositions de l’article 175 ont été précisées par le décret n°2019-508 du 24 mai 2019, qui a réécrit et complété les articles D.40-1 et suivants du code de procédure pénale.

L’article D.40-1 dispose désormais que l’avis de fin d’information adressé aux parties en application du I de l’article 175, comporte une mention informant celles-ci de leur droit de demander, si elles ne l’ont pas déjà fait, et selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, à exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l’article 175.  Le nouvel article D.40-1-1 dispose que si une partie a demandé d’exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l’article 175, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l’ensemble des parties (18).

Les nouvelles dispositions, de nature procédurale, sont immédiatement applicables aux instructions en cours pour lesquelles les avis de fin d’information seront adressées à compter du 1er juin 2019, y compris lorsque les mises en examen, et les premières auditions comme témoin assisté ou partie civile sont intervenues avant cette date.
En revanche, pour les informations dans lesquelles les avis ont été adressés aux parties avant le 1er juin, et qui ne comportent donc pas la mention prévue par le nouvel article D.40-1,  les anciennes dispositions demeurent applicables. Le règlement de la procédure doit donc intervenir de façon contradictoire (sauf si l’ensemble des parties y avait expressément renoncé en application des anciennes dispositions de l’article 84-1).
 
Le décret du 24 mai 2019 prévoit par ailleurs dans le II de son article 9, que lorsque l’interrogatoire de première comparution d’une personne mise en examen ou la première audition d’un témoin assisté ou d’une partie civile a eu lieu avant le 1er juin 2019, le juge d’instruction peut, à l’occasion d’un nouvel interrogatoire ou d’une nouvelle audition de la personne, lui donner connaissance des dispositions du III de l’article 175 du code de procédure pénale. Il ne s’agit là que d’une faculté, et non d’une obligation, permettant aux parties de connaître les nouvelles règles applicables, sans attendre la réception de l’avis de fin d’information
 
2.3. Simplification du déroulement et du règlement de l’instruction en matière de délit de presse
 
L’article 54 de la loi a inséré dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 51-1 simplifiant le déroulement et le règlement de l'instruction en matière de délits de diffamation et d’injures, dans la mesure où le juge ne peut, dans cette matière, examiner le fond de la plainte, conformément à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation.

Le troisième alinéa du nouvel article 51-1 consacre du reste cette règle en indiquant que « le juge d’instruction ne peut instruire sur les preuves éventuelles de la vérité des faits diffamatoires, ni sur celles de la bonne foi en matière de diffamation, ni non plus instruire sur l’éventuelle excuse de provocation en matière d’injure. »
 
Les nouvelles dispositions précisent la procédure suivie, par dérogation aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale, par le juge d’instruction qui envisage de mettre en examen une personne pour le délit de diffamation ou d’injure.
 
Ces règles concernent toutes les diffamations et injures, y compris donc celles commises contre des personnes publiques ou celles présentant un caractère discriminatoire.
 
Il est ainsi indiqué que le juge informe la personne de son intention de la mettre en examen par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions (21). En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction.
 
Lors de l’envoi de cet avis, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier, dans les conditions mentionnées à l’article 114 du code de procédure pénale.
                                                     
À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de cet avis, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne et à son avocat une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, selon les modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 113-8 du code de procédure pénale (19). Il informe à cette occasion la personne que, si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire.
 
Il est précisé que ne sont pas applicables les III à VIII de l’article 175 du même code relatifs au règlement contradictoire de l’instruction et permettant aux parties, désormais sur leur demande expresse, de formuler des demandes ou observations pendant un délai de trois mois. S’il n’a pas reçu les réquisitions du procureur de la République dans un délai de deux mois après la communication du dossier prévu au I du même article 175, le juge d’instruction pourra rendre l’ordonnance de règlement.
 
L’objectif de ces dispositions est principalement de simplifier le déroulement des procédures mettant en cause les directeurs de publication, dont la responsabilité pénale – si le délit est constitué - est automatiquement encourue, en tant qu’auteur principal, en application de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 ou de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, en permettant d’éviter dans ces cas aux juges d’instruction de devoir procéder à des interrogatoires de première comparution, et aux responsables des organes de presse de devoir se déplacer.
 
C’est donc essentiellement pour la mise en examen de ces personnes qu’il devra être fait application des dispositions de l’article 51-1.
 
Mais ces dispositions ne paraissent pas interdire au juge, s’il l’estime utile, lorsque des personnes autre que des directeurs de publication sont mises en cause, notamment celles qui auront-elles-mêmes tenu des propos diffamatoires ou injurieux, à l’occasion par exemple d’une interview, et qui ont été reproduits dans une publication de presse, de convoquer ces personnes pour les entendre et les mettre en examen conformément aux dispositions du code de procédure pénale. 
 
Du reste, dans de telles hypothèses, le juge pourra le cas échéant être amené à procéder à des vérifications, non pas pour déterminer le caractère diffamatoire ou injurieux des propos, mais pour s’assurer, d’une part, que les propos allégués ont effectivement été tenus par la personne et, d’autre part, qu’ils ont été tenus publiquement.  
*
Vous voudrez bien me rendre compte, sous le timbre du bureau de la police judiciaire, du bureau de la politique pénale générale ou du bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment, de toute difficulté rencontrée à l’occasion de la mise en œuvre de la présente circulaire.
 


ANNEXE N° 1 : Précisions apportées à certaines dispositions de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice par le décret n°2019-507 du 24 mai 2019 relatif à la procédure numérique, aux enquêtes et aux poursuites et le décret n°2019-508 du 24 mai 2019 relatif à l’instruction, à l’exercice des voies de recours et à l’exécution des peines

Les deux décrets n°2019-507 et n°2019-508 du 24 mai 2019 sont venus apporter des précisions aux dispositions concernant la compétence territoriale des enquêteurs, le dossier individuel des officiers de police judiciaire, les autorisations de sortie sous escorte, la compétence du président de la chambre de l’instruction, les réductions de peines en cas de refus de prélèvement aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques, les requêtes post sentencielles et la suppression de l’avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures en cas de la libération conditionnelle concernant certains condamnés.

1. Précisions concernant la compétence territoriale des enquêteurs

Comme indiqué dans la circulaire DACG JUSD 1910288 C du 8 avril 2019, l’article 18 du code de procédure pénale a été réécrit pour donner une compétence nationale aux enquêteurs, aux fins de poursuivre leurs investigations, à la condition d’informer le parquet compétent.

Ainsi que le précisait cette circulaire, cette réécriture nécessitait la modification de l’article D. 12 du code de procédure pénale, ce qui a été faite par l’article 5 du décret n°2019-507 du 24 mai 2019.

La nouvelle rédaction de l’article D. 12, tout en rappelant l’obligation d’information du parquet, indique cependant dans son troisième alinéa que si ce transport s’effectue dans un département limitrophe de celui dans lequel l’officier de police judiciaire est territorialement compétent, l’information préalable du procureur de la République saisi de l’enquête ou du juge d’instruction est facultative. Il précise que pour l’application de ces dispositions, les départements de Paris, des Hauts de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne sont considérés comme un seul département. 

Les enquêteurs ne seront donc pas tenus d’informer le procureur de la République de leurs déplacements dans les départements limitrophes, c’est-à-dire dans les cas où, en application des anciennes dispositions de l’article 18, ils n’étaient pas tenus de solliciter une extension de compétence de la part de ce magistrat. 

Par cohérence, le dernier alinéa de la nouvelle rédaction de l’article D.12 qui prévoit, comme auparavant en cas de demande d’extension de compétence, l’information des services relevant de la direction centrale de la police judiciaire ou de la direction centrale de la police aux frontières ou de la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale lorsque l’enquête porte sur des faits susceptibles de relever de la compétence de ces services, précise que cette information n’est pas nécessaire en cas de transport dans les départements limitrophes.

Enfin, le premier alinéa de l’article D.12 est supprimé. Cette disposition prescrivait la délivrance d’une habilitation temporaire du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle le service d'accueil a son siège en cas de mise à disposition temporaire d’un officier de police judiciaire au profit d’un autre service que le sien, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 18.  

Cette habilitation temporaire n’a, en effet, plus de justification pour les officiers de police judiciaire bénéficiaires d’une habilitation unique délivrée sur le fondement de l’article 16 modifié, dès lors que cette habilitation est valable nonobstant tout changement d’affectation, y compris temporaire.

Toutefois, à titre transitoire, s’agissant du traitement des demandes d’habilitation temporaire des officiers de police judiciaire bénéficiant actuellement d’une habilitation délivrée, sur le fondement des dispositions antérieures à la loi, par référence à un ressort territorial et à des fonctions déterminées, il est recommandé que le procureur général de leur lieu d’exercice habituel leur délivre une nouvelle habilitation sur le fondement de l’article 16 modifié, qui aura pour effet de couvrir les besoins de la mise à disposition temporaire. 
 
Cette solution présente en outre l’avantage d’éviter un transfert en urgence de dossier individuel aux seules fins d’habilitation temporaire et de privilégier la compétence du procureur général qui est, par définition, mieux renseigné sur l’activité de l’OPJ que celui amené à en connaître dans le cadre d’une mise à disposition temporaire.

2. Précisions concernant le dossier individuel des officiers de police judiciaire
 
La circulaire précitée du 8 avril 2019, en présentant les nouvelles dispositions de l’article 16 du code de procédure pénale prévoyant une habilitation unique des officiers de police judiciaire, valable tout au long de leur carrière et n’ayant pas besoin d’être renouvelée à chaque changement d’affectation dans une nouvelle cour d’appel, précisait que cette réforme n’affectait en rien l’obligation pour les parquets généraux de tenir le dossier individuel de ces enquêteurs, conformément aux articles D.44 à D. 45-2 de ce même code.
 
Le décret précité du 24 mai 2019 est venu préciser ces dispositions dans un nouvel article D.44-1.
 
Cet article prévoit qu’en cas de changement d’affectation d’un officier de police judiciaire dans le ressort d’une autre cour d’appel, y compris en cas de mise à disposition temporaire en application du deuxième alinéa de l’article 18, les autorités mentionnées aux a) à c) de l’article R.14 ou le chef du service auquel appartient l’officier de police judiciaire (à savoir les autorités compétentes pour transmettre auparavant les demandes d’habilitation (20)) doivent en informer le procureur général du précédent lieu d’affectation et le procureur général du nouveau lieu d’affectation.
 
Il précise que le procureur général du précédent lieu d’affectation transmet alors le dossier individuel au procureur général du nouveau lieu d’affectation.
 
Il prévoit également que les autorités mentionnées au premier alinéa doivent informer le procureur général du lieu d’affectation de l’officier de police judiciaire de toute interruption durable ou définitive des fonctions de police judiciaire.
 
Ces obligations d’information mises à la charge des autorités de police et de gendarmerie trouvent leur justification dans le besoin, pour l’autorité judiciaire, d’assurer la surveillance de la police judiciaire alors que cette mission est rendue plus délicate en raison de la perte de visibilité sur les mouvements d’officiers de police judiciaire, générée par la suppression des demandes de nouvelle habilitation. 
 
Chaque parquet général est invité à définir conjointement avec les autorités hiérarchiques  compétentes, les modalités de transmission de l’information prévue par ces nouvelles dispositions (forme, délai etc.).  
 
Par ailleurs, l’article D.44 relatif au contenu du dossier individuel a été modifié par coordination avec la création de l’habilitation unique, afin de préciser que ce dossier contient notamment la ou les demandes d'habilitation, ainsi que les  documents qui y sont joints, et non les demandes d'habilitation, ainsi que l'avis des promotions dont l'intéressé a pu faire l'objet depuis son affectation dans le ressort de la cour d’appel et non plus depuis sa dernière habilitation.

3. Précisions concernant les autorisations de sortie sous escorte

La circulaire DACG JUSD 1910288 C du 8 avril 2019 a présenté les nouvelles dispositions de l’article 148-5 du code de procédure pénale relatif aux autorisations de sortie sous escorte des personnes placées en détention provisoire, qui prévoient désormais une possibilité de recours en la matière.

Elle indiquait que si ces dispositions ne précisent plus quelle autorité est compétente pour autoriser des sorties sous escorte, en renvoyant au décret le soin de la faire, ces autorisations devaient évidemment l’être par le juge d’instruction au cours de l’instruction, et, dans les autres cas, par le procureur de la République (ou le procureur général si l’affaire est en instance d’appel).

Le décret n°2019-508 du 24 mai 2019 a en conséquence modifié l’article D.147 du code de procédure pénale, afin de préciser que « lorsque la personne est en détention provisoire, cette autorisation est délivrée, en toute matière et en tout état de la procédure d'instruction, par le juge d'instruction ; lorsque la juridiction de jugement est saisie, elle est délivrée par le procureur de la République ou le procureur général. »

4. Précisions concernant la compétence du président de la chambre de l’instruction

La circulaire DACG JUSD 1910288 C du 8 avril 2019 a présenté les nouvelles dispositions des articles 41-4, 41-6, 99, 706-153 et 778 du code de procédure pénale relatifs aux nouvelles compétences attribuées au président de la chambre de l’instruction pour statuer, à la place de la chambre de l’instruction, en matière de demandes, de recours ou de contentieux relatifs à la restitution d’objets placés sous main de justice, à la saisie de biens ou droits incorporels, et à la rectification de l’état civil, domaines dans lesquels le législateur a considéré qu’en l’absence de complexité ou de technicité particulière, il n’était pas nécessaire de mobiliser une formation collégiale.

Le décret précité du 24 mai 2019 a précisé ces dispositions en insérant dans le code de procédure pénale un nouvel D. 43-4 qui dispose que dans ces hypothèses, comme l’indiquait la circulaire, « le président de la chambre de l’instruction est compétent pour statuer seul sur les demandes ou ces recours », mais que « l’auteur de la demande ou du recours peut toutefois préciser dans sa demande ou son recours qu’il saisit la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale », et qu’à défaut d’une telle précision, « le président peut décider, au regard de complexité du dossier, que celui-ci soit examiné par la chambre dans sa composition collégiale. »

5. Précisions concernant les réductions de peines en cas de refus de prélèvement aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques

La nouvelle rédaction du III de l’article 706-56 du code de procédure pénale restreint le retrait des réductions de peines aux seuls crédits de réduction de peines relatifs à la condamnation en vertu de laquelle le prélèvement doit être effectué et à la nouvelle condamnation prononcée pour l’infraction de refus de prélèvement. 

Le décret précité du 24 mai 2019 a modifié en conséquence l’article D.117-4 de ce code afin de le rendre conforme à cette disposition s’agissant des modalités dans lesquelles ce retrait doit intervenir.

6. Précisions concernant les requêtes post sentencielles

L’article 711 du code de procédure pénale permet désormais que la décision puisse être prise sans audience, « en cas d’accord des parties », par « ordonnance rectificative du président de la juridiction. » 

Le décret précité du 24 mai 2019 a créé en conséquence l’article D.48-5-5 du même code, afin d’en préciser le champ d’application. Ainsi, outre les requêtes visées à l’article 710, les requêtes relatives aux relèvements d’interdiction, déchéance ou incapacité relevant des articles 702-1 et 703, les requêtes en rectification d’identité visées à l’article 778 et les dispenses d’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire relevant des articles 775-1 et 775-2 peuvent ainsi être examinées par le président de la juridiction compétente statuant à juge unique et le cas échéant, si les parties s’accordent, en l’absence d’audience. Ces décisions sont néanmoins susceptibles d’appel ou de pourvoi selon la juridiction qui statue. 
 
Le président a également la faculté de statuer en chambre du conseil, ou de renvoyer le dossier, en raison de sa complexité, à la formation collégiale.

7. Précisions concernant la suppression de l’avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté en cas de libération conditionnelle concernant certains condamnés
 
L’article 730-2 du code de procédure pénale a été modifié pour permettre au tribunal de l’application des peines (TAP) d’accorder la libération conditionnelle des personnes condamnées relevant de cette disposition directement après une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale. L’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) à la suite d’une telle évaluation n’est donc plus exigé par la loi.
 
Cette réécriture nécessitait la modification des articles D.527-1 et D.527-2 du code de procédure pénale, ce qui a été fait par l’article 8 du décret précité du 24 mai 2019.
 
Outre la suppression de toute référence à l’avis de la CMPS, l’article D.527-1 prévoit désormais que le placement de la personne dans le centre national d’évaluation (CNE) aux fins de réalisation de l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité est ordonné par le TAP, s’il ne l'a pas déjà été par le juge de l'application des peines (JAP) lors de l'instruction de la demande. Il s’ensuit que le JAP ou le TAP sont dorénavant seuls compétents pour transmettre les informations relatives à la situation du condamné permettant à l’administration pénitentiaire de déterminer la durée du placement, ainsi que pour ordonner l’expertise médicale accompagnant l’évaluation susmentionnée. L’article D.527-1 mentionne enfin que cette évaluation assortie de l’expertise réalisée est valable pour une durée de deux ans et doit être transmise au TAP, et non plus à la CPMS, dans un délai de six mois à compter de la saisine du CNE.
 
L’article D.527-2 précise par ailleurs que l'évaluation de dangerosité et l’expertise médicale précitées doivent également être sollicitées avant le placement éventuel sous semi-liberté ou sous surveillance électronique probatoire à une libération conditionnelle d’une personne condamnée relevant de l’article D.521-1. Dans cette hypothèse, la libération conditionnelle peut être accordée à l’issue de l’exécution de la mesure probatoire sans qu’il soit besoin de demander à nouveau une évaluation et une expertise.
 
 

ANNEXE N° 2 : TABLEAUX COMPARATIFS DES RÈGLES APPLICABLES EN MATIERE D’INTERCEPTIONS DE CORRESPONDANCES ÉMISES PAR LA VOIE DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES, GÉOLOCALISATION ET TECHNIQUES SPECIALES D’ENQUÊTE

 







 

       
 
(1) Les autres dispositions de la loi également applicables le 1er juin font l’objet de circulaires spécifiques concernant :
- Les dispositions relatives au jugement des délits ou des crimes ; - Les dispositions relatives aux procédures concernant les mineurs ; - Les dispositions relatives à la libération sous contrainte.
(2) Guide interactif « simplification et renforcement de la procédure » et guide interactif « sens et efficacité de la peine »
(3) L’actuel article D.47-14 est devenu un article D.47-14-1.
(4) Lorsque le tuteur, le curateur ou le mandataire spécial n’est pas avisé en raison de la décision du magistrat ou en raison d’une circonstance insurmontable (pouvant notamment résulter de l’impossibilité pour les enquêteurs de l’identifier ou de le contacter), il sera en pratique souhaitable que les enquêteurs invitent la personne à demander elle-même l’assistance d’un avocat, si elle ne l’a pas déjà fait. En effet, le Conseil constitutionnel a justifié la censure prononcée par la décision QPC du 14 septembre 2018 en faisant remarquer que « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles » et qu’ « il est alors susceptible d'opérer des choix
(5) L’article 706-2-2 du code de procédure pénale, qui n’a pas formellement été abrogé, a été profondément modifié et est désormais sans lien avec l’enquête sous pseudonyme.
(6) Cet arrêté sera prochainement modifié pour adapter les références applicables au code de procédure pénale. Il sera précisé que les habilitations en cours de validité à la date d’entrée en vigueur du nouvel arrêté demeurent valables.
(7) Ce dispositif dit des « coups d’achat » permet, au titre de l’établissement de la preuve, et avec l’autorisation du parquet ou du juge d’instruction, à des officiers ou agents de police judiciaire d’acquérir des produits stupéfiants (article 706-32) ou des armes (article 706-106).
(8) La section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale.
(9)  L’article 80-5 du code de procédure pénale permet désormais d’assurer la continuité des actes d’enquête lors de l’ouverture d’une information judiciaire (cf. la circulaire n° JUSD 1910288 C du 8 avril 2019 portant présentation des dispositions immédiatement applicables de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice relatives à l’enquête et à l’instruction).
(10) La procédure d’urgence qui existait pour le recours à l’IMSI-catcher dans le cadre d’une enquête dirigée par le parquet n’existe plus.
(11) Cf. les articles D.15-1-5, D.15-1-5-1 et D.15-1-6 du code de procédure pénale.
(12) Une modification similaire a été apportée à l’article L.853-2 du code de la sécurité intérieure dans la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
(13) Rappel : l’article 706-71, soit permet le recours à la visio-conférence sans tenir compte de l’avis de la personne (par exemple pour une audition, une confrontation ou un interrogatoire, ou pour la présentation aux fins de prolongation d’une garde à vue), soit exige l’accord de la personne (par exemple pour la comparution du prévenu détenu devant le tribunal correctionnel lors d’une audience au fond, l’accord des autres parties étant également exigé), soit permet ce recours sauf refus de la personne, hors les cas de risques d’évasion ou de trouble à l’ordre public (pour les audiences de placement ou de prolongation de la détention). 
(14) Cette règle figurait déjà, et continue de figurer au quatrième alinéa, anciennement troisième, de l’article 70671 pour les audiences au cours desquelles il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire. Il s’appliquera désormais également en matière de visio-conférence lors de l’exécution d’un mandat d’arrêt prévu par l’article 135-2 précité.
(15) Une telle information est similaire à celle prévue par l’article 131-36-4 du code pénal en matière d’injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.
(16) Il s’agit de l’article 89-1 pour la partie civile et de l’article 116 pour le mis en examen, auquel renvoie l’article 113-4 pour le témoin assisté.
(17) A savoir adresser des observations écrites, formuler des demandes d’actes ou présenter des requêtes en annulation, et, le cas échéant, adresser des observations sur le réquisitoire du procureur de la République qui leur aura été communiqué.
(18) Il convient de préciser que le nouvel article D.40-1-2 ne fait que reprendre les dispositions de l’ancien article D.40-1 prévoyant que lorsque le réquisitoire définitif du procureur de la République adressé au juge d'instruction en application du II de l'article 175 n'a pas été adressé en copie aux avocats des parties, le greffier du juge d'instruction ou le secrétariat commun de l'instruction procède à cet envoi en précisant que cet envoi peut être effectué par un moyen de communication électronique.
(19) Cette mise en examen par courrier étant en effet déjà prévue à l’égard des personnes à qui a été attribué le statut de témoin assisté.
(20) Et qui ne le sont désormais que pour adresser la première demande d’habilitation de l’officier de police judiciaire.