Instruction n° DGS/EA4/2019/142 du 21 juin 2019 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les eaux destinées à la consommation humaine

Date de signature :21/06/2019 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :15/09/2019 Emetteur :Ministère de la Santé
Consolidée le : Source :BO Santé n°2019-8 du 15 septembre 2019
Date d'entrée en vigueur :16/09/2019

Instruction n°DGS/EA4/2019/142 du 21 juin 2019 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les eaux destinées à la consommation humaine



NOR : SSAP1918208J

Date d’application : immédiate.

Validée par le CNP le 5 juillet 2019. – Visa CNP 2019-52.

Résumé : la présente instruction définit les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), que la limite de qualité en chrome total dans l’eau soit ou non dépassée. Ces modalités de gestion des risques sanitaires relèvent des articles R. 1321-26 à R. 1321-30 du code de la santé publique (CSP). Ces missions sont exercées par les agences régionales de santé, en lien avec les personnes responsables de la production ou de la distribution de l’eau.

Mots clés : contrôle sanitaire – eau destinée à la consommation humaine – gestion des risques sanitaires – qualité de l’eau – chrome total – chrome Vi.

Références :
Directive 98/83/Ce du Conseil du 3 novembre 1998 modifié relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) ;
Code de la santé publique (CSP), notamment ses articles l. 1321-1 à l. 1321-10 et R. 1321-1 à R. 1321-63 ;
Arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif au programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du code de la santé publique ;
Arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif au programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux utilisées dans une entreprise alimentaire ne provenant pas d’une distribution publique, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du code de la santé publique ;
Arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eDCH mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique ;
Arrêté du 20 juin 2007 relatif à la constitution du dossier de la demande d’autorisation d’utilisation d’eau destinée à la consommation humaine mentionnée aux articles R. 1321-6 à R. 1321-12 et R. 1321-42 du code de la santé publique ;
Circulaire n°DGS/eA4/2007/265 du 3 juillet 2007 relative à la saisie et à la gestion des paramètres dans le Système d’information en Santé-environnement sur les eaux
(SiSe-eaux) dans le cadre du contrôle sanitaire des eDCH et des eaux minérales naturelles ; instruction n°DGS/eA4/2016/272 du 8 septembre 2016 visant à l’amélioration de la qualité des
données du système d’information sur les eDCH « SiSe-eaux d’alimentation » ;

Note de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) du 23 mars 2018 (révisée) relative à une demande d’appui scientifique et technique relatif à la refonte de la directive 98/83/Ce modifiée relative à la qualité des eDCH ;
Avis de l’Anses du 2 juillet 2012 relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés aux dépassements de la limite de qualité du chrome dans les EDCH.

Annexes :
Annexe 1. –  Éléments d’évaluation des risques sanitaires en cas de présence de chrome VI dans les EDCH.
Annexe 2. –  logigramme synthétisant les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les EDCH.

La ministre des solidarités et de la santé à Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) ; copie à : Mesdames et Messieurs les préfets de région et de département.

La présente instruction définit les modalités de gestion des risques sanitaires à mettre en œuvre par les agences régionales de santé (ARS) en cas de présence de chrome dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), que la limite de qualité dans l’eau distribuée en chrome total soit ou non dépassée.
Ces modalités de gestion des risques sanitaires relèvent des articles R. 1321-26 à R. 1321-30 du code de la santé publique (CSP) et s’appuient sur l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation et du travail (Anses) (avis du 2 juillet 2012 et note révisée du 23 mars 2018 sus-visés et résultats des campagnes nationales exploratoires de 2013-2014 et de 2015-2016 en cours de publication).

I. – RAPPEL DE L’ORIGINE DU CHROME DANS L’EAU ET DU CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE

a) Origine

Le chrome est un métal de transition qui peut être présent dans l’environnement sous plusieurs états d’oxydation, principalement sous forme de chrome III (principalement d’origine naturelle) ou de chrome VI (principalement d’origine anthropique : rejets industriels ou domestiques).
L’utilisation industrielle et les rejets dans l’environnement du chrome sont soumis à des restrictions réglementaires. la présence de chrome dans les ressources en eau peut provenir de l’érosion des sols ou de dépôts atmosphériques. les principales sources de contamination anthropique des eaux sont les eaux usées d’origines urbaines et industrielles, les boues de station d’épuration et les lixiviats provenant d’installations de traitement des déchets.
Le chrome peut également être présent comme constituant ou impureté des matériaux au contact de l’eau (MCDE) métalliques dans les installations fixes de production, de traitement et de distribution d’EDCH. 

b) Contexte réglementaire
En application de l’arrêté du 11 janvier 2007 modifié susvisé relatif au programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, le chrome total doit être recherché : L’arrêté du 11 janvier 2007 modifié susvisé relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des EDCH fixe : À ce jour, aucune exigence réglementaire (en termes d’analyses et d’exigences de qualité) n’est prévue spécifiquement pour le chrome Vi. Pour autant, en application de l’article R. 1321-17 du code de la santé publique, l’ARS, au regard du contexte local, peut faire effectuer, à la charge de la personne responsable de la production ou de la distribution d’eau (PRPDe), des analyses complémentaires pour ce paramètre.

À noter que des travaux réglementaires sur les MCDE métalliques sont en cours au niveau national afin de proposer notamment que la contribution acceptable des MCDE métalliques ne dépasse pas 50 % de la limite de qualité fixée pour le chrome total dans les eDCH.

Dans le cadre des travaux de révision de la directive 98/83/CE modifiée susvisée, la Commission européenne a proposé d’abaisser de 50 µg/l à 25 µg/l la concentration en chrome total dans les EDCH, dans un délai de 10 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle directive. elle n’a pas proposé d’exigence de qualité au regard de la spéciation du chrome et notamment du chrome VI. De plus, une harmonisation des exigences relatives aux MCDE est également envisagée. les travaux de révision de la directive se poursuivent et préciseront, à moyen terme, si ces propositions sont maintenues en l’état, modifiées ou supprimées.

II. – MODALITES DE GESTION DES RISQUES SANITAIRES LIES A LA PRESENCE DE CHROME DANS LES EDCH

Modalités de gestion proposées au regard des concentrations observées en eau distribuée en 2012, l’évaluation des risques sanitaires liés à la présence de chrome dans les EDCH menée par l’Anses s’est basée sur la toxicité par voie orale du chrome VI jugée plus préoccupante que celle du chrome iii et qui touche principalement l’estomac, le foie, les reins et les cellules sanguines. l’Anses a estimé qu’un dépassement de la limite de qualité de 50 µg/l de chrome total dans l’eau n’était pas acceptable et qu’une concentration maximale de 6 µg/l de chrome VI dans l’eau serait un objectif réaliste à titre provisoire. l’Anses a confirmé son positionnement dans un avis de mars 2018 relatif à la révision de la directive 98/83 modifiée susvisée. l’annexe i fournit des éléments de synthèse concernant les avis de l’Anses.

Ainsi, bien que la réglementation nationale s’attache à ce jour uniquement au chrome total dans les EDCH, la présente instruction définit les modalités de gestion des risques sanitaires à mettre en œuvre en cas de présence de chrome dans les EDCH, que la limite de qualité dans l’eau distribuée en chrome total soit ou non dépassée, afin de tenir compte du risque sanitaire lié à la présence de chrome VI dans les EDCH.

Compte tenu des contraintes analytiques associées à la mesure en 1re intention d’une concentration faible en chrome VI (délais, flaconnage, stabilisation), vous veillerez à appliquer la stratégie d’analyses suivante : Dans tous les cas, pour l’analyse du chrome VI, il convient d’avoir recours à un laboratoire agréé (préférentiellement), ou à défaut que les analyses soient réalisées sous accréditation avec une limite de quantification maximale de 5 µg/l (et si possible inférieure à 2 µg/l).
En cas de dépassement avéré et chronique de la limite de qualité pour le chrome total dans l’eau (50 µg/l) et / ou de la concentration maximale retenue par l’Anses pour le chrome VI dans l’eau (6 µg/l), vous mettrez en place, en lien avec la PRPDE, les modalités de gestion des risques sanitaires proposées ci-dessous : En cas d’un dépassement ponctuel et non confirmé lors de la seconde analyse de la concentration maximale retenue par l’Anses pour le chrome Vi dans l’eau (6 µg/l), une vigilance doit être portée sur ce résultat et il est recommandé de suivre le chrome VI en complément du chrome total dans le cadre du contrôle sanitaire. Si, par la suite, un nouveau résultat confirme la présence de chrome Vi à une concentration supérieure à 6 µg/l, les modalités de gestion à adopter sont celles précisées ci-dessus.

Dans les autres cas, la situation sanitaire peut être considérée comme satisfaisante et le programme de suivi dans le cadre du contrôle sanitaire peut être maintenu en l’état. Pour autant, une vigilance doit être portée dès lors que la concentration en chrome VI est proche de 6 µg/l. une analyse complémentaire de spéciation du chrome peut alors être envisagée par l’ARS dans le cadre du contrôle sanitaire, à une fréquence dépendant du contexte local. De même, certaines situations atypiques (cas où la concentration en chrome total est supérieure à 50 µg/l et devient inférieure à 6 µg/l en recontrôle) méritent d’être investiguées notamment au regard de l’historique des résultats.

L’annexe II présente un logigramme illustrant les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les EDCH.

En outre, une attention particulière doit être portée sur la variabilité des résultats pour le ratio chrome Vi/chrome total compte tenu des phénomènes d’oxydation attendus dans le réseau de distribution susceptibles d’entrainer une augmentation de la proportion de chrome VI (variables selon le temps de séjour, le taux de chloration, la température, etc.). Ainsi, en fin de réseaux, la proportion en chrome Vi attendue est plus élevée qu’en sortie de traitement.

Prise en compte des concentrations observées en eau brute

Dès lors qu’une ressource en eau utilisée pour la production d’eau potable est non conforme pour le paramètre chrome total, une procédure d’autorisation exceptionnelle est requise, en application des dispositions prévues par le code de la santé publique (article R. 1321-9 du code de la santé publique).

Lorsqu’une ressource en eau utilisée pour la production d’eau potable présente une concentration en chrome total comprise entre 6 et 50 µg/l, une vigilance doit être portée et il est recommandé de suivre le chrome VI en complément du chrome total dans le cadre du contrôle sanitaire sur l’eau distribuée (mise en œuvre de l’article R. 1321-16 du code de la santé publique).

En outre, il est rappelé la nécessité de renseigner la base de données SiSe-eaux d’alimentation du ministère chargé de la santé avec les résultats analytiques pour ces paramètres (codes : [CRT] et [CR6], respectivement pour chrome total et chrome Vi), conformément aux dispositions prévues par la circulaire du 3 juillet 2007 susvisée.
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Vous voudrez bien me faire part, sous le présent timbre, des éventuelles difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces missions.

Vu au titre du CNP par la secrétaire générale
des ministères chargés des affaires sociales,
                                                                                                                                                               
S. Fourcade

Pour la ministre et par délégation :
Le directeur général de la santé,
J. Salomon


ANNEXE 1

ELEMENTS D'EVALUATION DES RISQUES SANITAIRES EN CAS DE PRESENCE DE CHROME VI DANS LES EDCH 

En juillet 2012, l’Anses a rendu un avis relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés aux dépas-ements de la limite de qualité du chrome dans les EDCH. Cet avis est consultable sur le site de l’Anses : www.anses.fr et sur le ReSe : http://rese.intranet.sante.gouv.fr/santenv/interven/aep/risq/cr/index.htm

Des éléments de synthèse sont disponibles ci-dessous.

La voie majoritaire d’exposition au chrome par les EDCH est l’ingestion.

L’évaluation des risques sanitaires menée par l’Anses en 2012 s’est basée sur la toxicité par voie orale du chrome VI, jugée plus préoccupante que celle du chrome III. la toxicité par voie orale du chrome VI touche principalement l’estomac, le foie, les reins et les cellules sanguines.

Le chrome VI est classé comme agent cancérogène pour l’Homme par inhalation (cancer des voies respiratoires), par le CIRC (groupe 1) en 2012, l’US-EPA (catégorie A) en 2010 et l’union européenne (suivant les composés, catégories 1A, 1B, 2) en 2011. Bien que les mécanismes de cancérogénicité du chrome VI par voie orale ne soient pas complètement élucidés, un mécanisme d’action sans seuil ne peut être écarté. Certains composés du chrome Vi sont classés pour leur toxicité pour la reproduction et le développement par l’union européenne.

L’Anses, dans son avis du 2 juillet 2012, retient les valeurs toxicologiques de référence suivantes pour le chrome VI : Sur la base de la DJT du chrome Vi et des hypothèses retenues par l’Anses (consommation quotidienne d’eau : 2l, poids corporel : 60 kg, exposition vie entière : 70 ans, part de la DJT allouée à l’exposition hydrique pour les effets non cancérogènes : 20 %), la concentration maximale dans l’eau en chrome Vi sans effet avec seuil serait de 6 µg/l. À cette concentration, et en considérant que 100 % du chrome présent est sous forme de chrome VI, l’apport en chrome Vi correspondrait à 100 % de la DJT attribuable à l’eau pour les effets avec seuil et le niveau d’excès de risque individuel serait de 1.10-4 pour les effets sans seuil.

En conséquence, l’Anses a estimé qu’une concentration maximale de 6 µg/l en chrome VI dans l’eau serait un objectif réaliste à titre provisoire.

Dans son avis de mars 2018 relatif à la révision de la directive 98/83 modifiée susvisée, l’Anses a confirmé le positionnement adopté dans son avis de 2012 s’agissant du chrome total et du chrome Vi dans les EDCH. Cet avis est consultable sur le site de l’Anses : www.anses.fr et sur le RESE : http://rese.intranet.sante.gouv.fr/santenv/interven/aep/reg/revidir/index.htm

ANNEXE 2

LOGIGRAMME SYNTHETISANT LES MODALITES DE GESTION DES RISQUES SANITAIRES EN CAS DE PRESENCE DE CHROME DANS LES EDCH


Figure 1 : Modalités de gestion des risques sanitaires en cas de présence de chrome dans les EDCH