Circulaire du 17 février 2020 de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme

Date de signature :17/02/2020 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :03/03/2020 Emetteur :Ministère de la Justice
Consolidée le : Source :http://circulaires.legifrance.gouv.fr
Date d'entrée en vigueur :28/02/2020
Circulaire du 17 février 2020 de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme


Paris, le 17 février 2020

La garde des Sceaux, ministre de la Justice

à

POUR ATTRIBUTION
POUR INFORMATION
N° NOR : JUSD2003946 C

N° CIRCULAIRE : CRIM-2020-05/G1 – 07.02.2020

OBJET : Circulaire de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme

REF. : 2020 0016 T24

Créé par l’article 69 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le parquet national antiterroriste a commencé son activité le 1er juillet 2019. 
 

Dans le contexte d’une menace terroriste toujours prégnante, il m’apparaît nécessaire d’exposer les principes directeurs qui doivent guider la politique pénale conduite par le procureur national antiterroriste ainsi que les modalités de son articulation avec l’action des parquets locaux, notamment avec les magistrats délégués à la lutte contre le terrorisme mais également avec les magistrats référents.
 
Dans le prolongement de la circulaire du 1er juillet 2019 présentant le parquet national antiterroriste, la présente circulaire vise à rappeler les principes devant guider l’exercice des poursuites par le parquet national antiterroriste (I) ainsi que les modalités de l’articulation de son action avec celle des parquets locaux en matière d’action publique (II). Sont enfin présentées les modalités des échanges d’informations dans le cadre de la prise en charge en assistance éducative des mineurs de retour de zones d’opérations de groupements terroristes
(III).
 
 
I. L’exercice des poursuites par le parquet national antiterroriste  
 
Le principe de la judiciarisation systématique, par le parquet national antiterroriste, des individus susceptibles de se voir reprocher des faits qualifiés de terrorisme demeure pertinent.
 
Ces poursuites ont vocation à s’exercer à l’encontre des majeurs, sans distinction de genre, et des mineurs capables de discernement. 
 
La qualification juridique la plus élevée doit être systématiquement recherchée lors de l’ouverture d’enquête et de la saisine du magistrat instructeur. 
 
Au terme de l’information judiciaire, l’analyse du ministère public sur la qualification à retenir in fine doit être conduite au regard de l’éclairage apporté par les investigations sur la gravité des faits et la personnalité de l’auteur. 
 
Le maintien des qualifications les plus hautes s’impose dans un certain nombre de cas.
 
A ce titre, les actions violentes, tentées ou consommées, ont bien sûr vocation à être jugées par la cour d’assises spécialement composée en matière de terrorisme. 
 
Les projets d’action violente ont, de même, vocation à être jugés sous des qualifications criminelles, dès lors que l’un ou plusieurs des critères suivants sont remplis :   Les individus partis ou demeurés sur une des zones de jihad après les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015, date à laquelle la menace terroriste a directement frappé notre sécurité nationale, doivent, de la même façon, faire l’objet de réquisitions de mise en accusation devant la cour d’assises, dès lors qu’est rapportée la preuve de leur intégration au sein d’un groupe terroriste et de leur participation active soit à des combats, soit à des patrouilles armées, soit aux missions des polices islamiques instaurées par Daech ou par les groupes agissant au Sahel.  
 
En dehors de ces situations, leur renvoi devant une juridiction criminelle doit également être privilégié dès lors que la durée de leur séjour, leurs activités sur place, leur éventuelle position d’encadrement ou leur personnalité le justifient. Leurs conditions d’interpellation et de retour sur le territoire national peuvent paraître sur ce point un élément d’appréciation important.
 
Les activités de financement du terrorisme ont, quant à elles, vocation à être systématiquement poursuivies par le parquet national antiterroriste, sous les qualifications autonomes distinctes de celle d’association de malfaiteurs terroriste. Le blanchiment du produit d’infractions terroristes doit également faire l’objet de poursuites systématiques.
 
Sauf circonstances particulières, les individus mis en cause de ces chefs ont vocation à être déférés devant la juridiction correctionnelle.   
 
 
II. L’articulation du parquet national antiterroriste et des parquets locaux en matière d’action publique
 

1) En cas de perspective de saisine du parquet national antiterroriste

Dans le prolongement de la circulaire du 18 décembre 2015 et comme rappelé par la circulaire du 1er juillet 2019, en présence de faits susceptibles de relever d’une qualification terroriste, le parquet local prend immédiatement attache avec le parquet national antiterroriste afin que celui-ci apprécie s’il entend se saisir des faits. 
 
Les magistrats référents ou délégués à la lutte contre le terrorisme ont, dans ce cadre, vocation à être ses interlocuteurs privilégiés.  
 
Cette information est, bien évidemment, sans préjudice de celle du parquet général dont dépend le parquet local concerné.
 

Les critères de saisine du parquet national antiterroriste  

La saisine du parquet national antiterroriste doit être envisagée dès lors que les faits visés aux articles 421-1 et suivants (3) du code pénal ont été commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective destinée à troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.
 
La qualification terroriste du projet s’apprécie in concreto. La nature, la forme et les manifestations de la menace terroriste ont pu évoluer au cours des dernières années, se caractérisant par le passage à l’acte, à côté de groupes structurés, d’individus isolés, dénués parfois de liens opérationnels directs avec une organisation identifiée et dont le degré de radicalisation terroriste peut parfois paraître difficile à caractériser lorsque d’éventuelles pathologies psychiques semblent sous-jacentes.
 
Ainsi, le parquet national antiterroriste a vocation à retenir la qualification terroriste à l’aune des critères suivants :   
Ces différents critères ne doivent pas être étudiés séparément, mais au contraire faire l’objet d’une analyse globale.
 
Ainsi, par exemple, examiner le seul mode opératoire pourrait théoriquement aboutir à la conclusion de la nature terroriste des faits, alors que ces derniers peuvent, en fait, avoir été commis par un individu dénué de tout dessein terroriste mais reproduisant le modus operandi d’organisations terroristes sous la seule influence de déséquilibres psychiatriques majeurs.   
 
Par ailleurs, la multiplication des projets d’action violente imputables à la mouvance d’ultradroite et la montée en puissance des radicalismes d’ultra-gauche et d’ultra-droite témoignent de situations qui doivent faire l’objet d’une analyse spécifique. 
 
Le caractère terroriste de l’acte peut se déduire de la gravité exceptionnelle de celui-ci, dont l’ampleur et le mode opératoire démontrent la nécessaire intention de son auteur d’intimider par la terreur la population.
 
Il peut aussi se déduire du rattachement de l’acte à une organisation reconnue comme terroriste en raison de ses objectifs affichés et des actions déjà menées par elle : les faits s’inscrivent alors bien en relation avec une entreprise terroriste.
 
Dès lors que les faits ne s’inscrivent dans aucune de ces deux configurations, le caractère terroriste des faits s’examine, au cas par cas, à l’aune des critères conjugués développés plus haut (5).
 

L’office du parquet local   

Il appartient au procureur de la République territorialement compétent de diligenter les premiers actes d’enquête, sous des qualifications de droit commun, tout en restant en relation étroite avec le parquet national antiterroriste dans l’attente de son éventuelle saisine. 
 
Ce dernier pourra, dans un rôle de soutien et s’il est sollicité en ce sens, suggérer certaines investigations qui lui paraitraient particulièrement pertinentes.
 
Dès lors que les faits revêtent une gravité intrinsèque dont la nature terroriste est envisagée, la saisine en région de la direction centrale de la police judiciaire (cf. circulaire du 18 décembre 2015) et, dans la zone de compétence de la direction régionale de la police judiciaire de Paris, de la brigade criminelle, doit être privilégiée. 
 
La copie des procès-verbaux doit être transmise sans délai au parquet national antiterroriste. 
 
Les investigations ainsi réalisées dans les meilleurs délais avec le soutien des services de police spécialisés doivent permettre au procureur national antiterroriste de disposer des éléments propres à apprécier l’éventuelle caractérisation terroriste des faits et, partant, sa compétence au vu des éléments précités. Dans la mesure du possible, il est appelé à se prononcer rapidement afin de prévenir un changement tardif de direction d’enquête. 
 
Dans l’une des treize juridictions au sein desquelles un magistrat délégué à la lutte contre le terrorisme a été nommé, celui-ci, interlocuteur privilégié du procureur de la République antiterroriste, est appelé à être associé à l’analyse qui sera faite.
 
Dans le temps de l’évaluation de la nature des faits, les éventuelles communications publiques doivent être faites en concertation entre le procureur de la République territorialement compétent et le procureur de la République antiterroriste. Si ce dernier retient sa compétence, la communication publique doit nécessairement relever de son parquet.
 

2) L’exercice de l’action publique par les parquets locaux à l’encontre d’individus poursuivis ou condamnés pour des faits de terrorisme 

Compte tenu de la connaissance qu’il doit acquérir sur la radicalisation dans son ressort, le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme, agissant sous l’autorité du procureur de la République, est appelé à s’assurer que le procureur de la République antiterroriste est informé de toute situation locale qui serait susceptible de l’intéresser, au regard des critères qu’il aura déterminés dans le cadre des réunions régulières qu’il sera amené à organiser. 
 
Le magistrat délégué à la lutte contre le terrorisme ou le référent « terrorisme » s’assure à cette fin d’être identifié par tous les acteurs locaux de lutte contre la radicalisation et les services locaux de la lutte contre le terrorisme de la police judiciaire.
 
Il assiste notamment le procureur de la République dans la définition de la politique pénale applicable aux faits de droit commun commis par des personnes poursuivies ou condamnées pour des faits de terrorisme, et aux infractions d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme. 
 
Compte tenu de leur sensibilité particulière et de leur possible interférence avec les procédures dont le parquet national antiterroriste est saisi, ces faits doivent en effet appeler la plus grande vigilance des parquets locaux dans leur traitement judiciaire.
 
Le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme doit systématiquement  informer le parquet national antiterroriste dans les cas ci-dessous exposés. 
 
Cette information peut être délivrée, selon l’urgence, soit sur le numéro de permanence téléphonique du PNAT, soit par courrier électronique adressé sur la boîte structurelle dédiée (6).
 
Pour mémoire, en application des principes de centralisation et de spécialisation de la justice antiterroriste, le parquet national antiterroriste doit demeurer le seul, exclusivement, à engager des poursuites s’agissant des infractions prévues par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal (7).
 

Les poursuites exercées à l’encontre de détenus poursuivis ou condamnés pour terrorisme, retrouvés en possession d’un téléphone portable 

En application du 5e alinéa de l’article 706-16 et des articles 706-17 et suivants du code de procédure pénale, les infractions commises en détention par des personnes détenues, prévenues ou condamnées pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal relèvent de la compétence concurrente qu’exerce le procureur de la République antiterroriste.   
 
Dans le prolongement de la circulaire du 5 mai 2017 relative au traitement des moyens de communication en détention, toute découverte de téléphone portable en possession d’un détenu terroriste, prévenu ou condamné, doit donner lieu, par le procureur de la République territorial à l’ouverture d’une enquête sous une qualification de droit commun, notamment du chef de recel du délit prévu et réprimé par l’article 434-35 du code pénal. 
 
Afin de favoriser les opérations d’exploitation et d’évaluation qui seront faites en lien avec les services de police spécialisés désignés dans les procédures en matière de terrorisme, la saisine d’un service d’enquête relevant de la direction centrale de la police judiciaire ou de la direction régionale de la police judiciaire de Paris doit être privilégiée.
 
Le parquet national antiterroriste, s’il n’a pas vocation à se saisir de l’ensemble des procédures ouvertes au titre de la possession d’un matériel illicite en détention, doit être informé de ces faits dans les meilleurs délais afin de pouvoir évaluer la pertinence de sa saisine.
 
A l’issue de cette phase d’évaluation et à défaut de revendication par le parquet national antiterroriste de sa saisine, des poursuites doivent être engagées par le parquet local sur le fondement d’une qualification de droit commun. 
 

Les infractions commises par les individus placés sous main de justice ou soumis à une mesure administrative 

Chargé de la détection et du traitement judiciaire des signaux faibles de radicalisation, le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme devra être informé de la présence sur son ressort de tout individu placé sous main de justice dans un cadre pré ou postsentenciel (ex : contrôle judiciaire, surveillance judiciaire) pour des faits de terrorisme. Il est par ailleurs rendu destinataire des informations relatives aux mesures administratives destinées à prévenir la commission d’actes de terrorisme. 
 
Sous l’autorité du procureur de la République, il veillera à l’exercice de poursuites systématiques, s’agissant de la violation des mesures prises par l’autorité administrative en matière de prévention du terrorisme.
 
A ce titre, il exercera l’action publique à l’encontre des auteurs de violation d’une interdiction de sortie du territoire (8) ou d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (9). 
 
Le magistrat référent ou délégué veillera à systématiquement informer le parquet national antiterroriste des condamnations intervenues en répression de ces violations ou de tout incident de droit commun impliquant les individus précités.
 

La commission d’une infraction de droit commun par un individu poursuivi ou condamné pour terrorisme ou la survenance d’un incident 

Le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme doit enfin informer sans délai le parquet national antiterroriste de la commission de toute infraction par un individu poursuivi pour des faits de terrorisme, ou en cours d’exécution de peine pour ces mêmes faits.
 
Ces instructions s’appliquent également aux infractions commises par un individu précédemment condamné pour terrorisme et qui, une fois sa peine purgée, commettrait des faits susceptibles de traduire, par leur mode opératoire, la préparation de nouveaux actes de terrorisme (commission d’escroqueries susceptibles de traduire le financement d’un départ sur zone, acquisition d’une arme ou de substances dangereuses susceptibles de traduire la préparation d’un projet d’action violente, etc.).
 
Il en va de même lorsque le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme est informé d’un incident survenu dans le cadre de la détention ou du suivi, en milieu ouvert, d’une mesure judiciaire pré ou post-sentencielle d’un individu poursuivi ou condamné pour des faits de terrorisme.
 
Les magistrats référents et délégués pourront utilement envisager la mise en place d’un protocole d’information avec les directeurs d’établissements pénitentiaires situés sur leur ressort, s’agissant des incidents commis par des détenus pour des faits de terrorisme. 
 

III. Le renforcement des échanges d’informations entre le parquet national antiterroriste  et les parquets locaux dans le cadre de la prise en charge des mineurs de retour de zones d’opérations de groupements terroristes
 
La prise en charge des mineurs de retour de zones d’opérations de groupements terroristes, notamment de la zone irako-syrienne, revêt une importance majeure tant au regard de la gravité des traumatismes subis que de la fragilité psychologique qu’ils sont susceptibles de présenter. Si la première responsabilité de l’institution judiciaire est d’assurer la protection de ces enfants en leur garantissant des conditions de vie et d’éducation leur permettant de dépasser ces difficultés, les enjeux sécuritaires liés à leur exposition au prosélytisme jihadiste doivent également être pris en compte.
 
Le dispositif de prise en charge de ces mineurs, mobilisant plusieurs services de l’Etat, est fixé par l’instruction interministérielle du 23 février 2018, déclinée par la circulaire du ministère de la justice du 8 juin 2018.
 
Le suivi de ces mineurs, parfois très jeunes, exige de renforcer les échanges d’informations entre le parquet national antiterroriste et les magistrats référents ou délégués à la lutte contre le terrorisme des parquets locaux. Il exige également de renforcer l’action des parquets locaux dans le suivi des procédures ouvertes en assistance éducative, comme dans les situations évoquées à l’occasion des CPRAF restreintes.
 
Le parquet national antiterroriste assure un suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets locaux, parties à la procédure d’assistance éducative et membres des CPRAF. 
 

1) La centralisation des informations par le parquet national antiterroriste 

Le procureur de la République antiterroriste assure un suivi centralisé des mineurs de retour de zone d’opérations de groupements terroristes. Cette centralisation permet d’articuler au mieux les procédures pénales diligentées à l’encontre des parents et les mesures de protection prises au bénéfice des enfants mineurs. Elle permet également de s’assurer de l’attention portée à la situation de ces enfants sur l’ensemble du territoire national, compte tenu des enjeux de sécurité qui y sont attachés. 
 

Lors de l’arrivée du mineur sur le territoire national

En cas de retour programmé, le parquet national antiterroriste est chargé de collecter, avant son arrivée, l’ensemble des informations utiles à la prise en charge du mineur. Il peut ainsi être amené à recueillir auprès du magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme du parquet du dernier domicile connu du mineur tout élément utile provenant d’un suivi antérieur effectué en assistance éducative ou dans un cadre administratif.
 
Le parquet national antiterroriste adresse ensuite ces informations au magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme du parquet du lieu d’arrivée compétent pour assurer, en urgence, la protection du mineur.
 
Les informations transmises par le parquet national antiterroriste aux parquets locaux comprennent les suites judiciaires données aux procédures diligentées à l’encontre des parents (lieu d’incarcération, obligations et interdictions du contrôle judiciaire, domiciliation fixée, magistrat instructeur saisi). 
 
En retour, le parquet national antiterroriste est informé par le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme des suites données à la procédure d’assistance éducative (lieu de placement du mineur et mesures ordonnées).
 
Les mêmes échanges réciproques d’informations doivent avoir lieu dans l’hypothèse d’un retour clandestin d’un mineur sur le territoire national, dès la découverte de la situation.
 

A chaque changement de situation 

Selon les mêmes modalités, le parquet national antiterroriste doit être tenu strictement informé de toute évolution de la situation du mineur (changement de lieu de placement ou de résidence, saisine d’un autre service éducatif…) ou de modification de la mesure judiciaire ordonnée (dessaisissement, mainlevée…). Une attention particulière doit être portée aux évènements extérieurs, notamment de procédure (remise en liberté, procès, interrogatoires ou auditions), susceptibles d’insécuriser l’enfant, de modifier son cadre ou son rythme de vie ou de raviver des traumatismes subis. La nature et le calendrier de ces actes ou évènements doivent être partagés entre le parquet national antiterroriste et les magistrats référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme.
 

2) Le rôle du magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme 

Le suivi des mineurs de retour de zone dans le cadre de la procédure d’assistance éducative 

Le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme, doit, en lien avec le parquet des mineurs, porter la plus grande attention aux mineurs de retour de zone suivis en assistance éducative sur son ressort et assurer la centralisation des informations relatives à leurs situations individuelles.
 
En application des articles 1187 alinéa 6 et 1190 alinéa 4 du code de procédure civile, toutes réquisitions utiles seront prises pour garantir une prise en charge soutenue du mineur concerné. Des réquisitions écrites aux fins du prononcé d’une double mesure au visa de l’article 375-4 du code civil devront être prises de manière systématique en cas de placement à l’aide sociale à l’enfance. En l’absence d’éléments sur l’état de santé de l’enfant et son évolution psychologique, des réquisitions aux fins d’expertises médicales ou médicopsychologiques pourront être prises.
 
En cas de changement pérenne de lieu de placement, de domicile ou de résidence, des réquisitions aux fins de dessaisissement au profit du juge des enfants territorialement compétent devront être prises conformément aux dispositions de l’article 1181 alinéa 2 du code de procédure civile posant ce principe. Le parquet du nouveau lieu de résidence devra être informé par le parquet initialement saisi.
 
En complément des transmissions prévues aux articles susvisés, le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme s’informera d’initiative, en lien avec le parquet chargé des mineurs, de l’évolution de la situation du mineur en sollicitant la communication du dossier d’assistance éducative à intervalles réguliers.
 
Il veillera à étendre la saisine du juge des enfants aux mineurs nés en détention après le retour de zone et l’incarcération de la mère.
 
Il devra transmettre tous les mois au parquet national antiterroriste les informations ou l’actualisation des informations recueillies.
 

L’échange d’informations dans le cadre du dispositif interministériel de prise en charge 

Dès l’arrivée du mineur sur le territoire national, il appartient au magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme du parquet du lieu d’arrivée d’en informer le préfet et le conseil départemental.
 
Par la suite, les situations doivent être régulièrement évoquées dans le cadre des cellules départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPRAF), dans leur formation restreinte, ainsi que le prévoient la circulaire du 13 octobre 2016 et la dépêche du 2 octobre 2017.  
 

Le suivi des mineurs au terme de la procédure d’assistance éducative 

Si la procédure d’assistance éducative s’achève, du fait d’un non-lieu ou de l’accession à la majorité, le magistrat référent ou délégué à la lutte contre le terrorisme doit en informer les partenaires de la CPRAF restreinte.
 
Les situations des mineurs devront être régulièrement réexaminées par les institutions partenaires de la CPRAF, afin notamment d’évaluer, en cas de danger ou de risque de danger, la pertinence d’une nouvelle saisine de l’autorité judiciaire. 
 
Le parquet national antiterroriste devra être informé des situations des mineurs évoquées en CPRAF selon les mêmes modalités que celles définies pour les procédures d’assistance éducative.
 
***
 
Les parquets généraux veilleront à la bonne mise en œuvre des présentes orientations de politique pénale. 
 
Dans le prolongement des dispositions de l’article 35 du code de procédure pénale, le  procureur de la République antiterroriste établira un rapport annuel concernant son activité, la gestion de son parquet ainsi que l’application de la loi. 
 
Le parquet général de Paris ainsi que le parquet national antiterroriste sont en outre invités à tenir régulièrement informée la direction des affaires criminelles et des grâces des actions de coopération institutionnelle qu’ils entreprennent.
 
Je vous saurais gré de bien vouloir me tenir informée, sous le timbre du bureau de lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment de la direction des affaires criminelles et des grâces, de toute difficulté qui pourrait survenir dans la mise en œuvre de la présente circulaire.
 
 
Nicole BELLOUBET

 
 
Fiche technique : la direction d’enquête sur des faits susceptibles de revêtir une qualification  terroriste relevant de la compétence du PNAT

 
1- Qui aviser ?   
2- Qui saisir ?  
3- Quels actes envisager prioritairement afin de déterminer l’éventuelle nature terroriste des faits ?   
 
(1) Caractérisé, notamment, par l’existence de cibles définies, par des repérages, par la recherche d’armes ou d’explosifs, par la détention d’armes autres que celles de catégories A ou B, par l’existence d’un financement du passage à l’acte,…

(2) Par la recherche de contacts, la préparation ou l’envoi d’une vidéo de revendication ou d’allégeance, par l’intégration d’un groupement identifié comme terroriste, …

(3) A l’exclusion des faits visés aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code

(4) A contrario, le passage à l’acte – fut-il violent – d’un individu radicalisé ne suffit pas à lui seul à emporter saisine du parquet national antiterroriste, dès lors que celui-ci s’inscrit dans un différend purement privé et personnel et sans lien avec un projet terroriste.

(5) A ce titre, dans l’avis préalable à l’arrêt rendu le 10 janvier 2017 par la chambre criminelle de la cour de cassation, l’avocat général traçait une ligne de partage entre ce qui pourrait relever de la qualification terroriste de ce qui relève du droit commun. Il écrivait ainsi que « lorsqu’un groupement n’a commis aucune action pouvant être qualifiée de terroriste et qu’il ne se rattache à aucune organisation reconnue comme terroriste, la démonstration de l’existence d’une entreprise terroriste nous apparaît nettement plus délicate. Un certain nombre d’éléments matériels doivent alors révéler la détermination du groupement à commettre une action terroriste. L’élaboration d’un projet, des repérages, l’acquisition d’armes ou d’explosifs peuvent, entre autres, constituer ces éléments. Mais il n'y a pas de règle. Peut être posé en forme de théorème que plus la gravité de l’infraction qui serait susceptible d’être en relation avec une entreprise terroriste est faible, plus les éléments devant être réunis pour caractériser l'existence de cette entreprise doivent être consistants. ».

(6) Les coordonnées sont rappelées sur le site intranet du BULCO/DACG.

(7) A l’exclusion des infractions d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme.

(8) La mesure administrative d’interdiction de sortie du territoire (IST), créée par la loi du 13 novembre 2014 et prévue par l’article L.224-1 du code de la sécurité intérieure, est prise par le ministre de l’intérieur, à l’encontre de toute personne de nationalité française à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle projette des déplacements à l’étranger soit ayant pour objet la participation à des activités terroristes, soit vers un théâtre d’opérations de groupements terroristes dans des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. Le même article prévoit que le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation de cette interdiction est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Par ailleurs, le fait, pour toute personne s'étant vu notifier une décision d'interdiction de sortie du territoire, de se soustraire à l'obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d'identité est puni de 2 ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende.

(9) Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) créées par la loi SILT du 30 octobre 2017 sont en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Elles sont prévues par les articles L.228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Les MICAS sont prises après information préalable du procureur de la République antiterroriste et du procureur de la République territorialement compétent à raison du domicile de la personne concernée. Cette information permet de s’assurer que la mesure envisagée n’entre pas en conflit avec une mesure judiciaire de sûreté, notamment une mesure de contrôle judiciaire. Aux termes de l’article L.228-7 du code de la sécurité intérieure, le fait de se soustraire aux obligations fixées par le ministre de l’intérieur dans le cadre de ces MICAS est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45000€ d'amende.