Instruction interministérielle n° DGT/DASIT1/DACG/2020/101 du 23 juin 2020 relative à la mise en oeuvre conjointe des dispositions de l’article 47 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2019 et de réforme pour la justice

Date de signature :23/06/2020 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :30/07/2020 Emetteur :Ministère du Travail
Consolidée le : Source :BO Travail n°2020/7 du 30 juillet 2020
Date d'entrée en vigueur :31/07/2020
Instruction interministérielle n°DGT/DASIT1/DACG/2020/101 du 23 juin 2020 relative à la mise en œuvre conjointe des dispositions de l’article 47 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2019 et de réforme pour la justice

NOR : MTRT2016357J

Date d’application : immédiate.

Résumé : cette instruction a pour objet de préciser aux magistrats et aux agents de l’inspection du travail les modalités de mise en œuvre de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et leurs articulations avec les conventions spécifiques à l’inspection du travail.

Mention outre-mer : le texte s’applique en l’état dans ces territoires.

Mots clés : inspection du travail, services d’enquête, co-saisine, officier de police judiciaire, procureur de la République, alternatives aux poursuites, convocation en justice.

Références : Articles 28, 41-1 et 390-1 du code de procédure pénale ;

Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) n°81 du 11 juillet 1947, n°129 du 25 juin 1969 et maritime de 2006 sur l’inspection du travail.

Annexe(s) :
Annexe 1. – Tableau des pouvoirs des agents de contrôle de l’inspection du travail
Annexe 2. – Les convocations en justice
Annexe 3. – Modèle de convocation devant le tribunal
Annexe 4. – Modèle de convocation en vue d’une CRPC
Annexe 5. – Trame de convention entre le parquet et la DIRECCTE

La directrice des affaires criminelles et des grâces et le directeur général du travail à Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel ; Monsieur le procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel ; Mesdames et Messieurs les procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ; Mesdames et Messieurs les directrices et directeurs (régionaux) des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ; Mesdames et Messieurs les directrices et directeurs d’unité départementale ; Mesdames et Messieurs les responsables d’unité de contrôle ; Mesdames et Messieurs les agents de contrôle de l’inspection du travail ; Copie à : Mesdames et Messieurs les premiers présidents des cours d’appel ; Monsieur  le président du tribunal supérieur d’appel  ; Mesdames et Messieurs les présidents des tribunaux judiciaires  ; Mesdames et Messieurs les directeurs des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2019. Les dispositions du titre  IV de cette loi, relatif aux dispositions portant simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale, visent à faciliter le travail des acteurs de la chaîne pénale, qu’il s’agisse des enquêteurs, des magistrats du siège ou du parquet et des avocats, à tous les stades de la procédure, afin de renforcer l’efficacité de la réponse judiciaire.

À ce titre, la loi modifie notamment les prérogatives des fonctionnaires et agents auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en prévoyant : Ces nouvelles dispositions s’appliquent à l’inspection du travail dont les agents sont, aux termes de l’article  L.  8112-1 alinéa 4 du code du travail, «  chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire  » de constater les infractions aux dispositions dudit code. Elles s’inscrivent dans le respect des conventions suivantes : n°81 sur l’inspection du travail du 11 juillet 1947, n°129 sur l’inspection du travail du 25 juin 1969 et du travail maritime de 2006 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui sont d’application directe en droit interne et définissent le cadre d’exercice des missions d’inspection du travail.

La convention n°81 de l’OIT énonce notamment :

En son article 3.2 : « (…) Si d’autres fonctions sont confiées aux inspecteurs du travail, celles-ci ne devront pas faire obstacle à l’exercice de leurs fonctions principales ni porter préjudice d’une manière quelconque à l’autorité ou à l’impartialité nécessaires aux inspecteurs dans leurs relations avec les employeurs et les travailleurs ».

Ces fonctions sont notamment définies à l’article L. 8112-1 du code du travail.

En son article  4.1 : «  Pour autant que cela sera compatible avec la pratique administrative du Membre, l’inspection du travail sera placée sous la surveillance et le contrôle d’une autorité centrale ».

Les principes d’organisation sont déclinés aux articles L. 8121-1, R. 8121-13 et R. 8121-14 du code du travail. En son article  17.2 : «  Il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites ». Le principe de libre décision est repris aux articles L. 8112-1 et R. 8124-27 du code du travail.

La présente instruction conjointe définit les conditions de mise en œuvre de ces nouvelles prérogatives, qui ont vocation à être déclinées localement.

À cet égard, la circulaire n°2016-00031 de la DACG du 18 juillet 2016 et l’instruction de la DGT n°2016/03 du 12  juillet  2016 ont prévu la désignation d’un référent en matière de droit pénal du travail au sein de chaque parquet (4) et d’un référent justice au sein de chaque unité départementale de la DIRECCTE (5).

Il importe de veiller à ce que ces référents soient bien identifiés de part et d’autre. Ceux-ci seront les interlocuteurs privilégiés dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions légales.

Par ailleurs, la circulaire et l’instruction précitées de 2016 ont prévu que le responsable de l’unité départementale de la DIRECCTE rencontre au moins annuellement le procureur de la République. De la même manière, il est prévu une réunion annuelle au niveau régional, sous l’égide du DIRECCTE et du procureur général, réunissant les magistrats référents en matière de droit pénal du travail et les référents justice de l’inspection du travail. Ces rencontres seront l’occasion d’évaluer les nouveaux dispositifs mis en œuvre.

De tels échanges institutionnels pourront utilement conduire à l’élaboration ou l’actualisation de conventions régionales ou locales, entre la DIRECCTE et le procureur général ou le procureur de la République. Un modèle de convention figure à cet effet en annexe 5.

I. – LA COSAISINE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL AVEC UN SERVICE D’ENQUÊTE

1.1. Cadre juridique

Le troisième alinéa de l’article 28 du code de procédure pénale est rédigé en ces termes :

« D’office ou sur instructions du procureur de la République, ces fonctionnaires et agents [auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire] peuvent concourir à la réalisation d’une même enquête avec des officiers et agents de police judiciaire. ».

La cosaisine autorise désormais les fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie, d’une part, et les agents de l’inspection du travail, d’autre part, à concourir à la réalisation d’une même enquête, avec une concertation et une complémentarité de leurs actions, dans les conditions et dans les limites fixées par les lois spéciales leur attribuant des pouvoirs de police judiciaire.

La cosaisine implique que les fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie, d’une part, et les agents de l’inspection du travail, d’autre part, conservent leurs prérogatives propres.

Dès lors, un agent de l’inspection du travail ne dispose pas, en vertu des textes régissant ses pouvoirs de police spéciale, de la possibilité de procéder à une audition dans le cadre contraint d’une garde à vue. Certains actes relevant de prérogatives propres à chaque service peuvent être effectués en parallèle (droit d’entrée de l’inspection du travail et perquisition simultanée dans un local professionnel). Des actes peuvent être menés conjointement dans les cas où la loi reconnaît à l’inspection du travail et aux services de police des pouvoirs identiques (audition libre) (6).

La cosaisine doit être distinguée de la réquisition adressée par l’officier de police judiciaire au responsable de l’unité départementale de la DIRECCTE, en application des articles  60 et 77-1 du code de procédure pénale. La réquisition, qui peut consister en une demande d’analyse technique ou en une assistance à audition ou perquisition, a en effet pour conséquence de faire perdre à l’agent de contrôle ses pouvoirs propres ainsi que les attributions liées à son statut.

Elle doit également être distinguée du soit-transmis pour avis envoyé par le procureur de la République, qui vise à obtenir un simple éclairage technique sur la procédure.

La cosaisine a enfin pour conséquence l’instauration d’un cadre d’échange spontané des pièces de procédure entre les deux services saisis, qui permet de se dispenser d’un accord préalable du procureur. En cas d’accident du travail, par exemple, l’agent de contrôle peut transmettre ses éléments de constats et l’officier de police judiciaire les procès-verbaux d’auditions qu’il a réalisés.

1.2. Champ d’application

La cosaisine des agents de contrôle de l’inspection du travail ne doit être envisagée que dans le champ des infractions pour la constatation desquelles ceux-ci sont compétents, la coexistence d’une infraction connexe (ex. délits d’homicide et blessures involontaires prévus par le code pénal) n’excluant pas néanmoins cette cosaisine.

De plus, bien que légalement possible quelle que soit l’origine de la procédure, la cosaisine des agents de contrôle de l’inspection du travail est inopportune dans le cas où une autre administration a dressé procès-verbal (ex. URSSAF).

Enfin, le deuxième alinéa de l’article 28 du code de procédure pénale dispose que « lorsque la loi prévoit que ces fonctionnaires et agents peuvent être requis par commission rogatoire du juge d’instruction, ils exercent, dans les limites de la commission rogatoire, les pouvoirs qui leur sont conférés par les lois spéciales mentionnées au premier alinéa du présent article ».

Contrairement à d’autres administrations (ex. DGCCRF), les agents de l’inspection du travail ne bénéficient d’aucune habilitation légale en ce sens et ne peuvent donc se voir confier par les juges d’instruction l’exécution de commissions rogatoires.

Sous ces différentes réserves, la cosaisine revêt un intérêt particulier pour certaines enquêtes, notamment en matière de : 1.3. Mise en œuvre pratique

Conformément aux dispositions des articles  12 et 15 du code de procédure pénale, la police judiciaire, qui comprend à la fois les officiers et agents de police judiciaire  mais également les fonctionnaires et agents auxquels la loi attribue certaines fonctions de police judiciaire, est exercée sous la direction du procureur de la République.

La décision de cosaisine constitue l’une des prérogatives du procureur de la République, à laquelle le service saisi est tenu de déférer. Les procureurs de la République veilleront toutefois à saisir les services de l’inspection du travail avec discernement. En effet, les cosaisines ne devraient pas, en raison de leur fréquence ou de leurs modalités, constituer un obstacle à l’exercice par l’inspection du travail des missions qui lui sont attribuées par la loi et les conventions internationales et qui sont exercées sous l’autorité centrale de la direction générale du travail.

Nous ne verrions donc qu’avantage à ce que des échanges institutionnels interviennent au niveau régional sous l’égide du procureur général, ou au niveau départemental entre le procureur de la République et le responsable de l’unité départementale de la DIRECCTE, dans le but de définir, en fonction des spécificités du ressort, les critères de la cosaisine, dans le respect des orientations de la présente instruction conjointe.

Si aucun formalisme n’est attaché à la cosaisine, il convient qu’elle soit matérialisée par un écrit (soit-transmis), afin de fixer tant le périmètre des faits visés que les investigations envisagées.

Le législateur a aussi prévu la faculté d’une cosaisine d’office, c’est-à-dire à l’initiative conjointe des deux services. Cette possibilité garantit une plus grande réactivité dans le traitement des procédures, tout particulièrement celles qui exigent des constats en urgence, comme un accident du travail, ou qui font dès l’origine intervenir services d’enquête et inspection du travail, tel un contrôle conjoint opéré dans le cadre du CODAF.

Le  champ et les conditions de mise en œuvre de la cosaisine d’office pourront utilement faire l’objet d’une définition préalable dans le cadre des échanges institutionnels précités, notamment sur les modalités de l’information à bref délai du parquet et la formalisation de cette cosaisine au sein de la procédure.

II. – LA MISE EN ŒUVRE DES ALTERNATIVES AUX POURSUITES

La mise en œuvre d’une mesure alternative aux poursuites, qui pouvait être confiée jusque-là à un officier de police judiciaire, un délégué ou un médiateur du procureur de la République, peut désormais être déléguée aux agents et fonctionnaires dotés de pouvoirs de police judiciaire. Cette disposition vise à assurer une meilleure continuité dans le traitement des procédures initiées par ces administrations dans leur champ de compétences.

2.1. Cadre juridique

L’article 28 du code de procédure pénale a été complété par un quatrième alinéa :

« Ces fonctionnaires et agents [auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire] peuvent, sur instruction du procureur de la République, procéder à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article 41-1. »

L’article 41-1 prévoit notamment les mesures alternatives aux poursuites suivantes :

« S’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement  de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur du procureur de la République :

1° Procéder au rappel auprès de l’auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

2° Orienter l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ; cette mesure peut consister dans l’accomplissement par l’auteur des faits, à ses frais, d’un stage ou d’une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel… ;

3° Demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

4° Demander à l’auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

5° Faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime (…) ».

La mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites suspend la prescription de l’action publique. Elle emporte également des conséquences sur les suites de la procédure dès lors qu’en cas de non-exécution de la mesure alternative imputable à l’auteur des faits, le procureur de la République met en œuvre «  sauf élément nouveau  » une composition pénale ou engage des poursuites.

La composition pénale, en ce qu’elle est prévue par une autre disposition du code de procédure pénale (article 41-2 du CPP), n’est pas concernée par cette évolution législative et ne peut donc être mise en œuvre directement par l’inspection du travail.

2.2. Champ d’application

Compte tenu de la nature du contentieux et des missions dévolues à l’inspection du travail, seules les mesures visées aux 1° (procéder à un rappel à la loi), 2° (orienter vers un stage en relation avec le droit du travail, animé dans certains ressorts par des associations), et 3° (régularisation) de l’article  41-1 du code de procédure pénale, paraissent susceptibles d’être directement mises en œuvre par les agents de l’inspection du travail, au titre des infractions pour lesquelles elle est compétente.

Les mesures de réparation et de médiation (41-1 [4°] et 41-1 [5o]), qui supposent la détermination d’un préjudice et des compétences spécifiques, n’ont vocation à être envisagées en matière de droit pénal du travail, qu’en recourant à un délégataire (délégué du procureur, médiateur, structure sanitaire, sociale ou professionnelle).

2.3. Mise en œuvre pratique

2.3.1. Opportunité

Conformément à la circulaire de la DACG du 12 mai 2017, les mesures alternatives aux poursuites sont adaptées aux faits simples, de faible gravité et reconnus par leurs auteurs. Le  choix de la mesure alternative appropriée est guidé par la prise en compte de la nature des faits et de la personnalité du mis en cause.

En outre, il importe que la mise en œuvre des alternatives aux poursuites par l’inspection du travail s’envisage de manière cohérente avec l’échelle des mesures et sanctions susceptibles d’intervenir en droit pénal du travail.

Ainsi, la décision de confier à l’inspection du travail la mise en œuvre d’une alternative aux poursuites tiendra utilement compte des actions engagées précédemment par ce service vis-à-vis du mis en cause. En effet, il convient de rappeler que, lors de leurs contrôles, les agents de l’inspection du travail échangent avec l’employeur, prodiguent des conseils et expliquent les enjeux de la réglementation. Les contrôles sont suivis d’une lettre d’observations qui reprend les écarts constatés entre la situation de l’entreprise et la législation. Ces courriers demandent à l’employeur soit de se conformer à la réglementation, lorsque la situation s’y prête, soit de veiller à ne pas renouveler l’infraction constatée. Le  courrier peut être accompagné d’une mise en demeure qui impose à l’employeur, lorsque la réglementation le prévoit, de mettre fin à l’infraction dans un délai donné.

Ce sont autant de leviers à la disposition de l’inspection du travail pour adresser une première réponse institutionnelle face à des manquements, et ce sans préjudice des sanctions administratives et de la transaction pénale. B

À ce titre, l’instruction de la DGT n°2016/03 du 12 juillet 2016 et la circulaire n°2016-00031 de la DACG du 18 juillet 2016 relatives aux sanctions administratives et à la transaction pénale demeurent d’actualité (10).

Dès lors, dans l’hypothèse d’une précédente procédure ayant abouti au prononcé d’une sanction administrative, ou lorsque la DIRECCTE a proposé au mis en cause une transaction pénale qu’il a refusée, et si toutefois une mesure alternative aux poursuites était malgré tout envisagée, il conviendrait de ne pas la confier à l’inspection du travail.

Par ailleurs, il convient de réserver la mise en œuvre d’alternatives aux poursuites par l’inspection du travail aux procédures dont elle est à l’origine. En effet, il n’est pas opportun de confier la mise en œuvre d’alternatives aux poursuites aux agents de contrôle de l’inspection du travail dans les cas où une autre administration a dressé procès-verbal (ex. URSSAF).

Enfin, un échange préalable entre le procureur de la République et l’agent de l’inspection du travail au sujet de la possibilité même de régulariser et des contours de cette régularisation, apparaît nécessaire à une bonne exécution de cette mesure alternative s’il est décidé de la confier à l’inspection du travail.

2.3.2. Compétence territoriale

Les critères généraux de compétence territoriale du procureur de la République sont définis à l’article 43 du code de procédure pénale.

La circulaire de la DACG du 11 mai 2017 relative aux critères de compétence territoriale privilégie, hormis pour les accidents du travail et l’homologation des transactions11, le lieu du siège social de l’entreprise concernant le contentieux du travail (12).

Cette règle, susceptible de créer une distinction entre le lieu d’établissement de la procédure par l’inspection du travail et le lieu du traitement judiciaire (lieu du siège social) d’un même dossier, présente néanmoins l’avantage de la lisibilité et de la cohérence.

Dès lors, le procureur de la République territorialement compétent en application de la circulaire précitée pourra être amené à solliciter, aux fins de mise en œuvre d’une alternative, les services de l’inspection du travail du lieu du siège social dans le cadre de procédures dont ces derniers n’auront pas eu à connaître. Il conviendra cependant de veiller à ce que cette demande du procureur de la République se fasse de façon concertée, après avoir envisagé d’autres modes de mise en œuvre de l’alternative aux poursuites envisagée.

III. – LA DÉLIVRANCE DE CONVOCATIONS EN JUSTICE

3.1. Cadre juridique

L’article 390-1 du code de procédure pénale a été complété pour ouvrir la possibilité aux agents dotés de prérogatives de police judiciaire de délivrer des convocations en justice :

«  Vaut citation à personne la convocation en justice notifiée au prévenu, sur instructions du procureur de la République et dans les délais prévus par l’article 552, soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire, un fonctionnaire ou agent d’une administration relevant de l’article 28 ou un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l’établissement pénitentiaire ».

L’instauration d’une convocation par ces agents contribue, là encore, à une plus grande continuité dans le traitement des procédures initiées par ces administrations. En effet, dès lors que les investigations lui paraîtront achevées, le ministère public pourra les solliciter afin qu’ils délivrent aux personnes physiques et morales concernées une convocation en justice devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police.

Ils pourront aussi se voir confier la délivrance des convocations dans le cadre des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

3.2. Champ d’application et mise en œuvre pratique

La convocation en justice par l’inspection du travail n’est possible que dans le champ des infractions pour la constatation desquelles ceux-ci sont compétents.

De plus, bien que légalement possible quelle que soit l’origine de la procédure, la délivrance d’une convocation en justice par les agents de contrôle de l’inspection du travail doit, en principe, être écartée dans le cas où une autre administration a dressé procès-verbal.

En outre, en cas de cosaisine, il est préférable que le ministère public confie la délivrance de la convocation en justice au service de police ou de gendarmerie également en charge du dossier. Il en ira de même lorsque le déroulement de l’enquête laissera craindre pour la sécurité de la personne chargée de la délivrance de la convocation.

La convocation devant le tribunal, rédigée par l’agent doté de pouvoirs de police judiciaire, doit contenir un certain nombre d’informations obligatoires à peine de nullité. Elle est signée par le prévenu et l’agent qui la délivre.

Il est recommandé que les conditions et modalités de mise en œuvre de la délivrance de convocations soient précisées par la voie d’une convention (cf. annexe n°5), tenant compte ainsi des circonstances particulières telles que l’importance du nombre de sièges sociaux dans le ressort territorial de la DIRECCTE.

Des trames de convocation sont jointes à la présente instruction.

La qualification des faits, objets de la poursuite, relève du seul procureur de la République, qui devra fournir à l’inspection du travail, dans chaque dossier, une qualification développée précise. Un soin particulier sera apporté à cet élément de la convocation dès lors qu’il définit le champ de la saisine du tribunal. En cas de doute de l’agent, il sollicitera un échange avec le magistrat ayant décidé la convocation ou, à défaut, avec le magistrat référent.

En application des articles  391 et 495-13 du code de procédure pénale, les victimes doivent être avisées de la date d’audience. Cet avis, qui est réalisé par tout moyen (appel téléphonique, courrier…) et doit être acté en procédure, pourra le cas échéant être réalisé par l’inspection du travail. Il appartiendra alors au procureur de la République de spécifier à l’inspection du travail les destinataires de cet avis.

Enfin, les frais de traduction d’une convocation en justice délivrée par un agent de l’inspection du travail relèvent des frais de justice en application des dispositions des articles R. 91 et suivants du code de procédure pénale, celui-ci agissant sous le contrôle du procureur de la République.

* * *

Nous vous saurions gré de bien vouloir veiller à la diffusion de la présente instruction et de nous tenir informés de toute difficulté qui pourrait survenir dans sa mise en œuvre, sous le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces (bureau du droit économique, financier, social, de l’environnement et de la santé publique) et sous le timbre de la direction générale du travail (bureau du cadre de légalité et des modalités d’action du système d’inspection du travail – DASIT1).

La directrice des affaires criminelles et des grâces,
C. Pignon

Le directeur général du travail,
Y. Struillou 


(1) Article 28 alinéa 3 du code de procédure pénale (CPP).
(2) Article 28 alinéa 4 du CPP.
(3) Article 390-1 du CPP.
(4) Cette liste figure sur l’intranet DACG sous l’onglet « Santé publique - Droit social – Environnement ».
(5) Les noms des référents parquet au sein des unités départementales des DIRECCTE doivent être communiqués à la DGT ([email protected]).
(6) Cf. annexe 1.
(7) La cosaisine sera notamment opportune pour les enquêtes portant sur des organisations de travail complexes (ex. mise en oeuvre de la responsabilité des donneurs d’ordre au sein d’une chaîne de sous-traitance) ou impliquant un élément d’extranéité (ex. fraude au détachement transnational).
(8) Lors des premières constatations, l’inspection du travail pourra attirer l’attention des enquêteurs sur l’utilité de certaines investigations (ex. audition d’un chef d’équipe, expertise d’un instrument de travail…). Elle pourra également assister ces derniers lors d’auditions libres portant sur les manquements en matière de santé et de sécurité au travail susceptibles d’avoir causé l’accident.
(9) Les procédures de harcèlement moral et sexuel sont susceptibles de mettre en lumière des faits ne relevant pas de la compétence de l’inspection du travail mais d’un service d’enquête de droit commun (violences, agressions sexuelles, menaces etc.). À l’inverse, l’expertise de l’inspection du travail peut se révéler particulièrement pertinente pour traiter, en cosaisine, une procédure de harcèlement « managérial» résultant d’une organisation du travail défaillante.(10) « La procédure de transaction pénale a vocation à être appliquée à un champ large d’infractions [visées à l’article L. 8114-4 du code du travail]. Elle présente l’avantage de permettre dans certains cas d’imposer une régularisation à la personne mise en cause, tout en s’assurant de l’effectivité du paiement de la somme exigée et à l’acceptation de la sanction. »
(11) Dans ces hypothèses, le critère du lieu des faits s’applique.
(12) « S’agissant des infractions à la législation sur le travail, il convient de retenir prioritairement le critère du siège social de l’entreprise, afin de favoriser le regroupement des procédures auprès d’un même parquet. »




ANNEXE 1 
TABLEAU DES POUVOIRS DES AGENTS DE CONTRÔLE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL


Les règles d’interventions de l’inspection du travail sont inscrites pour partie dans la loi et pour partie dans la convention n°81 de l’OIT sur l’inspection du travail, qui est d’application directe.

Si toutes les règles s’appliquent, une attention particulière est apportée à trois dispositions de la convention n°81 : Le détail des moyens d’interventions est précisé dans le tableau ci-dessous, en distinguant : Cette fiche présente aussi les règles de compétence géographique des agents.








ANNEXE 2
LES CONVOCATIONS EN JUSTICE


Deux catégories de « convocation en justice » doivent être distinguées : Ces convocations n’ont pas à comporter le même degré de précision.

1. Les convocations établies par un fonctionnaire ou agent d’une administration relevant de l’article 28 du code de procédure pénale

Afin de constituer un mode de saisine valable du tribunal correctionnel et du tribunal de police, les convocations, établies sur le fondement de l’article 390-1 du code de procédure pénale, doivent comporter impérativement les éléments suivants : *
* *
La CRPC peut également être mise en oeuvre à la suite de la convocation à cette fin de la personne par un agent visé à l’article 390-1 du code de procédure pénale.

Cette convocation, devant le procureur de la République et non devant la juridiction (pour la phase de proposition de peine, préalable à la phase d’homologation de l’accord par le juge), n’obéit pas à un formalisme particulier.

Elle doit néanmoins comporter les éléments relatifs à l’infraction, à la date, l’heure et le lieu de la convocation, ainsi qu’au caractère impératif de l’assistance de l’avocat.

Il convient, dès lors, d’insister sur cette obligation légale auprès de la personne convoquée car la procédure ne peut se dérouler sans l’assistance de l’avocat ; les démarches en vue d’obtenir l’assistance d’un conseil doivent être faites aussitôt après la délivrance de la convocation.

2. Les convocations en vue de la mise en oeuvre de procédures simplifiées décidées par le procureur de la République

Ces convocations obéissent à un formalisme réduit.

Elles peuvent consister soit en une convocation devant un délégataire qui se voit confier la mission de mettre en oeuvre les alternatives aux poursuites prévues par les articles 41-1, 41-2, 41-3 et 41-3-1 A du code de procédure pénale, soit en une convocation devant un délégataire qui se voit confier la mission de notifier l’ordonnance pénale délictuelle ou contraventionnelle dans les conditions des articles 495-3 et 527 du code de procédure pénale.

Il n’est pas exigé la mention de la qualification détaillée de l’infraction mais uniquement l’intitulé de celle-ci (ex. harcèlement moral), la date et le lieu des faits.

Elles doivent, en revanche, impérativement mentionner la date, l’heure et le lieu de la convocation.


ANNEXE 3
MODÈLE DE CONVOCATION DEVANT LE TRIBUNAL


Cour d’appel de

Tribunal judiciaire de

Nous, Nom et prénom de l’agent, inspecteur/contrôleur du travail,

Agissant sur instructions de Mme/M. Nom et prénom du magistrat mandant, substitut/vice-procureur/procureur de la République près le tribunal judiciaire de ressort du tribunal judiciaire

Vu les articles 28 et 390-1 du code de procédure pénale,

Avisons :

Cas 1 : Personne physique

Mme/M.
Né(e) le
De et de
De nationalité
Ayant pour profession
Demeurant adresse personnelle

Cas 2 : Personne morale

Raison sociale
N°SIREN/SIRET
Adresse du siège social

Prise en la personne de son représentant légal :

Mme/M.
Né(e) le
De et de
De nationalité
Ayant pour profession
Demeurant adresse personnelle
Prévenu(e) :
D’avoir à lieu des faits, le date ou période des faits, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, …………………………………………………….

Faits prévus et réprimés par les articles textes d’incrimination et de répression (NATINF …)

Qu’il/elle devra comparaître à l’audience du date de l’audience à heure de l’audience devant la chambre saisie du tribunal correctionnel de ressort du tribunal judiciaire.

Adresse du tribunal : …

Informons la personne qu’elle a la possibilité de se faire assister, à ses frais, d’un avocat choisi et avisé par elle-même ; qu’il lui est également possible de faire une demande de désignation d’un avocat commis d’office, dont les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, et de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.

Informons la personne qu’elle doit comparaître à l’audience en possession des justificatifs de ses revenus ainsi que de ses avis d’imposition ou de non-imposition.

Informons la personne que le droit fixe de procédure dû en application du 3° de l’article 1018 A du code général des impôts peut être majorée si elle ne comparaît pas personnellement à l’audience ou si elle n’est pas jugée dans les conditions prévues par les premier et deuxième alinéas de l’article 411 du code de procédure pénale.

Lecture faite avec nous par l’intéressé(e), qui en reçoit une copie.

Fait à ,                              le
Le prévenu                       L’inspecteur/contrôleur du travail 



ANNEXE 4
MODÈLE DE CONVOCATION EN VUE D’UNE CRPC


Cour d’appel de

Tribunal judiciaire de

Nous, Nom et prénom de l’agent, inspecteur/contrôleur du travail,

Agissant sur instructions de Mme/M. Nom et prénom du magistrat mandant, substitut/vice-procureur/procureur de la République près le tribunal judiciaire de ressort du tribunal judiciaire
Vu les articles 28 et 495-7 du code de procédure pénale,

Avisons :

Cas 1 : Personne physique

Mme/M.
Né(e) le
De et de
De nationalité
Ayant pour profession
Demeurant adresse personnelle

Cas 2 : Personne morale

Raison sociale
N°SIREN/SIRET
Adresse du siège social
Prise en la personne de son représentant légal :
Mme/M.
Né(e) le
De et de
De nationalité
Ayant pour profession
Demeurant adresse personnelle

Prévenu(e) :
D’avoir à lieu des faits, le date ou période des faits, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, …………………………………………………….

Faits prévus et réprimés par les articles textes d’incrimination et de répression (NATINF …)

Qu’il/elle devra comparaître devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de ressort du tribunal judiciaire, le date de l’audience à heure de l’audience

Adresse du tribunal : …

Informons la personne qu’elle doit être impérativement assistée d’un avocat, choisi ou commis d’office, et que les frais d’avocat resteront à sa charge sauf si elle remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle.

Lecture faite avec nous par l’intéressé(e), qui en reçoit une copie.

Fait à,                          le
Le prévenu                  L’inspecteur/contrôleur du travail



ANNEXE 5
TRAME DE CONVENTION ENTRE LE PARQUET ET LA DIRECCTE


Convention relative à la mise en application du droit pénal du travail

Entre le procureur général / de la République … d’une part,

Et :
La DIRECCTE / l’unité départementale de … de la DIRECCTE. …, d’autre part,

Il est convenu ce qui suit :

1. Désignation de référents et relations entre le parquet et la DIRECCTE
Préciser les noms et les coordonnées des référents et les modalités de relation (échanges périodiques entre référents, réunions institutionnelles, réunion annuelle avec les agents de contrôle le cas échéant, modalités d’échanges sur les dossiers…)

2. Sur le suivi des procédures pénales initiées par l’inspection du travail
Préciser notamment les modalités de suivi des audiences et des jugements

3. Sur la mise en oeuvre des sanctions administratives
La convention précisera utilement les circuits d’information et de réponse ainsi que les situations dans lesquelles la voie pénale devrait être privilégiée (réitération, situations complexes nécessitant des enquêtes complémentaires.)

4. Sur la mise en oeuvre des transactions pénales en droit du travail
Préciser notamment les situations dans lesquelles une transaction devra être envisagée, les obligations qui peuvent être mises à la charge du responsable, les modalités de détermination de l’amende transactionnelle, les conséquences du refus de la transaction par le mis en cause

5. Sur les modalités de cosaisine
Indiquer les modalités de cosaisine

6. Sur la mise en oeuvre des alternatives aux poursuites par les services d’inspection du travail
Préciser les situations pour lesquelles la mise en oeuvre d’alternatives aux poursuites pourra être confiée à l’inspection du travail.
Indiquer les modalités concrètes de mise en oeuvre.

7. Sur la délivrance des convocations en justice
Indiquer les situations et les modalités, en portant notamment une attention particulière aux
spécificités locales, telles la présence d’un nombre élevé de sièges sociaux sur le ressort.

8. Durée de la convention, suivi et modalités de révision