Recommandation de la Commission du 10 juin 2022 relative à la définition des nanomatériaux

Date de signature :10/06/2022 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :14/06/2022 Emetteur :
Consolidée le : Source :JOUE C229 du 14 juin 2022
Date d'entrée en vigueur :15/06/2022
Recommandation de la Commission du 10 juin 2022 relative à la définition des nanomatériaux

(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

(2022/C 229/01)


LA COMMISSION EUROPÉENNE, considérant ce qui suit :

(1) La recommandation 2011/696/UE de la Commission ( 1 ) est utilisée comme référence pour déterminer si un matériau doit être considéré comme un «nanomatériau» aux fins de la législation et des politiques de l’Union, ce qui favorise une mise en œuvre efficace et cohérente dans tous les secteurs. La recommandation 2011/696/UE fait mention d’un réexamen ultérieur de la définition des nanomatériaux à la lumière de l’expérience et des progrès scientifiques.

(2) Entre 2013 et 2021, la Commission a procédé à ce réexamen de la recommandation 2011/696/UE, qui a concerné l’objectif, la portée, la clarté et l’utilisation de la définition des nanomatériaux qui y figure. Ce réexamen s’est notamment axé sur la question de savoir si le seuil de 50 % fixé pour la répartition numérique par taille des particules devait être relevé ou abaissé et s’il y avait lieu d’inclure des matériaux comportant une structure interne ou en surface à l’échelle nanométrique, tels que les matériaux complexes à nanocomposants (y compris les matériaux nanoporeux et les matériaux nanocomposites) qui peuvent être utilisés dans certains secteurs.

(3) Les éléments techniques et scientifiques sur lesquels s’appuie le réexamen de la définition des nanomatériaux figurant dans la recommandation 2011/696/UE ont été résumés et publiés dans les rapports scientifiques et stratégiques («Science for Policy reports») du Centre commun de recherche (JRC) de la Commission intitulés «Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term “nanomaterial”» (parties 1 ( 2 ), 2 ( 3 ) et 3 ( 4 )), qui portent sur l’expérience des parties prenantes dans la mise en œuvre de la définition et dans la détermination des éventuels points à revoir. De plus, le JRC a publié deux rapports fournissant des orientations sur la mise en œuvre de la définition ( 5 ) , ( 6 ), y compris des informations sur l’évolution des normes de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et du Comité européen de normalisation (CEN), les résultats du projet NanoDefine relevant du 7e programme-cadre de recherche de la Commission ( 7 ), , et d’autres informations disponibles dans le domaine public.

(4) Les éléments à prendre en compte en vue d’éventuelles modifications de la définition ont fait l’objet d’une consultation ciblée des parties prenantes entre le 6 mai et le 30 juin 2021. Les informations reçues au cours de cette consultation ont été prises en considération lors du réexamen par la Commission de la définition des nanomatériaux.

(5) Les résultats du réexamen et de la consultation des parties prenantes, la description des modifications apportées et leur justification sont présentés dans le document de travail des services de la Commission [SWD(2022)150] accompagnant la présente recommandation.

(6) Il convient de recommander une définition des nanomatériaux qui soit appropriée dans le contexte général des politiques et de la législation de l’Union (ci-après dénommée la «définition») et qui couvre les matériaux naturels, formés accidentellement ou manufacturés.

(7) La définition devrait être fondée sur la fraction relative de particules comprise dans une fourchette définie, dans la répartition numérique des particules de la dimension externe des particules constitutives d’un matériau, indépendamment des éventuelles propriétés dangereuses inhérentes de celui-ci ou des risques qu’il présente pour la santé humaine et l’environnement.

(8) La définition et ses termes essentiels devraient, le cas échéant, être fondés sur les termes existants scientifiquement définis et normalisés qui ont été adoptés par les communautés internationales (ISO, CEN). Les termes essentiels utilisés dans la définition devraient rester suffisamment spécifiques et devraient permettre la mise en œuvre pratique de la définition dans le contexte réglementaire de l’Union. Il convient que la mise en œuvre s’appuie sur des orientations élaborées par le JRC et mises à jour en fonction des évolutions scientifiques et techniques, qui dresseraient la liste des méthodes de mesure recommandées et des outils de bonnes pratiques7 .

(9) Le terme «nanomatériau» devrait couvrir les matériaux constitués de particules à l’état solide, libres ou liées en tant que parties constitutives d’agrégats ou d’agglomérats. Il convient d’utiliser l’expression «constitué de» plutôt que «contenant» afin de souligner que les particules sont le principal composant du matériau. Les autres composants non particulaires potentiellement présents (par exemple, les additifs nécessaires pour préserver la stabilité ou les solvants qui peuvent être séparés sans modifier la répartition par taille des particules) font partie du (nano)matériau, mais ne devraient pas être pris en compte pour déterminer si un matériau est un nanomatériau.

(10) Les particules non solides (c’est-à-dire liquides et gazeuses) devraient être exclues de la définition. Cette exclusion devrait garantir que l’utilisation de la dimension externe comme le qualificatif déterminant dans la définition ne soit pas rendue impossible par le caractère hautement dynamique des dimensions externes des particules non solides, telles que les micelles ou les gouttelettes nanoscopiques dans les émulsions ou les pulvérisateurs.

(11) La définition ne devrait pas inclure les produits ou composants solides de grande taille, même s’ils possèdent une structure interne ou en surface à l’échelle nanométrique, comme les revêtements, certains matériaux céramiques et les nanocomposants complexes, dont les matériaux nanoporeux et les matériaux nanocomposites. Certains de ces produits ou composants peuvent avoir été fabriqués à l’aide de nanomatériaux et peuvent même encore en contenir.

(12) La définition devrait continuer à suivre l’avis rendu en 2010 par le comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN) de la Commission ( 8 ), en définissant l’échelle nanométrique comme la fourchette de tailles comprise entre 1 nm et 100 nm.

(13) Le réexamen de la définition n’a pas permis de recueillir la preuve scientifique que le seuil par défaut de 50 % de particules dotées de dimensions externes à l’échelle nanométrique devrait être relevé ou abaissé pour tenir compte de préoccupations particulières ou pour couvrir ou exclure certains types de matériaux. La possibilité d’adapter la valeur du seuil par défaut que prévoit la recommandation 2011/696/UE dans certains cas spécifiques devrait être supprimée afin de garantir l’homogénéité et la cohérence de la réglementation et d’éviter que tel matériau soit considéré comme un nanomatériau dans un cadre réglementaire mais pas dans un autre, ce qui prémunira les opérateurs économiques, les consommateurs et les régulateurs contre toute insécurité juridique.

(14) La définition devrait couvrir à la fois les particules libres et les particules constitutives identifiables des agglomérats ou des agrégats. Le réexamen de la définition a mis en évidence que l’identification et la mesure des particules constitutives des agrégats pouvaient être très difficiles. Ainsi, le qualificatif «identifiable» est tributaire de considérations pratiques relatives à leur identification. Ces considérations devraient être précisées dans des orientations.

(15) Le terme «particule» devrait désigner un minuscule fragment de matière possédant des contours physiques bien définis, conformément à la définition de «particule» adoptée dans la norme ISO 26824: 2013. Tous les aspects techniques de la définition des particules, par exemple en ce qui concerne leur mobilité, devraient être clarifiés dans des orientations.

(16) Une molécule unique, y compris une macromolécule telle qu’une protéine dont la taille pourrait être supérieure à 1 nm, ne devrait pas être considérée comme une particule. Dans certains cas très spécifiques, la distinction peut dépendre d’une compréhension précise du terme «molécule unique». Des exemples concrets et des explications devraient être présentés dans des orientations.

(17) Le CSRSEN a indiqué que la fixation d’une fourchette de tailles comprise entre 1 nm et 100 nm pourrait avoir pour conséquence qu’un nombre limité de matériaux, tels que des (nano)tubes dont le diamètre serait inférieur à 1 nm et dont la longueur serait supérieure à 100 nm, ne serait pas à considérer comme des nanomatériaux. Pour pallier cette éventuelle omission, la recommandation 2011/696/UE a inclus dans la définition, en tant que nanomatériaux, les fullerènes, les flocons de graphène et les nanotubes de carbone à paroi simple possédant une ou plusieurs dimensions externes inférieures à 1 nm. Toutefois, d’autres matériaux peuvent présenter les mêmes caractéristiques de taille que ces matériaux à base de carbone. Il est également probable que le progrès scientifique et l’innovation conduiront à l’apparition d’autres produits similaires, ce qui rendra nécessaires des mises à jour régulières et continues de la portée de la définition. Pour éviter ces mises à jour, la définition devrait donc inclure toutes les particules solides comportant au moins une dimension externe inférieure à 1 nm dans le décompte des particules à l’échelle nanométrique à comparer au seuil de 50 %, si au moins l’une des autres dimensions de ces particules dépasse 100 nm.

(18) Les particules possédant au moins deux dimensions externes orthogonales supérieures à 100 μm étant beaucoup moins nombreuses dans tous les cas pertinents raisonnablement prévisibles, elles n’influent pas de manière significative sur la part relative des particules de 1 à 100 nm dans le nombre total de particules et, par conséquent, ne jouent pas de rôle significatif dans la classification des matériaux. La définition devrait permettre de restreindre la détermination de la répartition numérique par taille des particules aux seules particules constitutives comportant au moins deux dimensions externes orthogonales inférieures à 100 μm, à condition que le choix soit documenté par des résultats de mesure appropriés. L’application pratique de cette possibilité devrait être présentée dans des orientations.

(19) L’expérience montre ( 9 ) que l’utilisation de la surface spécifique comme variable de remplacement lors de l’identification d’un nanomatériau peut entraîner des difficultés d’interprétation et des difficultés techniques, par exemple, étant donné qu’une surface spécifique élevée peut être due à la présence d’une nanostructure interne et non indiquer la présence d’un grand nombre de petites particules constitutives. Dès lors, il a été conclu, dans le cadre du réexamen de la définition, que la possibilité prévue au point 5 de la recommandation 2011/696/UE n’était pas appropriée et ne devrait plus être considérée comme un élément qualificatif de la définition d’un nanomatériau.

(20) Le projet NanoDefine9 a montré, à partir d’un large ensemble de matériaux industriels différents, qu’il n’y avait pas d’incohérences dans la classification des matériaux non nanométriques, que la base utilisée soit la valeur médiane déterminée à partir des répartitions numériques par taille des particules ou une surface spécifique en volume inférieure à 6 m2 /cm3 (même si la forme des particules n’est pas connue). Par conséquent, un matériau présentant une surface spécifique en volume inférieure à 6 m2 /cm3 ne devrait pas être considéré comme un nanomatériau.

(21) Il convient donc de mettre à jour la définition des nanomatériaux figurant dans la recommandation 2011/696/UE.

(22) Les progrès scientifiques et techniques se poursuivent et peuvent remettre en cause le raisonnement justifiant l’utilisation des éléments retenus pour identifier un nanomatériau. Un réexamen de la définition devrait donc être envisagé chaque fois que de nouvelles données scientifiques ou de nouvelles expériences réglementaires démontrent que la définition n’est plus adéquate.

(23) La définition ne devrait ni affecter ni refléter le champ d’application d’un instrument de la législation de l’Union ou de dispositions établissant, pour un groupe de matériaux, des exigences supplémentaires ou spécifiques (y compris en matière de sécurité). Dans certains cas, il peut être considéré nécessaire d’exclure certains matériaux du champ d’application de certains actes législatifs ou de certaines dispositions législatives, même s’il s’agit de nanomatériaux au sens défini dans la présente recommandation. Il peut également être jugé nécessaire d’élaborer, dans le cadre du champ d’application de certains actes législatifs ou de certaines dispositions législatives de l’Union portant sur les nanomatériaux, des exigences réglementaires pour d’autres matériaux ne relevant pas de la définition de la présente recommandation. Ces instruments législatifs devraient toutefois viser à établir une distinction entre les «nanomatériaux» et les matériaux de ce sous-groupe, de manière à maintenir la cohérence avec la définition et, partant, avec d’autres instruments législatifs.

(24) La définition figurant dans la présente recommandation peut servir différents objectifs au titre des politiques, de la législation et de la recherche, s’agissant des matériaux ou des questions concernant les produits des nanotechnologies. Elle peut même être utilisée dans un autre acte établissant une définition des nanomatériaux aux fins des politiques horizontales et de la législation, adopté par la Commission ou le législateur de l’Union, auquel cas cet acte remplacerait la présente recommandation,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION :

1. On entend par «nanomatériau» un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, constitué de particules solides qui sont présentes soit individuellement soit en tant que particules constitutives identifiables dans des agrégats ou des agglomérats, 50 % au moins de ces particules, dans la répartition numérique par taille, répondant au moins à l’une des conditions suivantes :

(a) une ou plusieurs dimensions externes de la particule se situent dans la fourchette de 1 nm à 100 nm;

(b) la particule présente une forme allongée, telle que celle d’un bâtonnet, d’une fibre ou d’un tube, deux dimensions externes étant inférieures à 1 nm et l’autre dimension supérieure à 100 nm;

(c) la particule présente une forme de plaque, une dimension externe étant inférieure à 1 nm et les autres dimensions supérieures à 100 nm.

Pour déterminer la répartition numérique par taille des particules, il n’est pas nécessaire de prendre en considération les particules ayant au moins deux dimensions externes orthogonales supérieures à 100 μm.

Un matériau présentant une surface spécifique en volume inférieure à 6 m2 /cm3 n’est toutefois pas considéré comme un nanomatériau.

2. Aux fins du point 1, on entend par :
(a) «particule»: un minuscule fragment de matière possédant des contours physiques bien définis; les molécules uniques ne sont pas considérées comme des «particules»; 
(b) «agrégat»: une particule constituée de particules soudées ou fusionnées;
(c) «agglomérat»: un amas friable de particules ou d’agrégats dont la surface externe globale correspond à la somme des surfaces de ses constituants individuels.

3. Il est recommandé que la définition du terme «nanomatériau» figurant dans la recommandation la plus récente ou dans un autre acte fournissant une définition des nanomatériaux aux fins des politiques horizontales et de la législation, adopté par la Commission ou le législateur de l’Union, soit utilisée, s’agissant des matériaux ou des questions concernant les produits des nanotechnologies :
(a) par la Commission, lors de l’élaboration de la législation, des programmes d’action ou des programmes de recherche et lors de la mise en œuvre de cette législation ou de ces programmes, également avec d’autres institutions et organismes de l’Union;
(b) par les États membres, lors de l’élaboration de la législation, des programmes d’action ou des programmes de recherche et lors de la mise en œuvre de cette législation ou de ces programmes;
(c) par les opérateurs économiques, lors de l’élaboration et de la conduite de leurs propres politiques et de leurs propres travaux de recherche.

4. La présente recommandation met à jour la recommandation 2011/696/UE.


Fait à Bruxelles, le 10 juin 2022.


Par la Commission
Virginijus SINKEVIČIUS
Membre de la Commission


( 1 ) Recommandation 2011/696/UE de la Commission du 18 octobre 2011 relative à la définition des nanomatériaux (JO L 275 du 20.10.2011, p. 38).
( 2 ) Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term “nanomaterial; Part 1: Compilation of information concerning the experience with the definition; EUR 26567 EN; doi:10.2788/36237 (2014).
( 3 ) Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term “nanomaterial; Part 2: Assessment of collected information concerning the experience with the definition; EUR 26744 EN; doi: 10.2787/97286 (2014).
( 4 ) Towards a review of the EC Recommendation for a definition of the term “nanomaterial; Part 3: Scientific-technical evaluation of options to clarify the definition and to facilitate its implementation; EUR 27240 EN; doi:10.2788/678452 (2015)
( 5 ) An overview of concepts and terms used in the European Commission’s definition of nanomaterial; EUR 29647 EN; doi:10.2760/ 459136 (2019)
( 6 ) Identification of nanomaterials through measurements ; EUR 29942 EN; doi:10.2760/053982 (2019)
( 7 ) The NanoDefine Methods Manual ; EUR 29876 EN; doi:10.2760/79490 (2020)
( 8 ) http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/emerging/docs/ scenihr_o_032.pdf
​( 9 ) NanoDefine, Evaluation report on the applicability ranges of the volume specific surface area (VSSA) method and the quantitative relation to particle number-based size distribution for real-world samples, Deliverable number 3.5, 2015 and Reliable nanomaterial classification of powders using the volume-specific surface area method”, J Nanopart Res 19, 61 (2017); DOI: 10.1007/ s11051-017-3741-x