Décret n°2022-1235 du 16 septembre 2022 portant application de l’article 46 de la loi n°2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés et relatif à la mise en œuvre à titre expérimental de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles des gardes champêtres

Date de signature :16/09/2022 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :17/09/2022 Emetteur :Ministère de l'intérieur et des outre-mer
Consolidée le : Source :JO du 17 septembre 2022
Date d'entrée en vigueur :18/09/2022
Décret n°2022-1235 du 16 septembre 2022 portant application de l’article 46 de la loi n°2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés et relatif à la mise en œuvre à titre expérimental de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles des gardes champêtres

NOR : IOMD2129320D

Publics concernés : gardes champêtres, personnes faisant l’objet d’un enregistrement dans le traitement, administrations.

Objet : autorisation et modalités de mise en œuvre de traitements des données à caractère personnel issues des enregistrements audiovisuels provenant des caméras individuelles utilisées par les gardes champêtres lors de leurs interventions.

Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.

Notice : le décret précise, pour l’application de l’article 46 de la loi no 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, les modalités d’autorisation par l’autorité préfectorale de l’emploi des caméras individuelles par les gardes champêtres ainsi que les conditions dans lesquelles les gardes champêtres peuvent procéder à l’enregistrement audiovisuel de leurs interventions. Il autorise, à titre expérimental, la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements audiovisuels et notamment leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d’accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.
Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport qui, notamment, appréciera les conditions de déroulement de l’expérimentation et l’impact de l’emploi des caméras individuelles sur le déroulement des interventions réalisées par les gardes champêtres et précisera le nombre de communes ayant participé à l’expérimentation, le nombre de caméras mises en service, le nombre d’enregistrements réalisés ainsi que le nombre de procédures judiciaires, administratives et disciplinaires pour le besoin desquelles il a été procédé à la consultation et à l’extraction de données provenant des caméras individuelles.

Références : le texte est pris pour l’application de l’article 46 de la loi no 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. Le présent décret peut être consulté sur le site Légifrance (https://www. legifrance.gouv.fr).


La Première ministre,
Sur le rapport du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu,

Décrète :

Art. 1er. – A titre expérimental, dans les conditions prévues par l’article 46 de la loi du 25 mai 2021 susvisée et par le présent décret, les gardes champêtres peuvent être autorisés à procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions.
L’expérimentation prend fin le 24 novembre 2024.

Art. 2. – I. – Le maire, ou l’ensemble des maires des communes lorsque les gardes champêtres susceptibles d’être équipés de caméras individuelles sont employés dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la  sécurité intérieure, présentent au préfet de département une demande d’autorisation, accompagnée des pièces suivantes :
1° Un dossier technique de présentation du traitement envisagé précisant le cas échéant, lorsque la demande est présentée conjointement par l’ensemble des maires des communes où le garde champêtre est affecté, celle des communes dans laquelle est installé le support informatique sécurisé mentionné à l’article 5 ;
2° Le cas échéant, une analyse de l’impact sur la protection des données à caractère personnel des caractéristiques particulières des traitements mis en œuvre qui ne figurent pas dans l’analyse d’impact-cadre transmise par le ministère de l’intérieur à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
3° L’engagement de conformité du traitement aux dispositions du présent décret prévu par le IV de l’article 31 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 susvisée ;
4° Le cas échéant, la convention prévue à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure.
Lorsque, en application de l’article L. 522-2 du CSI, les gardes champêtres sont susceptibles d’être affectés sur le territoire de plusieurs départements, la demande est présentée conjointement aux préfets des départements concernés.

II. – L’arrêté du préfet du département autorisant les gardes champêtres à procéder aux enregistrements prévus par le présent décret précise le nombre de caméras, la ou les communes sur le territoire desquelles elles peuvent être utilisées et, le cas échéant, la commune sur laquelle est installé le support informatique sécurisé mentionné à l’article 5.

III. – Dès notification de l’arrêté, le maire, ou conjointement l’ensemble des maires des communes concernées, adresse à la Commission nationale de l’informatique et des libertés le dossier technique de présentation du traitement envisagé et l’engagement de conformité ainsi que, s’il y a lieu, l’analyse d’impact sur la protection des données à caractère personnel des caractéristiques particulières des traitements mis en œuvre.

Art. 3. – I. – Dans le cadre de l’autorisation prévue à l’article 1er les communes sont autorisées à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel provenant des seules caméras individuelles fournies aux gardes champêtres au titre de l’équipement des personnels. Ces traitements ont pour finalités :
1° La prévention des incidents au cours des interventions des gardes champêtres ;
2° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;
3° La formation et la pédagogie des gardes champêtres.
II. – Chaque commune est responsable du traitement des données à caractère personnel provenant des enregistrements réalisés sur son territoire par les caméras individuelles utilisées par les gardes champêtres.
Toutefois, lorsque les gardes champêtres sont recrutés dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, l’ensemble des communes sur lesquelles ils sont affectés peuvent définir, dans les conditions prévues par l’article 132 du décret du 29 mai 2019 susvisé, les modalités d’une responsabilité conjointe du traitement.

Art. 4. – I. – Sont enregistrées dans les traitements mentionnés à l’article 3, les données à caractère personnel et informations suivantes :
1° Les images et les sons captés par les caméras individuelles utilisées par les gardes champêtres dans les circonstances et pour les finalités prévues au I de l’article 46 de la loi du 25 mai 2021 susvisée ;
2° Le jour et les plages horaires d’enregistrement ;
3° L’identité de l’agent porteur de la caméra lors de l’enregistrement des données ;
4° Le lieu où ont été collectées les données.
Lorsque les caméras individuelles utilisées par les gardes champêtres ne permettent pas d’enregistrer, en même temps que les images et les sons, l’identité de l’agent porteur de la caméra ou le lieu où ont été collectées les données, les personnes mentionnées au I de l’article 6 du présent décret doivent être en mesure de justifier de ces informations.
II. – Les informations enregistrées dans les traitements peuvent faire apparaître, directement ou indirectement, des données mentionnées au I de l’article 6 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dans la stricte mesure où ces données sont nécessaires à la poursuite des finalités définies à l’article 3 du présent décret.
Il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules données.

Art. 5. – Lorsque les gardes champêtres ont procédé à l’enregistrement d’une intervention dans les conditions prévues à l’article 46 de la loi du 25 mai 2021 susvisée, les données enregistrées par les caméras individuelles sont transférées sur un support informatique sécurisé dès leur retour au service.
Les enregistrements ne peuvent être consultés qu’à l’issue de l’intervention et après leur transfert sur le support informatique sécurisé. Aucun système de transmission permettant de visionner les images à distance en temps réel ne peut être mis en œuvre.

Art. 6. – I. – Peuvent avoir accès à tout ou partie des données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître :
1° Le maire de la commune concernée ;
2° Les gardes champêtres individuellement désignés et spécialement habilités par le maire de la commune concernée.
Ces personnes sont seules habilitées à procéder à l’extraction des données et informations mentionnées à l’article 4 pour les besoins exclusifs d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire ou dans le cadre d’une action de formation ou de pédagogie des gardes champêtres.

II. – Peuvent être destinataires, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, ou dans le cadre d’une action de formation et de pédagogie, de tout ou partie des données et informations enregistrées dans les traitements :
1° L’autorité exerçant le pouvoir disciplinaire ainsi que les membres des instances disciplinaires et les agents en charge de l’instruction des dossiers présentés à ces instances ;
2° Les agents chargés de la formation des gardes champêtres.

Art. 7. – Les données mentionnées à l’article 4 sont conservées pendant six mois à compter de leur enregistrement.
Au terme de ce délai, ces données sont effacées automatiquement des traitements.
Les données extraites, dans le délai de six mois, et transmises pour les besoins d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont conservées selon les règles propres à chacune de ces procédures par l’autorité qui en a la charge.
Les données mentionnées au 1o de l’article 4 utilisées à des fins pédagogiques et de formation sont anonymisées.

Art. 8. – Les opérations de collecte, de modification, de consultation, de communication, y compris de transferts et de suppression des données à caractère personnel et informations font l’objet d’un enregistrement. Les opérations de consultation et de communication enregistrées établissent l’identifiant de l’auteur, la date, l’heure, le motif de l’opération et, le cas échéant, les destinataires des données. Ces informations sont conservées pendant un délai de six mois.

Art. 9. – I. – L’information générale du public sur l’emploi des caméras individuelles est délivrée sur le site internet du ministère de l’intérieur ainsi que sur celui de la commune ou des communes concernées ou, à défaut de site internet, par voie d’affichage en mairie.
II. – Le droit d’opposition prévu à l’article 110 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s’applique pas aux traitements autorisés par le présent décret.
III. – Les droits d’accès, de rectification, d’effacement et à la limitation des données prévus par les articles 105 et 106 de la même loi s’exercent directement auprès du maire de la commune qui, dans les conditions prévues par le II de l’article 3 du présent décret, est responsable du traitement des données à caractère personnel.
Afin d’éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires et d’éviter de nuire à la prévention ou la détection d’infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou de protéger la sécurité publique, les droits d’accès, d’effacement et à la limitation peuvent faire l’objet de restrictions en application des 2o et 3o du II et du III de l’article 107 de la même loi.
La personne concernée par ces restrictions exerce ses droits auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans les conditions prévues à l’article 108 de la même loi.

Art. 10. – Dans un délai de six mois avant la fin de l’expérimentation, le maire ou, lorsque l’agent susceptible d’être équipé de caméras individuelles est employé dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, l’ensemble des maires des communes où l’agent est affecté adresse au ministre de l’intérieur un rapport sur l’emploi des caméras individuelles des gardes champêtres. Ce rapport comprend une évaluation de l’impact de l’emploi des caméras individuelles sur le déroulement des interventions et le nombre de procédures judiciaires, administratives et disciplinaires pour le besoin desquelles il a été procédé à la consultation et à l’extraction de données provenant des caméras individuelles.

Art. 11. – Pour l’application du présent décret à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierreet-Miquelon :
1° A Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, la référence au maire et la référence aux communes sont remplacées, respectivement, par la référence au président du conseil territorial et par la référence à la collectivité ;
2° A Mayotte, la référence au préfet de département est remplacée par la référence au représentant de l’Etat dans le Département de Mayotte ;
3° A Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence au préfet de département est remplacée par la référence au représentant de l’Etat dans la collectivité de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Art. 12. – Le ministre de l’intérieur et des outre-mer est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 16 septembre 2022.

Par la Première ministre :
ÉLISABETH BORNE

Le ministre de l’intérieur et des outre-mer,
GÉRALD DARMANIN

Source Légifrance