Instruction n° DGS/EA4/2024/30 du 12 mars 2024 relative à la gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées

Date de signature :12/03/2024 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :29/03/2024 Emetteur :Ministère de la Santé
Consolidée le : Source :BO Santé n°2024/6 du 29 mars 2024
Date d'entrée en vigueur :30/03/2024
Instruction n° DGS/EA4/2024/30 du 12 mars 2024 relative à la gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées

La ministre du travail, de la santé et des solidarités

à

Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS)
 
Copie à :
 
Mesdames et Messieurs les préfets de région
Mesdames et Messieurs les préfets de département
 
Référence NOR : TSSP2405871J (numéro interne : 2024/30)
Date de signature 12/03/2024
Emetteur Ministère du travail, de la santé et des solidarités
Direction générale de la santé (DGS)
 Objet Gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées.
 Actions à réaliser
  • Prise en compte de modalités de gestion proposées ;
  • Retour d’expériences des ARS sur la mise en œuvre des modalités de gestion proposées.
Résultats attendus Nombre de retours d’expérience des ARS sur la mise en œuvre des modalités de gestion proposées.
Echéance Immédiate
 Contacts utiles Sous-direction Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation
Bureau Qualité des eaux (EA4)
Mathilde MERLO / Nathalie FRANQUES
Tél. : 06 68 69 29 71
Mél. : [email protected]
[email protected]
 Nombre de pages et annexes 4 pages + 1 annexe (2 pages)
Annexe - Composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) - État de la situation et recommandations nationales
Résumé La présente instruction vient préciser les modalités de gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Les modalités de gestion décrites sont mises en œuvre par les agences régionales de santé en lien avec les personnes responsables de la production et/ou de la distribution d’eau au titre du Code de la santé publique.
Cette instruction s’applique aux eaux destinées à l’alimentation humaine, distribuées par un réseau public. Les eaux conditionnées n’entrent pas dans le champ d’application de cette instruction.
Mention Outre-mer Ces dispositions s’appliquent aux Outre-mer, à l’exception de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton.
Mots-clés Contrôle sanitaire ; eau destinée à la consommation humaine ; gestion des risques ; qualité de l’eau, composés perfluorés.
Classement thématique Santé environnementale
Textes de référence
  • Directive (UE) 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;
  • Code de la santé publique (CSP), notamment ses articles L. 1321-1-A à L. 1321-10, L. 1322-1 à L. 1322-14, R. 1321-1 à R. 1321-63, R. 1321-69 à R. 1321-97 et R. 1322-1 à R. 1322-44-23.
Circulaire / instruction abrogée Néant
Circulaire / instruction modifiée Néant
Rediffusion locale Néant
Validée par le CNP le 12 mars 2024 - Visa CNP 2024-04
Document opposable Oui
Déposée sur le site Légifrance Non
Publiée au BO Oui
Date d’application Immédiate

La présente instruction relative aux composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) vise à préciser les recommandations de gestion des situations locales de non conformités pour les PFAS dans les EDCH, pour mise en œuvre en lien avec les préfets. Compte tenu des incertitudes scientifiques concernant cette famille de substances, elle vise également à vous informer des expertises sanitaires en cours.

Vous trouverez en annexe une note détaillée sur l’état de la situation et les recommandations nationales.

Dans le cadre de la transposition de la Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des EDCH, la limite de qualité (LQ) de 0,1 µg/L - non sanitaire - pour la somme de 20 PFAS dans les EDCH, a été anticipée par la France et est entrée en application depuis le 1er janvier 2023 dans le cadre de la mise en œuvre de l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du Code de la santé publique.
 
La recherche des PFAS se met en place progressivement et sera rendue obligatoire à partir du 1er janvier 2026 dans le cadre de l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du Code de la santé publique.
 
Afin de gérer les situations de dépassements de la limite de qualité déjà observées dans le cadre de contrôle sanitaire anticipé ou de campagnes exploratoires locales, des expertises sanitaires sont en cours. En effet, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie par ses ministères de tutelle en novembre 2022 pour améliorer les connaissances sur les voies d’exposition et les conséquences sanitaires des PFAS dans l’environnement. Des valeurs guides sanitaires dans les EDCH seront disponibles mi-2025. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a également été saisi par la DGS en janvier 2024 afin d’éclairer les politiques publiques en termes de mesures de gestion adaptées en cas de présence de PFAS dans les EDCH et il devrait rendre ses travaux à l’été 2024. Au niveau européen, au regard des situations signalées par les États membres à la Commission européenne, celle-ci a mandaté en décembre 2023, l’Organisation mondiale de la santé pour définir une méthodologie de priorisation des PFAS à enjeux sanitaires et pour établir des valeurs de gestion dans les EDCH ; le calendrier de rendu de ces travaux n’est pas connu actuellement.
 
Des situations de non-conformité ont d’ores et déjà été observées à l’été 2023 dans le Rhône (200 000 habitants) avec des dépassements de la LQ qui auraient dû entraîner, en application stricte de la réglementation, des mesures de restriction des usages de l’eau.

De manière transitoire, au vu du contexte de grande incertitude scientifique (absence de valeurs sanitaires notamment), un plan d’actions interministériel a été acté à l’automne 2023 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes.

 
Ce plan d’action est en cours de mise en œuvre, en lien avec les acteurs locaux, en particulier l’ARS et les services des ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture. Tout en maintenant la distribution de l’eau pour la consommation alimentaire, ce plan vise à : Ce plan devra être revu à la lumière des premiers résultats des expertises sanitaires nationales (mi 2024, mi 2025).

Depuis, des situations similaires ont été signalées dans plusieurs autres régions (Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie). Aussi, pour toutes les régions qui seraient concernées par des non-conformités en PFAS dans les EDCH, sous réserve des valeurs maximales observées ou de la présence marquée de certains PFAS (PFOS - sulfonate de perfluorooctane et PFOA - acide perfluorooctanoïque - notamment), les préconisations du plan d’actions PFAS appliqué en région Auvergne-Rhône-Alpes sont celles à privilégier, en particulier l’absence de restriction des usages de l’eau dans l’attente des conclusions des expertises Anses et HCSP.
 
En effet, en l’état actuel des connaissances portées par les ARS à la DGS, une position différente pour ces nouvelles situations ne semble pas justifiée. Ces recommandations nationales sont transitoires et seront adaptées le cas échéant à la lumière des travaux de l’Anses et du HCSP.

En fonction de la connaissance du terrain et de l’expertise locale, les préfets, en lien avec les ARS, ont la possibilité d’adopter des mesures plus contraignantes s’ils l’estiment nécessaire.
 
Pour la mise en œuvre de cette instruction, il est attendu que les ARS transmettent à la DGS / Bureau Qualité des eaux ([email protected] et [email protected]) un point d’avancement régulier de la situation locale (par mail, tous les mois). Les modalités pratiques de ce recueil d’information seront précisées aux ARS par ailleurs.

Vous voudrez bien nous faire part, sous le présent timbre, des éventuelles difficultés rencontrées par vos services dans la mise en œuvre de cette instruction.

Vu au titre du CNP par le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales,
Pierre PRIBILE

Pour la ministre et par délégation :
Le directeur général de la santé,
Grégory EMERY

ANNEXE

Composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH)
État de la situation et recommandations nationales


Le cadre réglementaire et sa mise en œuvre

Dans le cadre de la transposition de la nouvelle directive européenne relative à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) (1) datant de 2020, la recherche de 20 composés perfluorés (PFAS) est rendue obligatoire, pour la 1ère fois, à partir de janvier 2026 lors du contrôle sanitaire opéré par les agences régionales de santé (ARS). Ce contrôle concerne l’EDCH (au robinet) et les ressources en eau prélevant dans des nappes d’eau souterraine ou des ressources superficielles (fleuve, rivière, lac, barrage) et qui sont utilisées pour la production d’EDCH. Certaines ARS (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Occitanie, etc.) intègrent d’ores et déjà progressivement ces 20 PFAS dans les paramètres du contrôle sanitaire ou dans des campagnes exploratoires locales, en lien avec la montée en compétences des laboratoires agréés.

Les nouvelles limites de qualité réglementaires européennes ont été anticipées par la France et sont entrées en application depuis janvier 2023. Elles permettent aux autorités locales de gérer les situations de présence des 20 PFAS dans les EDCH dans l’éventualité où elles auraient anticipé le suivi de ces substances dans le contrôle sanitaire des EDCH compte tenu du contexte local (suspicion de contamination par exemple). Ces nouvelles limites de qualité applicables sont de 0,1 µg/L dans l’EDCH (au robinet) et de 2 µg/L sur l’eau brute (à la ressource, avant traitement). Elles s’appliquent pour la somme de 20 PFAS.

La présence de PFAS dans des captages d’eau utilisés pour la production d’EDCH peut résulter de : Cas particulier : l’acide trifluoroacétique (TFA)

Le TFA est classé comme PFAS selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, il n’est pas inclus dans les 20 PFAS de la directive eau potable. La directive européenne a en effet privilégié, dans un 1er temps, la surveillance des PFAS les plus préoccupants pour la santé, en particulier ceux « à chaîne longue ». Or le TFA est un PFAS à « chaîne courte ». Il peut être émis directement dans l’environnement par les sites industriels qui le synthétisent ou l’utilisent pour leur production. Il est également un métabolite de substances chimiques possédant un groupe trifluoro (CF3) et utilisées dans des usages divers (industriels, protection des végétaux, médicaments, etc.).

Une nouvelle campagne exploratoire nationale en cours

La Direction générale de la santé (DGS) mandate régulièrement le laboratoire d’hydrologie de Nancy (LHN) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour mener des campagnes nationales exploratoires sur des paramètres d’intérêt. Après avoir mené une première campagne sur les PFAS en 2010-2011 (2), le LHN de l’Anses vient d’initier une nouvelle campagne sur la période 2023-2026. 34 PFAS seront recherchés sur plusieurs centaines d’échantillons. Pour chaque département, plusieurs points de prélèvements ont été sélectionnés : le captage avec le plus gros débit, un captage choisi aléatoirement, un ou plusieurs captages d’intérêt choisi(s) au regard du contexte industriel à proximité. Parmi les 34 PFAS, sont intégrés les 20 PFAS issus de la directive européenne, le TFA et d’autres PFAS dits « à chaîne courte ». Ces campagnes prospectives sur des paramètres encore peu connus - ce qui est le cas des PFAS « à chaîne courte » - permettent de développer et tester les capacités analytiques puis d’intégrer ces paramètres, si cela est jugé pertinent, en routine au contrôle sanitaire des EDCH et dans les expertises sanitaires menées par l’Anses.

Une connaissance des risques sanitaires encore incertaine

S’agissant de la connaissance des risques sanitaires liés à la présence de PFAS dans les EDCH, elle reste encore parcellaire. La toxicité de ces composés pose question, certains d'entre eux étant classés cancérogènes pour l’Homme ou suspectés d'avoir des effets de perturbateurs endocriniens ou de perturber le système immunitaire (cf. les récents travaux de l’OMS (3)).
Afin d’améliorer la connaissance relative aux conséquences sanitaires des PFAS, différents travaux sont menés pour apporter des éléments de réponse plus concrets. Ainsi, l’Anses a été saisie par ses ministères de tutelle en novembre 2022 pour améliorer les connaissances sur les voies d’exposition et les conséquences sanitaires des PFAS dans l’environnement. Des valeurs guides sanitaires dans les EDCH seront disponibles mi-2025. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a également été saisi par la DGS en janvier 2024 afin d’éclairer les politiques publiques en termes de mesures de gestion adaptées en cas de présence de PFAS dans les EDCH et il devrait rendre ses travaux à l’été 2024. Au niveau européen, au regard des situations signalées par les États membres à la Commission européenne, celle-ci a mandaté en décembre 2023 l’Organisation mondiale de la santé pour définir une méthodologie de priorisation des PFAS à enjeux sanitaires et pour établir des valeurs de gestion dans les EDCH ; le calendrier de rendu de ces travaux n’est pas connu actuellement.

Autres actualités

La problématique des PFAS dans l’environnement fait déjà l’objet d’un Plan d’action ministériel (MTECT) sur les PFAS 2023-2027. À la suite de la dernière RIM du 21 décembre 2023, un nouveau plan interministériel est en cours d’élaboration afin d’aborder la problématique dans toute sa globalité et complexité (eau, air, alimentation, sol, travail). À noter que le député ISAAC-SIBILLE a remis les conclusions de sa mission gouvernementale sur le suivi, les usages et la réglementation des PFAS en janvier 2024. Les recommandations seront intégrées dans ce futur plan interministériel.

Communication

Plusieurs ARS ont produit des éléments de communication sur leurs sites internet, notamment l’ARS ARA (en ligne : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/pfas-surveillance-dans-leau-de-consommation).
                       
(1) Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) (refonte).
(2) https://www.anses.fr/fr/system/files/LABO-Ra-Perfluorates.pdf.
(3) https://www.iarc.who.int/fr/news-events/iarc-monographs-evaluate-the-carcinogenicity-of-perfluorooctanoic-acid-pfoa-and- perfluorooctanesulfonic-acid-pfos/.