Circulaire du 26 juin 2024 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

Date de signature :26/06/2024 Statut du texte :En vigueur
Date de publication :10/07/2024 Emetteur :Ministère de la transformation et de la fonction publiques
Consolidée le : Source :https://www.legifrance.gouv.fr/liste/circ
Date d'entrée en vigueur :11/07/2024
Circulaire du 26 juin 2024 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

NOR : TFPF2415531C
 
(Texte non paru au journal officiel)

Le ministre de la transformation et de la fonction publiques
  
à
 
Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les ministres délégués et Mesdames et Messieurs les secrétaires d’État,
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux et Mesdames et Messieurs les directeurs des ressources humaines
Mesdames et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département Mesdames et Messieurs les représentants de l’Etat dans les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé
 
Référence NOR : TFPF2415531C.
émetteur Ministre de la transformation et de la fonction publiques
Objet Champ d’application et procédure de signalement des alertes dans la fonction publique- garanties et protections accordées aux agents publics
Commande Information sur le cadre juridique applicable aux « lanceurs d’alerte » dans la fonction publique, les modalités de recueil des signalements et leur traitement ainsi que les garanties et protections dont bénéficient les agents, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, et information sur l’articulation entre ce dispositif et l’obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale
Action à réaliser Information des services chargés de mettre en oeuvre la nouvelle procédure de signalement des alertes dans la fonction publique, les modalités de recueil des signalements et leur traitement, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte
Echéance  
Contact utile Direction générale de l’administration et de la fonction publique (département du cadre statutaire et du dialogue social - 1CSDS).
Nombre de pages et annexes 31 pages, 1 annexe
 
Résumé : La présente circulaire précise le cadre juridique applicable aux « lanceurs d’alerte » dans la fonction publique, les modalités de recueil des signalements et leur traitement ainsi que les garanties et protections dont bénéficient les agents, à la suite de l’entrée en vigueur le 1er septembre 2022 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et le 5 octobre 2022 du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
Elle comporte une annexe qui explicite l’articulation entre l’obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, d’une part, et le dispositif d’alerte issu des articles 6 et suivants de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, d’autre part.
 
Catégorie : interprétation à retenir, sous réserve
de l’appréciation souveraine du juge
Domaine : fonction publique
Type : instruction du gouvernement                                                                                                                                          et / ou                                           Instruction aux services déconcentrés
Oui X                   Non                                                                                                                                                                                                                          Oui X                 Non              
Mots clés (liste fermée) : Fonction publique Autres mots clés (libres) : déontologie, lanceur d’alerte, signalement interne, article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale
 
Textes de référence :
  • Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union ;
  • Code de la défense, articles L.4122-4 et L.4122-10 ;
  • Code général de de la fonction publique, articles L. 121-4, L.121-11, L. 124-2, L. 135-1 à L. 135-5, L 452-43-1 ;
  • Code pénal, article 122-9 ;
  • Code de procédure pénale, article 40 alinéa 2 ;
  • Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits modifiée notamment par la loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ;
  • Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, articles 6 à 15 dans leur rédaction issue de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ;
  • Décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique, article 8 ;
  • Décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ;
  • Délibération de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n°2023-064 du 06 juillet 2023 portant abrogation de la délibération n° 2019-139 du 18 juillet 2019 portant adoption d’un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en oeuvre d’un dispositif d’alertes professionnelles et adoption d’un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en oeuvre d’un dispositif d’alertes professionnelles.
 
Circulaire(s) abrogée(s) : Circulaire CPAF1800656C du 19 juillet 2018 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique
Date de mise en application : immédiate
Opposabilité concomitante :                                 Oui           Non      X 
Pièce(s) annexe(s) : 1 annexe
N° d’homologation Cerfa: sans objet
Publication : circulaires.legifrance.gouv.fr                X                        Bulletin Officiel  

SOMMAIRE
 
I. Définition du lanceur d’alerte dans un cadre professionnel
 
1-1 Personnes susceptibles de bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alerte : le lanceur d’alerte et les personnes tierces qui lui sont liées ou l’ont aidé

1.1.1. Qualification de lanceur d’alerte dans un cadre professionnel
1.1.2. Extension de la protection du lanceur d’alerte aux tiers qui lui sont liés ou l’ont aidé
 
1.2. Définition de l’objet du signalement

1.2.1. Les actes et faits susceptibles de faire l’objet du signalement ou de la divulgation
1.2.2. Les faits, informations et documents exclus du régime de l’alerte
1.2.3. L’exclusion du régime général des lanceurs d’alerte de la loi du 9 décembre 2016 lorsqu’il existe un dispositif spécifique de signalement
 
II. Les procédures à suivre : signalement interne, signalement externe et divulgation publique

2.1. La procédure interne de signalement doit être privilégiée dans le cadre professionnel

2.2. En cas de signalement interne

2.3. En cas de signalement externe

2.4. Les conditions requises pour effectuer une divulgation publique

III. Présentation de la procédure de signalement interne
 
3.1. Les entités devant mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des alertes

3.1.1. L’obligation d’établir cette procédure s’impose aux entités suivantes
3.1.2. S’agissant des petites entités qui ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place une procédure interne d’alerte
 
3.2. Les personnes physiques ayant accès à la procédure interne de signalement des alertes
 
3.3. Les modalités de mise en place et d’organisation de la procédure interne de signalement

3.3.1. Les modalités de mise en place de la procédure
3.3.2. Les modalités d’organisation de la procédure
 
3.4. Le déroulement de la procédure de signalement interne

3.4.1. Modalités de transmission et contenu du signalement
3.4.2. Réception du signalement et garanties de confidentialité
3.4.3. L’examen de la recevabilité du signalement au regard des conditions fixées par la loi
3.4.4. Le traitement interne du signalement
3.4.5. Les suites possibles après un signalement interne
 
IV. Mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement
 
4-1. Garanties, protections et limites pour l’agent ayant effectué un signalement ou une divulgation publique

4.1.1. Les garanties
4.1.2. Les protections
4.1.3. Limite aux garanties et protections
 
4-2. Garanties pour l’agent mis en cause par le signalement

Annexe : articulation entre l’obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, d’une part, et le dispositif d’alerte issu des articles 6 et suivants de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, d’autre part.

Introduction générale
 
L’adoption de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a donné un cadre transversal aux alertes, remplaçant une partie des dispositifs spécifiques ou sectoriels qui avaient été auparavant instaurés notamment dans le secteur public (1).
 
Le législateur a souhaité reconnaître l’intérêt des signalements pour dissuader et prévenir des actes répréhensibles, qu’ils soient ou non constitutifs d’une infraction pénale, et éviter le maintien de situations préjudiciables à l’intérêt général. Les dispositions de la loi s’appliquent tant au secteur public qu’au secteur privé. Le législateur n’a toutefois pas créé d’obligation de signalement pour les situations mentionnées à l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 mais une simple faculté.
 
Cette législation française a inspiré l’Union européenne qui a adopté, le 23 octobre 2019, la directive (UE) 2019-1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. Au sein d’un champ restreint aux signalements de violations du droit de l’Union et dans un cadre professionnel, la directive établit des normes minimales communes assurant un niveau de protection renforcé des personnes qualifiées de lanceur d’alerte. L’adoption de cette directive a nécessité de modifier le cadre législatif posé par la loi du 9 décembre 2016 précitée. Tel a été l’objet de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, dont le champ ne se limite pas aux signalements de violations du droit de l’Union et dépasse les seuls signalements réalisés dans un cadre professionnel.
 
Le chapitre II de la loi du 9 décembre 2016 précitée, dans sa rédaction issue de la loi du 21 mars 2022, définit ce qu’est un « lanceur d’alerte » et précise le périmètre des informations susceptibles d’être signalées au titre de cette procédure (article 6). Cette définition couvre tant les alertes effectuées dans la sphère professionnelle que celles effectuées hors de ce cadre par toute personne physique. Le même chapitre II prévoit désormais d’étendre les protections accordées au lanceur d’alerte à certains tiers qui lui sont liés ou qui l’ont aidé (article 6-1). Il donne des garanties (par exemple, confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte prévue au I de l’article 9 de la loi) et fixe le cadre général, d’une part, des procédures permettant le recueil et le traitement des signalements et, d’autre part, de la divulgation publique (articles 7-1 et 8).
 
Dans sa nouvelle rédaction, la loi du 9 décembre 2016 prévoit deux voies de signalement : soit interne, soit externe, le signalement externe pouvant être réalisé directement ou bien parallèlement ou encore après un signalement interne. La divulgation publique d’informations ne peut, sauf cas particuliers, intervenir qu’après avoir fait un signalement externe.
 
Elle détaille également les mesures de protection et de soutien dont peut bénéficier le lanceur d’alerte, notamment (2) : La présente circulaire identifie les agents publics susceptibles de lancer une alerte dans la fonction publique ainsi que les destinataires de celle-ci. Elle précise également les faits et actes susceptibles d’être signalés. Elle présente la procédure interne de recueil et de traitement des signalements, le recours à ce canal de signalement devant être encouragé lorsque les informations ont été recueillies dans un cadre professionnel, et dès lors que l’auteur du signalement estime qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’il ne s’expose pas à un risque de représailles. La circulaire explicite également l’articulation entre le dispositif d’alerte mis en place par la loi du 9 décembre 2016 et les régimes spécifiques auxquels les agents publics doivent recourir lorsque les conditions de leur utilisation sont remplies.
 
Le B du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 impose d’établir une telle procédure interne de signalement notamment dans les administrations de l’Etat, les autres personnes morales de droit public employant au moins 50 agents (4) et les personnes morales de droit privé employant au moins 50 salariés.
 
Les modalités selon lesquelles la procédure interne de recueil et de traitement des signalements est établie sont précisées dans le chapitre Ier du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (5).
 
Selon l’article 8 du décret, les entités chargées d’établir une procédure interne sont tenues d’en assurer une publicité suffisante par tout moyen, de manière à la rendre accessible de manière permanente aux agents publics et autres personnes pouvant l’utiliser.
 
La présente circulaire expose également les protections dont bénéficient les agents publics effectuant un signalement ainsi qu’éventuellement, les agents mis en cause par le signalement. Des dispositions spécifiques relatives à la protection des lanceurs d’alerte ayant la qualité d’agent public civil régis par le code général de la fonction publique sont inscrites à l’article L. 135-4 de ce code. Ces dispositions s’appliquent aux personnels relevant des trois versants de la fonction publique (de l’État, territoriale, hospitalière).
 
Le III de l’article L. 4122-4 du code de la défense comporte des dispositions spécifiques relatives à la protection des militaires, très proches de celles de l’article L. 135-4 du code général de la fonction publique mais tenant compte des particularités du statut des militaires.
 
L’article L. 135-4 du code général de la fonction publique et le III de l’article L. 4122-4 du code de la défense protègent respectivement l’agent public civil et le militaire qui décident de procéder à un signalement ou à une divulgation publique, en énumérant les mesures défavorables qui ne peuvent être prises à leur encontre de ce fait. Il appartient en effet aux administrations et aux personnes morales qui les emploient de se conformer aux interdictions posées par ces textes, tout en veillant à mettre en œuvre les procédures disciplinaires adaptées en cas de dénonciation calomnieuse ou de signalement abusif.

Ces articles offrent des protections communes aux agents qui effectuent un signalement ou une divulgation publique dans le cadre du régime général de l’alerte institué par les articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016 précitée, ou qui signalent ou témoignent de faits dans le cadre d’un régime spécifique tel que : le signalement d’un crime ou d’un délit en application du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale auquel renvoient les articles L. 121-11 et L. 135-1 du code général de la fonction publique et le I de l’article L. 4122-4 du code de la défense pour les militaires, ou le signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes en application de l’article L. 135-6 du code général de la fonction publique.

I.Définition du lanceur d’alerte dans un cadre professionnel
 
1-1 Personnes susceptibles de bénéficier du régime de protection des lanceurs d’alerte : le lanceur d’alerte et les personnes tierces qui lui sont liées ou l’ont aidé

1.1.1 Qualification de lanceur d’alerte dans un cadre professionnel

 
Le I de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précitée définit le lanceur d’alerte comme « une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».
 
Il ressort de ces dispositions que pour pouvoir être qualifié de lanceur d’alerte et bénéficier des mesures de protection afférentes à ce statut, il faut être une personne physique, ne pas agir dans l’intention d’obtenir une contrepartie financière directe et être de bonne foi.
 
Sera considérée comme étant de bonne foi la personne qui a des motifs raisonnables de croire, au vu des informations dont elle dispose, que les faits signalés sont véridiques et qu’ils peuvent faire l’objet d’une alerte. Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation a considéré que la mauvaise foi ne pouvait résulter « que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».
 
Par ailleurs, lorsque le signalement est effectué dans un cadre professionnel, il n’est pas exigé du lanceur d’alerte qu’il ait une connaissance personnelle des faits. L’intéressé peut donc signaler des faits rapportés par un tiers, y compris en dehors du cadre professionnel, qui paraissent véridiques.

1.1.2 Extension de la protection du lanceur d’alerte aux tiers qui lui sont liés ou l’ont aidé
 
L’article 6-1 de la loi du 9 décembre 2016 prévoit de rendre applicables les principales protections qu’elle a instituées à trois catégories de personnes qui sont en lien avec le lanceur d’alerte. Il s’agit : 1.2. Définition de l’objet du signalement

1.2.1. Les actes et faits susceptibles de faire l’objet du signalement ou de la divulgation :
 
Selon la définition rappelée au point 1.1, sont susceptibles d’être signalées les informations portant sur des faits et actes relevant de l’une des qualifications suivantes :

a) Informations portant sur un crime ou un délit :
 
Ces informations doivent porter sur des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale de crime ou de délit, c’est-à-dire de constituer une infraction délictuelle ou criminelle au regard des dispositions législatives de nature pénale.
 
Il est rappelé qu’il existe un autre régime qui s’impose aux agents publics pour le signalement de faits constitutifs de crimes et délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions : il s’agit de celui prévu par l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale auquel renvoient les articles L. 121-11 et L. 135-1 du code général de la fonction publique et le I de l’article L. 4122-4 du code de la défense. Cet article fait obligation à tout agent public civil ou militaire qui acquiert, dans l’exercice de ses fonctions, la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. En application de l’article L. 135-1 du code général de la fonction publique et du I de l’article L. 4122-4 du code de la défense, l’intéressé peut aussi signaler les mêmes faits aux autorités administratives. Les auteurs d’un signalement effectué en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale bénéficient des mesures de protection accordées par la loi du 9 décembre 2016 aux agents publics et aux militaires reconnus comme lanceurs d’alerte (cf. article L. 135-4 du code général de la fonction publique et III de l’article L. 4122-4 du code de la défense).
 
Toutefois, le régime général d’alerte de la loi du 9 décembre 2016 demeure seul applicable lorsque les conditions posées par l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale auquel renvoient l’article L 135- 1 du code général de la fonction publique et le III de l’article L. 4122-4 du code de la défense), ne sont pas réunies, c’est-à-dire :
Le régime prévu par les articles L. 121-11 et L 135-1 du code général de la fonction publique et le I de l’article L. 4122-4 du code de la défense, qui renvoient à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, ainsi que l’articulation entre ce régime et le régime général du lanceur d’alerte relevant de la loi du 9 décembre 2016 sont présentés dans l’annexe de la présente circulaire, à laquelle il convient de se reporter.
 
b) Informations portant sur une menace ou un préjudice pour l’intérêt général :
 
La menace et le préjudice pour l’intérêt général prennent en compte les situations particulières dans lesquelles un signalement permettrait de prévenir ou de corriger les effets néfastes résultant soit de dysfonctionnements dans un organisme au sein de tout secteur d’intérêt général (par exemple, la santé publique, l’environnement, la sécurité des biens, la sécurité des personnes telle que la protection de l’enfance, etc.), soit d’agissements ou au contraire de l’absence d’agissements individuels d’une ou de plusieurs personnes, sans qu’aucun dysfonctionnement de l’organisme dans lequel celles-ci travaillent soit en cause . Le signalement peut concerner aussi bien l’origine ou la cause d’un fait qui n’a pas encore engendré de conséquences (menace) que son résultat ou ses effets (préjudice déjà constitué).

c) Informations portant sur une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation : Dans ces deux dernières situations, le signalement pourra donc porter non pas uniquement sur une violation des différents textes et engagements mentionnés ci-dessus mais également sur les tentatives de dissimulation de violations de ces derniers.
 
En outre, et selon la directive européenne du 23 octobre 2019, la notion « d’informations sur des violations » a pour objet d’étendre le régime de protection des lanceurs d’alerte aux auteurs de signalement ayant des soupçons raisonnables de violations ou des informations sur des violations tant effectives que potentielles ou sur des tentatives de dissimulation de telles violations. Sera en particulier recevable dans ce cadre, comme indiqué au a) ci-dessus, le signalement d’un agent public civil ou militaire ayant des « soupçons raisonnables » de l’existence d’un crime ou d’un délit dans la mesure où celui-ci constitue une violation de la loi pénale.
 
Seules les informations portant sur des situations illicites ou d’atteintes à l’intérêt général peuvent faire l’objet d’un signalement ou d’une divulgation. Des dysfonctionnements mineurs au sein d’un service, n’entraînant pas de menace pour l’intérêt général et ne violant aucun texte, ne peuvent donc pas donner lieu à une alerte permettant de bénéficier du régime de protection prévu par la loi du 9 décembre 2016.

1.2.2. Les faits, informations et documents exclus du régime de l’alerte :

Sont exclus du dispositif de signalement, en vertu du II de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précitée, les faits, informations et documents, quels que soient leur forme ou leur support, qui sont couverts par le secret de la défense nationale (9), le secret médical (10), le secret des délibérations judiciaires, le secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires (11) et le secret professionnel de l’avocat (12).

Il convient de noter que l’exclusion porte uniquement sur les faits, informations et documents soumis au secret et non pas sur les organismes concernés ou les agents en relevant. Ainsi la violation d’une loi ou d’un règlement par une personne soumise au secret de la défense nationale, au secret médical ou au secret de l’enquête pourrait faire l’objet d’un signalement tant que celui-ci ne nécessite pas de dévoiler des éléments couverts par ces secrets.

1.2.3. L’exclusion du régime général des lanceurs d’alerte de la loi du 9 décembre 2016 lorsqu’il existe un dispositif spécifique de signalement :

L’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 dispose, en son III, que :

« III. Lorsque sont réunies les conditions d’application d’un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l’Union européenne mentionné dans la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, le présent chapitre ne s’applique pas.

Sous réserve de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 10-1,12 et 12-1 de la présente loi sont plus favorables à l’auteur du signalement que celles prévues par un dispositif spécifique mentionné au premier alinéa du présent III, ces mesures s’appliquent. Sous la même réserve, à défaut de mesure équivalente prévue par un tel dispositif spécifique, les articles 13 et 13-1 sont applicables. »

a) Il ressort de ces dispositions que le régime général d’alerte institué par la loi du 9 décembre 2016 n’est pas applicable lorsqu’il existe un dispositif spécifique de signalement de violations.

Dans la fonction publique, les dispositifs spécifiques suivants ont été recensés, excluant le recours au dispositif de signalement de la loi du 9 décembre 2016 :

1. Signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes en application de l’article L. 135-6 du code général de la fonction publique

Le signalement de ces actes fait l’objet d’une procédure spécifique assortie de garanties et d’une protection entièrement alignées sur celles offertes aux lanceurs d’alerte du régime général de l’alerte (13).

2. Signalement de mauvais traitements et privations dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux dans lequel l’agent public travaille, en application de l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles

3. Alerte dans le domaine financier - banque, finances, assurances en application du III de l’article  L. 511-41 du code monétaire et financier ou des articles L. 634-1 à 4 du même code

4. Signalement de violations dans le domaine de la sécurité aérienne en application du règlement européen n° 376/2014 du 3 avril 2014 concernant les comptes rendus, l’analyse et le suivi d’événements dans l’aviation civile. Il convient cependant de préciser que les signalements relatifs à la sécurité aérienne qui n’entrent pas dans le champ du règlement européen n°376/2014 peuvent être effectués sous l’empire de la directive n°2019/1937 du 23 octobre 2019 (cf. c) du point 1.2.1 ci-dessus). 

En outre, le signalement d’une situation de conflits d’intérêts est prévu par l’article L. 135-3 du code général de la fonction publique et le II de l’article L. 4122-4 du code de la défense.

Le conflit d’intérêts est défini par l’article L. 121-5 du code général de la fonction publique comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions de l’agent public ». Une définition similaire figure à l’article L. 4122-3 du code de la défense pour les militaires.

L’article L. 135-3 et le II de l’article L. 4122-4 des deux codes précités permettent respectivement aux agents publics civils et militaires de signaler, de bonne foi, de tels faits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions, directement à l’une des autorités hiérarchiques dont ils relèvent ou au référent déontologue. L’auteur de ce signalement bénéficie alors des protections accordées par la loi du 9 décembre 2016 aux agents publics civils et militaires reconnus lanceurs d’alerte (cf. 2° de l’article L. 135-4 du code général de la fonction publique et III de l’article L. 4122-4 du code de la défense).

Dans les cinq cas précités de signalement, c’est tout le dispositif général d’alerte mis en place par la loi du 9 décembre 2016 qui se trouve exclu, aussi bien le recours au signalement interne qu’externe que la possibilité d’une divulgation publique. Le référent alerte doit alors informer l’auteur de l’irrecevabilité de son signalement au titre de la loi de la loi du 9 décembre 2016 et lui indiquer la procédure spécifique à suivre pour effectuer son alerte (cf. a) du point 3.4.3.).

L’attention est appelée par ailleurs sur le fait que le conflit d’intérêts, lorsqu’il constitue également un délit pénal notamment de prise illégale d’intérêts, devra aussi faire l’objet d’un signalement sans délai aux autorités judiciaires en application des articles L. 121-11 et L 135-1 du code général de la fonction publique et du I de l’article L. 4122-4 du code de la défense, qui renvoient à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

Il est en effet rappelé que dans l’hypothèse où l’agent public acquiert la connaissance de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit pénal dans l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, il est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République (cf. supra a) du point 1.2.1).

b) Toutefois, selon le III de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016, lorsque le dispositif spécifique de signalement ne comporte pas un niveau de protection aussi développé que celui résultant de la loi du 9 décembre 2016, les mesures de protection figurant dans cette dernière loi doivent être appliquées aux signalements effectués en application du dispositif spécifique de signalement. 

Le règlement européen n° 376/2014 du 3 avril 2014 n’ayant pas institué un même niveau de protection, les mesures de protection prévues par la loi du 9 décembre 2016 relatives à la protection des lanceurs d’alerte (art. 10-1, 12, 12-1, 13 et 13-1) sont ainsi applicables en cas de signalement d’une violation dans le domaine de la sécurité aérienne effectué en application du règlement européen précité. Ainsi, en pareille hypothèse, serait applicable la procédure prévue par le règlement européen n° 376/2014 du 3 avril 2014 assortie des mesures de protection édictées par la loi du 9 décembre 2016.

Pour les quatre autres cas de signalement spécifique mentionnés au a) ci-dessus, les mesures de protection de la loi du 9 décembre 2016 ont été rendues applicables par les textes qui régissent ces dispositifs.

c) Les deux exceptions aux règles exposées aux a) et b) ci-dessus concernent :

Il est ainsi possible à un agent public, s’il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement où il travaille font peser un risque grave pour la santé publique ou l’environnement, de suivre à la fois la procédure spécifique d’alerte prévue par l’article L. 4133-1 du code du travail et, s’il en remplit les conditions, la procédure générale de la loi du 9 décembre 2016.
 
L’appréciation de l’ensemble de ces conditions sera effectuée à l’occasion de l’examen de la recevabilité du signalement.

II. Les procédures à suivre : signalement interne, signalement externe et divulgation publique
 
L’article 7-1 de la loi du 9 décembre 2016 prévoit que, pour bénéficier des mesures de protection attachées à la qualité de lanceur d’alerte, une personne doit non seulement répondre à la définition qu’en donne cette même loi et qui est rappelée au I. ci-dessus mais aussi respecter la procédure prévue à son article 8 pour lancer une alerte.
 
Cette loi prévoit trois manières de lancer une alerte :

2.1. La procédure interne de signalement doit être privilégiée dans le cadre professionnel :

Selon les termes tant de la directive que de la loi du 9 décembre 2016, lorsque les informations faisant l’objet du signalement ont été recueillies dans un cadre professionnel, le recours à la procédure du signalement interne doit être encouragé, dès lors que l’auteur du signalement estime qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’il ne s’expose pas à un risque de représailles.
 
A cette fin, plusieurs mesures visant à promouvoir la procédure interne d’alerte sont prévues : Il est de l’intérêt des employeurs publics de mettre en place et de faire fonctionner de façon efficace la procédure d’alerte interne qu’il leur incombe d’installer. Ne pas le faire les met en risque de voir se multiplier les alertes externes qui emportent un réel risque réputationnel.

2.2. En cas de signalement interne :
 
L’auteur doit suivre la procédure interne de recueil et de traitement des signalements qui a été mise en place dans la structure concernée par l’alerte (cf. présentation de cette procédure au point III ci-après). Dans les petites structures où cette procédure n’existe pas, le signalement doit être adressé au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

2.3. En cas de signalement externe :
 
Si le lanceur d’alerte choisit d’effectuer un signalement externe : il peut, selon son choix, saisir l’une des autorités externes suivantes : La procédure de signalement externe doit permettre à l’auteur d’une alerte de préciser s’il a concomitamment effectué un signalement par la voie interne.
 
Si l’autorité externe estime que le signalement dont elle est saisie ne relève pas de sa compétence ou relève également de la compétence d’autres autorités, elle le transmet sans délai à l’autorité externe compétente ou au Défenseur des droits. L’auteur du signalement doit être informé de cette transmission.
 
Pour de plus amples précisions sur la procédure externe, il est recommandé de consulter le site internet du Défenseur des droits (15) ainsi que celui des autres autorités externes mentionnées par le décret n° 2022- 1284 du 3 octobre 2022 qui doivent comporter des informations sur l’ensemble du dispositif de signalement externe. Le guide sur les lanceurs d’alerte publié par le Défenseur des droits en mars 2023 peut également être utilement consulté.

2.4. Les conditions requises pour effectuer une divulgation publique :
 
La divulgation publique consiste à porter l’alerte à la connaissance du public, principalement par le biais des médias ou des réseaux sociaux. Elle ne peut intervenir qu’en dernier ressort, après avoir effectué un signalement externe et en l’absence de réponse appropriée (16) de l’autorité externe dans les délais requis. Ce délai est de trois mois - pouvant être porté à six mois si les circonstances de l’affaire le justifient - pour les autorités externes mentionnées par le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022. Il est de six mois en cas de saisine du Défenseur des droits pour être réorienté, de l’autorité judiciaire ou d’une institution de l’Union européenne. Il ne peut donc pas y avoir de divulgation publique valable si l’agent a procédé uniquement à un signalement interne.
 
La procédure décrite ci-dessus ne s’applique cependant pas dans les deux hypothèses suivantes : Dans ces deux hypothèses, le signalement peut être porté par le lanceur d’alerte à la connaissance des autorités externes compétentes et peut être, concomitamment, rendu public ou directement rendu public.
 
Une dernière exception doit être signalée : la divulgation publique portant sur des intérêts de la défense et de la sécurité nationales n’est autorisée qu’après un signalement à l’autorité externe, et en l’absence de réponse appropriée de sa part dans les délais requis.

III. Présentation de la procédure de signalement interne

3.1. Les entités devant mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement
 
3.1.1. L’obligation d’établir cette procédure s’impose aux entités suivantes :

De façon générale, toute personne morale de droit public ou de droit privé employant au moins cinquante agents ou salariés (18), sous réserve des précisions qui suivent : Sont également concernées les entités, quelle que soit leur taille, relevant du champ d’application des actes de l’Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l’annexe de la directive précitée 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union : il s’agit notamment des services financiers et de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

3.1.2. S’agissant des entités qui ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place une procédure interne d’alerte :
 
Sont concernés notamment les communes de moins de 10 000 habitants et établissements publics de moins de cinquante agents. Sont également concernés les établissements publics de coopération intercommunale ne comprenant pas de communes atteignant le seuil de 10 000 habitants. Les signalements internes doivent dans ce cas être adressés au supérieur hiérarchique direct ou indirect de l’agent, à l’autorité territoriale, ou au référent désigné par l’employeur, c’est-à-dire dans les exemples précités, désigné par l’autorité territoriale ou le chef de l’établissement public. Il n’est pas prévu d’autres règles de procédure particulières à suivre pour l’auteur du signalement. Ces règles s’appliquent aussi, par défaut, dans les structures qui doivent mettre en place une procédure interne mais ne l’ont pas fait.
 
Si l’auteur du signalement choisit de saisir son supérieur hiérarchique direct ou indirect, celui-ci doit, si un référent alerte a été désigné, lui transférer le signalement, sous réserve de l’accord de l’auteur et dans des conditions en garantissant la confidentialité ; Ceci afin d’assurer au mieux le suivi et le traitement du signalement. Dans ce cas, le référent alerte devient le seul interlocuteur de l’auteur du signalement.

3.2. Les personnes physiques ayant accès à la procédure interne de signalement
 
Les deux conditions requises pour y avoir accès sont les suivantes :

► La procédure est ouverte aux personnes qui sont ou ont été en rapport professionnel avec l’entité concernée et relèvent de l’une des catégories de personnes énumérées aux 1° à 5° du A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016.

Ainsi, dans la fonction publique, la procédure de signalement interne est ouverte : Les usagers et les tiers qui ne relèvent pas de l’une des catégories mentionnées ci-dessus, n’ont donc pas accès à la procédure interne de signalement. Ces personnes peuvent toutefois effectuer un signalement externe si elles répondent à la définition du lanceur d’alerte rappelée au point I ci-dessus et notamment si elles ont eu personnellement connaissance des informations qu’elles souhaitent signaler.

► Le signalement interne ne peut porter que sur des informations obtenues par l’intéressé dans le cadre de ses activités professionnelles et ne peut concerner que des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité considérée.
 
L’alerte ne se limite pas cependant au périmètre du service avec lequel la personne est ou a été en relation de travail mais peut s’étendre à l’ensemble des services relevant du périmètre de la procédure de signalement actionnée (si la procédure d’alerte est ministérielle, alors l’alerte peut concerner n’importe quel service relevant de ce ministère).

3.3 Les modalités de mise en place et d’organisation de la procédure interne de signalement

3.3.1 Les modalités de mise en place de la procédure
 
Les entités publiques, tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, doivent le faire selon les modalités définies par l’article 3 du décret du 3 octobre 2022 précité.
 
Dans les administrations de l’Etat – administrations centrales, services déconcentrés, services à compétence nationale – cette procédure est instaurée par un arrêté du ou des ministres compétents.
 
Cet arrêté doit être pris après avis du comité social d’administration concerné. La consultation de cette instance doit s’effectuer dans les mêmes conditions que celles prévues au 1° de l’article 48 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 pour l’examen de projets de texte réglementaire relatifs au fonctionnement et à l’organisation des services.
 
Pour les autres personnes morales de droit public – collectivités territoriales, établissements publics – et les autorités publiques - autorités publiques indépendantes, autorités administratives indépendantes - le décret du 3 octobre 2022 indique que la procédure est établie conformément aux règles qui régissent l’instrument juridique qu’elles adoptent. Ces personnes et autorités disposent donc d’une plus grande souplesse quant aux modalités les mieux adaptées pour répondre à leurs obligations. Il peut s’agir, notamment, d’un code de bonne conduite, d’une charte de déontologie, d’une note de service ou d’une délibération pour les collectivités territoriales. Cet instrument juridique est adopté conformément aux dispositions législatives ou réglementaires qui le régissent, et après consultation des instances de dialogue social.
 
L’instance de dialogue social à consulter est :

3.3.2 Les modalités d’organisation de la procédure

Ces modalités d’organisation sont encadrées par la loi du 9 décembre 2016 et le décret du 3 octobre 2022.

Selon le I de l’article 5 du décret, la procédure interne doit indiquer la ou les personnes ou le ou les services désignés par l’entité pour recueillir et traiter les signalements, sachant que le canal de réception des signalements et le traitement de ceux-ci peuvent être gérés par des personnes ou services différents.

Il convient de préciser que la phase de traitement du signalement débute par l’examen de la recevabilité du signalement au regard des conditions posées par les articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016. En cas de désignation de personnes ou services différents pour le recueil et le traitement, c’est donc la personne ou le service chargé du traitement de l’alerte, et non pas celle chargée du recueil, qui devra examiner la recevabilité au regard de la loi.
 
Pour les entités relevant des trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale, hospitalière), le II de l’article 5 du décret prévoit que le référent déontologue peut être chargé du recueil et, le cas échéant, du traitement des signalements. Le référent déontologue prévu au premier alinéa de l’article L. 4122-10 du code de la défense peut également être désigné pour exercer ces missions.

Il est recommandé que le référent déontologue soit désigné à la fois pour le recueil et pour le traitement des signalements, afin qu’il puisse non seulement recueillir les signalements mais aussi examiner leur recevabilité au regard des conditions posées par la loi et pour qu’il devienne le seul interlocuteur de l’auteur du signalement durant toute la procédure (20).

Le choix, fréquemment opéré par les administrations sous l’empire de la réglementation antérieure à la loi du 21 mars 2022, d’ajouter aux compétences de référent déontologue celles de référent alerte peut donc être confirmé.

Cette concentration des compétences offre l’avantage pour les administrations de l’Etat de pouvoir, si elles en font le choix, organiser la procédure de recueil et de traitement des signalements internes et la désignation du référent alerte, selon l’organisation existante pour le référent déontologue sans qu’il soit nécessaire de créer un réseau spécifique. De même, le choix peut être fait de mettre en place une organisation collégiale mieux à même de répondre aux besoins de l’administration concernée.
 
S’agissant des autres entités, il paraît possible qu’elles désignent, dans le cadre de l’instrument juridique qu’elles auront adopté, et donc par une décision autonome, un référent déontologue ou un collège de référents déontologues, également désignés pour le recueil et le traitement des signalements internes d’autres entités. Ainsi, un établissement public pourrait désigner comme référent alerte le référent déontologue de son administration de tutelle. La procédure de recueil et de traitement des signalements pourra alors être décalquée de celle de l’administration de tutelle.
 
Enfin, deux précisions doivent être apportées pour le cas où il ne serait pas fait appel au référent déontologue pour le recueil et le traitement des signalements internes (indépendamment de la situation particulière du recours à un centre de gestion par les communes et leurs établissements publics) : En tout état de cause, l’organisation choisie ne peut avoir pour effet de limiter le droit de l’agent de procéder à un signalement interne, ni la protection dont il doit bénéficier dès lors qu’il respecte la procédure mise en place.

3.4. Le déroulement de la procédure de signalement interne
 
Les procédures de signalement, établies par arrêté ministériel ou par l’instrument juridique approprié, peuvent différer selon les entités ; elles doivent cependant respecter les règles communes fixées par les articles 4 et 6 du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 et qui sont rappelées ci-après.

3.4.1. Modalités de transmission et contenu du signalement Il importe donc que ce canal de signalement soit connu en interne et aisément accessible aux personnels concernés (21).

La procédure doit toutefois prévoir la réorientation sans délai aux personnes ou services désignés pour les recueillir – c’est à dire normalement le référent alerte ou le collège exerçant ce rôle - des signalements qui ont été reçus par d’autres personnes ou services au sein de l’entité. Le supérieur hiérarchique destinataire d’une alerte doit opérer cette transmission sans délai.
 
Le canal de réception doit permettre à l’auteur de l’alerte de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée. La procédure d’alerte interne doit préciser les suites qui seront données aux signalements anonymes, c’est-à-dire indiquer si l’entité accepte de les traiter et, dans l’affirmative, selon quelles conditions. En outre, les dispositions ci-après imposant d’effectuer un retour d’informations à l’auteur d’un signalement interne ne sont pas applicables en cas de signalement anonyme. 3.4.2. Réception du signalement et garanties de confidentialité 1° il peut être recueilli, avec le consentement de son auteur, sur une ligne téléphonique enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale enregistré, soit en enregistrant la conversation sur un support durable et récupérable, soit en la transcrivant de manière intégrale ;

2° il peut être recueilli sur une ligne téléphonique non enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale non enregistré, en établissant un procès-verbal précis de la conversation ;
 
3° il peut être recueilli dans le cadre d’une visioconférence ou d’une rencontre physique, en établissant, avec le consentement de son auteur, soit un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable, soit un procès-verbal précis.

L’auteur du signalement a la possibilité de vérifier, de rectifier et d’approuver la transcription de la conversation ou le procès-verbal par l’apposition de sa signature.

Les enregistrements, transcriptions et procès-verbaux ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement effectué oralement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent. Les informations recueillies ne peuvent être communiquées à des tiers (22) que si cette communication est strictement nécessaire pour traiter le signalement et avec le consentement de la personne, sauf s’il s’agit d’une obligation de communication aux autorités judiciaires (cf. IV ci-après).

3.4.3. L’examen de la recevabilité du signalement au regard des conditions fixées par la loi
 
Lorsqu’un signalement s’effectue par le canal interne, le référent alerte doit vérifier, sauf si le signalement est anonyme, que les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 susvisée sont respectées. Il peut, à cette fin, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.

a) Le contrôle de la nature des informations signalées :
 
Le référent alerte vérifie la nature des informations portées à sa connaissance. Pour mémoire (cf. a) du point 1.2.1) : en cas de crime ou de délit, et si les conditions posées par l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale sont remplies – c’est-à-dire si l’auteur du signalement dispose d’éléments suffisants lui permettant d’acquérir la connaissance d’un crime ou d’un délit justifiant d’en donner avis sans délai au procureur de la République – le référent alerte informe l’auteur qu’il a l’obligation d’adresser son signalement au procureur de la République et de transmettre sans délai à celui-ci tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’objet de son signalement. 1. Signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes, en application de l’article L. 135-6 du code général de la fonction publique : le référent alerte invite l’agent à suivre la procédure spécifique de signalement de ces actes mise en place au sein de l’administration dont il relève ;
 
2. Signalement de mauvais traitements et privations dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux dans lequel l’agent public travaille, en application de l’article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles : ce signalement peut être adressé, par exemple au supérieur hiérarchique de l’agent, à une autorité administrative ou une autorité judiciaire, mais aussi au référent déontologue. Le référent alerte peut prendre directement en charge ce signalement ;
 
3. Alerte dans le domaine financier, en application du III de l’article L. 511-41 ou des articles L. 634-1 et suivants du code monétaire et financier : l’auteur du signalement doit être dirigé vers l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) ou, le cas échéant, dans les conditions prévues par les articles L. 634-1 et suivants du code monétaire et financier, vers l’autorité des marchés financiers (AMF) ;

4. Signalement de violations dans le domaine de la sécurité aérienne en application du règlement européen n° 376/2014 du 3 avril 2014. Il convient cependant de préciser que les signalements relatifs à la sécurité aérienne qui n’entrent pas dans le champ du règlement européen n°376/2014 peuvent être effectués sous l’empire de la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019 (cf. c) du point 1.2.1 ci-dessus).
 
5. Alerte dans le domaine du renseignement, en application de l’article L.861-3 du code de la sécurité intérieure : le référent alerte informe l’agent qu’il doit saisir la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, seule compétente pour recevoir ce type d’alerte.
 
Enfin, en cas de signalement d’une situation de conflit d’intérêts, en application de l’article L. 135-3 du code général de la fonction publique ou du II de l’article L. 4122-4 du code de la défense :

Le référent alerte, s’il est aussi le référent déontologue du service dont relève l’agent, est compétent du fait de cette dernière qualité, pour prendre en charge le signalement. Si le référent alerte n’est pas référent déontologue, il indique à l’agent qu’il peut adresser son signalement à l’autorité hiérarchique dont il relève ainsi qu’au référent déontologue compétent pour le service dont il relève, conformément à l’article L. 135-3 du code général de la fonction publique.
 
Si la situation de conflit d’intérêts est susceptible de constituer également un délit pénal, notamment de prise illégale d’intérêts, le référent alerte informe l’auteur qu’il doit aussi adresser son signalement au procureur de la République en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

b) Le contrôle de la qualité de l’auteur du signalement

Ce contrôle doit être effectué sauf lorsque le signalement est anonyme.
 
Le référent alerte vérifie que les quatre conditions suivantes sont bien réunies :

1) L’auteur du signalement doit appartenir à l’une des catégories de personnes suivantes autorisées à effectuer une alerte interne (cf. point 3.2.) : 2) Les informations signalées doivent avoir été obtenues dans le cadre des activités professionnelles de l’auteur :

Ainsi, pour les personnes dont la relation de travail est terminée, les informations doivent avoir été obtenues dans le cadre de cette relation de travail, et pour les personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, les informations doivent avoir été obtenues dans le cadre de cette candidature.

3) L’auteur du signalement ne doit pas agir dans l’intention d’obtenir une contrepartie financière directe : le signalement ne peut donc pas être rémunéré.

4) Le signalement doit être effectué de bonne foi : l’auteur doit avoir des motifs raisonnables de croire, au vu des informations dont il dispose, que les faits signalés sont véridiques et qu’ils peuvent faire l’objet d’une alerte.
 
L’auteur du signalement ne bénéficie en effet des protections et garanties liées à la qualité de lanceur d’alerte que dans le cas d’un signalement effectué de bonne foi.

La personne qui a relaté ou témoigné de faits de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits qu’elle a signalés, s’expose en outre aux sanctions de l’article 226-10 du code pénal qui punit la dénonciation calomnieuse de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
 
L’article L.4122-4 du code de la défense prévoit des dispositions similaires pour les militaires.

c) L’information sur la recevabilité du signalement au regard des conditions fixées par la loi
 
La procédure d’alerte interne doit prévoir que l’auteur du signalement est informé des raisons pour lesquelles le référent alerte estime, le cas échéant, que son signalement ne respecte pas les conditions prévues par l’article 6 et le A du I de l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016, et rappelées aux points a) et b) ci-dessus. L’examen de la recevabilité de l’alerte et le retour à l’auteur du signalement doivent être les plus rapides possible.

La procédure d’alerte interne doit préciser les suites données aux signalements qui ne respectent pas les conditions prévues par les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 2016 susvisée. Elle doit également indiquer les suites données aux signalements anonymes.

3.4.4. Le traitement interne du signalement Il peut, afin d’évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées, et plus généralement pour les besoins de l’instruction du dossier, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement. Le traitement interne constitue en effet une obligation qui repose sur l’autorité disposant des moyens d’agir pour mettre fin aux violations qui font l’objet du signalement ou pour prévenir leur survenue. L’absence de diligence de cette autorité pourra avoir pour effet d’inciter l’auteur du signalement à effectuer un signalement externe, ce qui n’est pas l’objectif recherché.
 
Le dossier peut être recevable mais, après vérifications, ne pas nécessiter la mise en œuvre de mesures. Dans cette hypothèse, l’auteur du signalement et, le cas échéant, l’agent mis en cause, en sont informés par le référent alerte.
 
Si en revanche le signalement nécessite la mise en œuvre de mesures, le traitement relèvera, selon les cas, de l’administration concernée par le signalement ou d’une autorité extérieure.

Si les faits ou actes sont déjà matérialisés, l’autorité compétente doit y mettre directement fin : les auteurs de ces actes ou de ces faits sont mis en demeure d’y mettre fin dans les meilleurs délais. S’il s’agit de faits ou actes susceptibles de se produire, l’autorité prend toute mesure permettant d’éviter qu’ils ne surviennent.
 
Lorsque, par exception, l’administration concernée estime, en dialogue avec le référent alerte, ne pas pouvoir agir directement ou indirectement, le signalement est transmis sans délai à l’autorité publique la mieux à même de traiter l’alerte afin d’obtenir son concours dans le traitement de celle-ci.

Le référent alerte procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, lorsque le signalement est devenu sans objet ou lorsque les allégations, bien qu’avérées, ne nécessitent pas de prendre de mesures. L’auteur du signalement et les tiers en charge du traitement du signalement (23) doivent être informés par écrit par le référent alerte de la clôture du dossier. L’administration n’est pas tenue d’avoir entièrement traité l’alerte dans ce délai de trois mois : il est uniquement exigé que l’auteur du signalement soit informé dans ce délai des mesures envisagées ou déjà prises pour apprécier la réalité des allégations, par exemple en procédant à une enquête interne, et pour remédier à la situation signalée ou prévenir la survenue possible de la violation.
 
Le référent alerte, est invité à continuer à informer régulièrement l’auteur du signalement, selon des modalités qui peuvent être fixées dans la procédure interne de signalement, de l’évolution du traitement de l’alerte : choix opérés par l’autorité compétente, mesures mises en œuvre, clôture du dossier.

3.4.5. Les suites possibles après un signalement interne
 
L’auteur du signalement peut, s’il ne l’a pas déjà fait auparavant ou parallèlement, décider d’effectuer un signalement externe auprès d’une des autorités compétentes mentionnées au point 2.3. ci-dessus.

IV. ​Mesures de garantie et de protection des agents à l’occasion d’un signalement
 
Le régime de protection applicable aux agents susceptibles de faire un signalement dépend du statut de la personne concernée, indépendamment de la mise en place d’une procédure obligatoire de recueil des signalements. Dans les services et les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC), ce régime de protection s’applique aux agents ayant la qualité de fonctionnaire. La protection des auteurs de signalement est présumée dès l’engagement de la procédure de signalement précédemment décrite.
 
Il convient de rappeler que la protection reconnue aux agents auteurs de signalement se distingue de la protection fonctionnelle accordée au titre des articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique (ou de l’article L. 4123-10 du code de la défense pour un militaire).

4-1. Garanties, protections et limites pour l’agent ayant effectué un signalement ou une divulgation publique
 
La loi du 9 décembre 2016 précitée, le code général de la fonction publique et le code de la défense prévoient des dispositifs qui visent à apporter des garanties et protections aux agents effectuant un signalement interne ou externe ou une divulgation publique. Ces garanties et protections doivent leur éviter de subir des mesures de rétorsion fondées sur une alerte dès lors que celle-ci a été faite de bonne foi et dans le respect des procédures.

4.1.1 Les garanties Les procédures de traitement des signalements mises en œuvre peuvent prendre la forme de traitements automatisés de données à caractère personnel. Dans cette hypothèse, le responsable de traitement doit mettre en œuvre la procédure de signalement dans le respect de la législation applicable en matière de protection des données. Il est conseillé à cet égard de se reporter au référentiel de la CNIL adopté par délibération du 6 juillet 2023, relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en œuvre d’un dispositif d’alertes professionnelles (24). Ce référentiel, s’il n’a pas de valeur contraignante comme le rappelle la CNIL, constitue toutefois un outil d’aide pour les organismes concernés par la mise en place de procédures de traitements automatisés de données à caractère personnel.
 
En tout état de cause, quelle que soit la procédure mise en œuvre (registre, boîte mél, formulaire en ligne, courrier…), l’article 9 de la loi du 9 décembre 2016 précitée prévoit que doit être garantie la stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci, de tout tiers mentionné dans le signalement ainsi que des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
Ainsi, les éléments de nature à identifier l’auteur du signalement ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci. Ils peuvent toutefois être communiqués à l’autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire. Des explications écrites doivent être jointes à cette information.
 
La communication éventuelle à des tiers (25) de tout ou partie des informations relatives au signalement est limitée à ce qui est strictement nécessaire aux besoins du traitement de l’alerte. Les garanties de confidentialité s’imposent en effet à toutes les personnes chargées de la gestion et du traitement du signalement.
 
Quant aux éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement, ils ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.

La violation de ces obligations de confidentialité est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. De manière générale, les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires.
 
Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n’y soient ni identifiées, ni identifiables.
 
Lorsqu'elles font l'objet d'un traitement, automatisé les données à caractère personnel relatives à des signalements sont conservées dans le respect du RGPD (26).
 
Au regard des finalités pouvant justifier la mise en place d'un dispositif de signalement interne :

La réglementation européenne et la législation nationale relatives à la protection des données à caractère personnel en ce qui concerne les durées de conservation, ne s’appliquent pas aux données anonymisées, c'est-à-dire celles qui ne peuvent plus être mises en relation avec une ou des personnes physiques identifiées ou identifiables.

De même, la loi Sapin 2 prévoit désormais pour les alertes internes que "les données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de [la durée nécessaire pour leur traitement et pour la protection des parties prenantes] à la condition que les personnes physiques concernées n'y soient ni identifiées ni identifiables ".

Le responsable du traitement peut conserver sans limitation de durée les données anonymisées, dès lors que le caractère anonymisé des données est susceptible d’être garanti de manière pérenne.

Selon le I de l’article 10-1 de la loi du 9 décembre 2016, le lanceur d’alerte ayant signalé ou divulgué publiquement des informations n’est pas civilement responsable des dommages causés du fait de ce signalement ou de cette divulgation, dès lors que les deux conditions suivantes sont remplies :

1) L’alerte doit avoir été effectuée dans le respect des conditions prévues par la réglementation (articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016, décret du 3 octobre 2022, en particulier) ;

2) Son auteur doit avoir des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité des informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. En vertu de l’article 122-9 du code pénal, n’est pas pénalement responsable l’auteur d’un signalement qui porte atteinte à un secret protégé par la loi ou bien qui soustrait, détourne ou recèle des documents ou tout autre support contenant des informations dont il a eu connaissance de manière licite (donc sans vol ni effraction), sous réserve que les deux conditions suivantes soient respectées :

1) L’alerte doit avoir été effectuée dans le respect des conditions prévues par la réglementation : elle ne doit donc pas porter sur des faits, informations ou documents couverts par un secret protégé exclu du régime de l’alerte (secret de la défense nationale, secret médical, secret des délibérations judiciaires, secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires, secret professionnel de l’avocat) ;

2) La divulgation des informations doit être nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause. Si l’auteur d’un signalement fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une mesure discriminatoire qu’il estime motivée par un signalement ou une divulgation publique qu’il a effectué dans le cadre de la loi du 9 décembre 2016, il peut contester cette mesure.
 
Le III- A de l’article 10-1 de la loi précitée prévoit que, dans ce cas, c’est à la partie défenderesse (auteur de la mesure) qu’il appartient de prouver que la mesure ou la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte effectuée par l’agent. Toutefois, il incombe en premier lieu à l’agent de présenter des éléments de fait permettant de supposer qu’il a effectué son signalement dans le respect des conditions posées et de bonne foi.

4.1.2. Les protections Le II de l’article 10-1 de la loi du 9 décembre 2016 frappe de nullité toute mesure de représailles dont ferait l’objet un agent public civil ou militaire pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de ladite loi.

a) Les mesures qui ne peuvent être prises à l’égard d’un agent public civil du fait qu’il a effectué une alerte dans les conditions prévues par les articles 6 et 8 de la loi sont énumérées par l’article L. 135-4 du code général de la fonction publique. Ces mesures concernent les domaines suivants : b) Les mesures qui ne peuvent être prises à l’égard d’un militaire du fait qu’il a effectué une alerte dans les conditions prévues par les articles 6 et 8 de la loi sont énumérées par le III de l’article L. 4122-4 du code de la défense. Ces mesures concernent les domaines suivants : Les mesures de changement de lieu de travail et de modification des horaires de travail ne sont toutefois pas comprises parmi les mesures interdites.

c) Sont également interdites toutes menaces ou tentatives de recourir aux mesures précitées. L’article 12-1 de la loi du 9 décembre 2016 pose le principe selon lequel il ne peut y avoir aucune renonciation ou limitation de droit ou de fait d’aucune forme au droit d’effectuer une alerte ; tout acte ou stipulation contraire est nul de plein droit.
 
En outre, selon l’article 13 de la même loi, toute personne faisant obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement encourt une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
 
Par ailleurs, la personne engageant une procédure abusive (« procédure bâillon ») contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées, peut être condamnée à une amende civile pouvant aller jusqu’à 60 000 euros, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts pour procédure dilatoire ou abusive.
 
Les personnes condamnées dans les conditions prévues aux deux paragraphes précédents encourent également une peine d’affichage ou de diffusion du jugement rendu. Le juge peut accorder au lanceur d’alerte une provision pour couvrir ses frais d’instance ou une provision pour couvrir ses subsides si sa situation financière s’est profondément dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique.
 
Ces provisions peuvent être demandées par le lanceur d’alerte soit lorsqu’il doit engager un recours contre une mesure de représailles, soit s’il fait l’objet d’une procédure abusive destinée à entraver son signalement ou sa divulgation publique

Enfin, les personnes effectuant un signalement externe peuvent bénéficier des mesures de soutien psychologique et de secours financier temporaire si leur situation financière est gravement dégradée du fait du signalement, mises en place le cas échéant par les autorités mentionnées par le décret n° 2022- 1284 du 3 octobre 2022.

4.1.3. Limite aux garanties et protections
 
Sans préjudice de la qualification d’autres infractions pénales pour lesquelles l’auteur d’un signalement pourrait être poursuivi (30) , l’article 226-10 du code pénal sanctionne l’auteur d’une dénonciation calomnieuse (31). Cette infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
 
En cas de signalement abusif ou constitutif d’une infraction pénale, l’auteur du signalement ne bénéficie plus de la protection prévue à l’article L. 135-5 du code général de la fonction publique ou, s’il est militaire, au III de l’article L. 4122-4 du code de la défense : il peut voir sa responsabilité civile engagée et également se voir infliger une sanction disciplinaire.

4-2. Garanties pour l’agent mis en cause par le signalement
 
Le signalement peut parfois avoir des conséquences sur un ou plusieurs agents qui peuvent être mis en cause par celui-ci.
 
Pour rappel, l’agent mis en cause bénéficie de garanties de confidentialité : les éléments de nature à l’identifier ne peuvent être divulgués, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé du signalement.
 
Si la mise en cause de l’agent n’est pas fondée et qu’il s’estime victime d’une menace, injure, diffamation ou outrage, l’article L. 134-5 du code général de la fonction publique le protège dès lors qu’aucune faute personnelle ne peut lui être imputée. Lorsque le signalement se traduit par la saisine de juridictions devant lesquelles l’agent mis en cause aura des frais à couvrir, ces frais peuvent être pris en charge au titre de la protection fonctionnelle prévue aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique. Un dispositif similaire s’applique aux militaires.
 
Il convient de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires protégeant les agents relevant de votre périmètre et de procéder, dans les meilleurs délais, à la diffusion par tout moyen de la nouvelle procédure que vous avez ou aurez mise en place.
 
Pour tous renseignements complémentaires ou toutes difficultés rencontrées, notamment dans l’actualisation des arrêtés fixant la nouvelle procédure interne de signalement, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique peut être contactée (1CSDS - département du cadre statutaire et du dialogue social).
 
La présente circulaire, qui abroge et remplace la circulaire du 19 juillet 2018 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique, sera publiée sur le site circulaires.legifrance.gouv.fr.
 
Pour le Ministre et par délégation:
La directrice générale de l'administration et de la fonction publique
Nathalie COLIN

ANNEXE
 
L’articulation entre l’obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, d’une part, et le dispositif d’alerte issu des articles 6 et suivants de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, d’autre part

L’existence du dispositif d’alerte prévu par les articles 6 et suivants de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifiée relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dans leur rédaction issue de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, nécessite d’en préciser l’articulation avec le régime de l’obligation de signalement prévue à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

Ce faisant, cette annexe répond également à la recommandation 1.a.i formulée par l’OCDE dans le cadre de l’évaluation de phase 4 de la mise en œuvre par la France de la convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales : « En ce qui concerne la détection de la corruption transnationale, le Groupe de travail recommande à la France de: a. (i) Clarifier l’articulation entre l’obligation de signalement incombant aux agents publics au titre de l’article 40 CPP et la possibilité de signalement qui leur est ouverte au titre des articles 6 et 8 de la loi Sapin 2 en ce qui concerne en particulier les canaux de signalement, les critères applicables pour recourir à l’un ou l’autre de ces dispositifs ainsi que les protections qui s’y rapportent ».

1. Les conditions de réalisation d’un signalement obligatoire au titre de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale

1.1. Le périmètre des personnes soumises à l’obligation prévue à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale
 
L’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale dispose que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Aux termes de cet article, les autorités constituées, les officiers publics et les fonctionnaires ont une obligation de signalement des crimes et délits au procureur de la République. Le terme de
« fonctionnaire » doit être entendu de façon large, au sens d’agent exerçant une fonction publique (32). Il inclut toute personne employée sous un régime de droit public : fonctionnaires titulaires et stagiaires, militaires, agents contractuels, vacataires, qu’ils relèvent ou non du code général de la fonction publique (33). S’agissant de ces derniers, le code général de la fonction publique indique bien que c’est l’ensemble des agents publics qui relèvent de ses dispositions – et pas seulement les fonctionnaires - qui entrent dans le champ de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, à travers la rédaction de son article L. 121-11 (« Les agents publics se conforment aux dispositions du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale pour tout crime ou délit dont ils acquièrent la connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ») (34). Pour les militaires, cette obligation est fixée au I. de l’article L. 4122-4 du code de la défense.

NB : il ne sera pas question des autorités constituées et des officiers publics dans cette annexe.

1.2. Sont exclus du champ d’application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale les agents de l’administration dont les conditions d’emploi ne relèvent pas d’un régime de droit public
 
Il s’agit en particulier des agents des services publics industriels et commerciaux, mêmes organisés en régie ou en établissements publics, lorsque leurs conditions d’emploi relèvent du code du travail, des apprentis ou encore des stagiaires (élèves et étudiants, à ne pas confondre avec les fonctionnaires accomplissant une période de stage statutaire). La doctrine précise également que l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale ne s’applique pas non plus aux collaborateurs bénévoles ou aux « recrutés locaux » (35).

Bien évidemment, les co-contractants de l’administration n’entrent pas dans le champ de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

1.3. Le périmètre des faits signalés sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale
 
L’obligation de signalement en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale s’impose à l’agent public pour les faits dont il acquiert connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui revêtent la qualification de crime (toute infraction punie d’une peine de réclusion criminelle supérieure à 10 ans) ou de délit (peine d’amende supérieure à 3750 euros au moins et/ou d’emprisonnement inférieure ou égale à 10 ans).
 
Seul le procureur de la République peut être rendu destinataire du signalement effectué en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. Le juge judiciaire a déjà eu l’occasion d’indiquer que « si l’article 40 du code de procédure pénale fait obligation à tout fonctionnaire ayant, dans l’exercice de ses fonctions, acquis la connaissance d’un crime ou d’un délit d’en donner avis au procureur de la République, cette disposition ne saurait autoriser un agent public à enfreindre l’obligation de discrétion à laquelle il est soumis et à révéler à des particuliers des faits jugés par lui répréhensibles » (Cass. Crim., 6 juillet 1977, n° 76-92.990, Bull. crim. n° 255 ; il convient de noter que le terme « discrétion » renvoie ici au secret de la correspondance s’imposant aux postiers (secret professionnel) et non à l’obligation de discrétion professionnelle).

1.4. Le signalement doit porter sur tout fait susceptible de constituer un crime ou un délit
 
Avant de transmettre son signalement au procureur de la République, l’agent public, s’il n’est pas tenu d’avoir acquis la certitude que les faits sont exacts ni d’être certain de leur qualification pénale, doit signaler des faits dès lors qu’il a acquis la connaissance d’un crime ou d’un délit. Cependant, le pouvoir d’appréciation des faits ne doit pas se transformer en pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites pénales qui reste de la seule responsabilité du ministère public. Enfin, l’agent public doit signaler les faits dont il acquiert connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

1.5. Le non-respect de l’obligation de signalement en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale est susceptible d’être sanctionné
 
Si le code de procédure pénale ne prévoit pas de sanction pénale (36) en cas de non-respect de l’obligation de signalement prévue par l’article 40 alinéa 2, des sanctions disciplinaires peuvent être envisagées (37), non subordonnées à la mise en œuvre d’une action pénale dirigée contre l’agent ayant commis une faute.

Tableau récapitulatif sur l’articulation entre l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale et l’alerte prévue aux articles 6 et suivants de la loi du 9 décembre 2016 (crimes et délits dont la connaissance a été acquise dans l’exercice des fonctions)
 
Signalement/alerte Article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale Articles 6 et suivants de la loi du 9 décembre 2016
Auteur Les agents publics civils (toute personne employée sous un régime de droit public : fonctionnaires titulaires et stagiaires, agents contractuels, vacataires, qu’ils relèvent ou non du code général de la fonction publique) et les militaires Les collaborateurs, co-contractants et membres des organes dirigeants de l’administration non inclus dans le champ d’application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale (plus précisément : contractuels de droit privé, agents de droit local étranger, personnes dont la relation de travail s'est terminée, personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l'entité concernée, membres de l'organe d'administration ou de direction de l’entité concernée qui n’ont pas la qualité d’agent public, cocontractants de l'entité concernée et leurs sous-traitants) : pour l’ensemble des informations mentionnées au I de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016
 
Les agents publics civil et militaires également inclus dans le champ de l’article 40 alinéa 2 du  code de procédure pénale.
Périmètre et caractéristiques des faits signalés Lorsque l’auteur du signalement dispose d’éléments suffisants lui permettant d’acquérir la connaissance d’un crime ou d’un délit justifiant d’en donner avis sans délai au procureur de la République. Informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement. Ces informations peuvent concerner des faits seulement très susceptibles de se produire.
  • pour qu’un signalement interne soit possible, il doit porter sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l'entité concernée. L’auteur du signalement peut ne pas avoir acquis personnellement la connaissance de ces informations ;
Procédure Signalement obligatoire au procureur de la République : transmission sans délai de tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’objet du signalement. Signalement facultatif :
  • interne, dans le respect de la procédure mise en place par l’employeur public, en application du décret n° 2022- 1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
  • externe (même référence).
Il n’existe ni temporalité à respecter, ni hiérarchie entre ces deux procédures de signalement portant sur les mêmes faits.

Divulgation publique (sous certaines conditions)
   
2. Le signalement sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale et l’intervention de la chaîne hiérarchique

Il convient de préciser, autant que possible, le rôle de la chaîne hiérarchique dans le régime de signalement institué par l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. En effet, à la différence de la loi du 9 décembre 2016 et de son décret d’application du 3 octobre 2022, cette disposition du code de procédure pénale, très succincte, ne précise pas les modalités concrètes du signalement à opérer. Elle indique seulement que le destinataire du signalement est le procureur de la République, que l’auteur du signalement doit lui transmettre « tous les renseignements, procès-verbaux et actes » relatifs à l’objet du signalement et que le signalement doit intervenir sans délai.

Pour signaler un crime ou un délit en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, le recours à une autorisation du supérieur hiérarchique n’est pas nécessaire (38) . La dénonciation des faits peut être directement faite au procureur de la République par l’agent qui en a connaissance (39) par tout moyen (40) , par exemple par simple lettre ou déclaration orale. La chaîne hiérarchique ne peut pas faire obstacle à la mise en œuvre par les agents publics de leur obligation de signalement imposée par la loi.

Pour autant, une intervention hiérarchique est possible :
→ les chefs de service peuvent, dans le cadre de leurs pouvoirs d’organisation, préciser les modalités pratiques de mise en œuvre du signalement (41) et (42) ;
→ le principe déontologique de loyauté, de nature jurisprudentielle pour les agents publics relevant du code général de la fonction publique et inscrit à l’article L. 4111-1 du code de la défense pour les militaires, conduit à conseiller à tout agent effectuant un signalement au procureur de la République sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale d’en informer son supérieur hiérarchique (43) , sauf si celui-ci est concerné par les faits signalés ;
→ la jurisprudence a admis que le supérieur hiérarchique effectue un signalement sur la base des travaux de ses subordonnés qui découvrent directement dans l’exercice de leurs fonctions une situation constitutive d’un crime ou d’un délit (44). Il incombe alors au supérieur hiérarchique d’évaluer si la situation nécessite d’informer l’autorité judiciaire, éventuellement après avoir diligenté des investigations complémentaires (45). Selon la doctrine « cette modalité d'accomplissement de l'obligation de dénonciation présente l'avantage, de par la position du supérieur hiérarchique, d'apporter une plus grande capacité d'analyse, enrichie d'une vision plus large de l'information qui assurera de dissiper d'éventuels malentendus, et d'éviter, en canalisant des initiatives individuelles, des dénonciations intempestives » (46).

Cependant, si la jurisprudence admet que ce soit l’autorité supérieure qui s’acquitte de l’obligation de signalement, il convient que celui-ci soit réalisé dans le respect des « exigences de l'article 40 du code de procédure pénale » (47). Dans son étude sur le droit d’alerte adoptée par son assemblée générale plénière le 25 février 2016, le Conseil d’État a, pour sa part, déduit de cet arrêt qu’il « incombe dans ce cas à l’agent à l’origine de l’alerte de veiller à sa transmission dans les meilleurs délais et, au besoin, de reprendre l’initiative en cas d’inertie ou de refus de son autorité hiérarchique » (48). Dès lors, l’agent n’est libéré de son obligation de signalement direct que si son supérieur hiérarchique, informé, y donne la suite appropriée. Face à une abstention du supérieur hiérarchique, l’agent devra transmettre lui-même le signalement au ministère public.

Le retour d’information est donc indispensable pour que l’agent public, qui a transmis à sa hiérarchie les éléments permettant de réaliser une alerte en application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, évalue si celle-ci a bien pris les mesures levant sa responsabilité personnelle.


Dès lors qu’une administration met en place une procédure impliquant que le supérieur hiérarchique soit informé et chargé de procéder au signalement auprès du procureur de la République, il importe donc : L’OCDE (49) ayant souligné que le passage par l’autorité hiérarchique laissait une place importante au pouvoir d’appréciation en opportunité du bien-fondé du signalement et ayant exprimé des craintes sur le fait que ce passage ne gêne la transmission de signalements au procureur de la République, il importe d’organiser ce retour systématique d’information à l’agent à l’origine du signalement.
 
3. Que doit faire le référent alerte en cas de signalement par un agent public d’un crime ou d’un délit via la procédure découlant des articles 6 et suivants de la loi du 9 décembre 2016 ?
 
Avant l’adoption de la loi du 21 mars 2022, il était recommandé, lors d’un signalement effectué sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, de réaliser simultanément un signalement auprès du référent alerte. Cette recommandation avait pour but d’assurer à l’agent public le bénéfice des mesures de protection de la loi du 9 décembre 2016. Du fait de l’alignement complet des dispositifs de protection des auteurs de signalement, qu’ils soient opérés sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale ou des articles 6 et suivants de la loi du 9 décembre 2016, ce double signalement n’est plus nécessaire. Il demeure toutefois possible pour un agent public d’effectuer simultanément un signalement auprès du procureur de la République sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale et une alerte en application des articles 6 et suivants de la loi du 9 décembre 2016 pour dénoncer des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit.
                 
(1) L’article 15 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a abrogé les articles L. 1351-1 et L. 5312-4-2 du code de la santé publique, les articles L. 1161-1 et L. 4133-5 du code du travail, l’article 25 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les articles 1er, les 3° et 4° de l’article 2 et l’article 12 de la loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte. La loi du 9 décembre 2016 n’a cependant pas modifié les dispositions de la loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui prévoit la protection du lanceur d’alerte pour les services spécialisés de renseignement.
(2) Ainsi que certains tiers qui sont liés ou ont aidé le lanceur d’alerte
(3) Cf. point 4.1.1. infra.
(4) Sous réserve des précisions apportées au 3.1.1. de la présente circulaire.
(5) La procédure de recueil et de traitement des signalements par les autorités externes ainsi que la liste de ces autorités externes font l’objet respectivement du chapitre II et de l’annexe du même décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.
(6) Selon les conditions de l’article L. 123-4 du code général de la fonction publique.
(7) Sur le fondement de l’article L. 123-5 du code général de la fonction publique.
(8) Selon les conditions de l’article L. 123-8 du code général de la fonction publique.
(9) Les atteintes au secret de la défense nationale sont définies par les articles 413-9 et suivants du code pénal ainsi que par les articles R. 2311- 1 et suivants du code de la défense. Sont, par exemple, visés par les dispositions de la loi du 9 décembre 2016, les documents relatifs aux installations militaires, comme les documents relatifs à l’activité du centre de la direction générale de l’armement qui étudie les menaces nucléaires, bactériologiques et chimiques ; les documents relatifs aux procédures en relation avec la défense nationale comme le plan de sécurité Vigipirate mis en place par le ministère de l’intérieur et les dossiers d’habilitation au secret défense, y compris à l’égard des personnes concernées par l’habilitation.
(10) Le secret médical s’applique aux informations concernant le patient et sa prise en charge. Il constitue un droit pour la personne malade et les usagers du système de santé tel que défini par le titre Ier du livre I de la première partie législative du code de la santé publique.
(11) Le secret des délibérations judiciaires concerne les magistrats judiciaires et les jurés. Le secret de l’enquête et de l’instruction a pour objet d’empêcher qu’un agent se prévale de la qualité de lanceur d’alerte pour s’affranchir du secret de l’enquête ou de l’instruction auquel il est soumis Il s’agit d’assurer le bon déroulement des investigations et de préserver les droits des victimes comme la présomption d’innocence.
(12) Le secret professionnel des avocats est soumis aux règles législatives et réglementaires édictées par l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ainsi que les articles 4 et 5 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005. Sont concernées aussi bien les relations de l’avocat avec ses clients qu’avec les tiers (confrères et collaborateurs).
(13) Pour toute précision sur cette procédure, il convient de se reporter au guide publié en novembre 2022 : « Lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique ».
(14)  À titre d’exemple, les autorités externes compétentes sont : (15) https://defenseurdesdroits.fr/
(16) Il s’agit de l’absence de prise de mesures appropriées dans les délais requis et non pas de l’aboutissement du dossier.
(17) Les conditions sont un peu différentes pour les alertes en dehors du cadre professionnel : il faut justifier d’un danger grave et imminent.
(18) Les modalités de définition de ce seuil sont précisées par l’article 2 du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.
(19) Article 34- V de la loi du 12 avril 2000 : « V.- Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat à l'étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales du travail, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services ».
(20) Celle-ci se déroule selon les modalités indiquées au paragraphe 3.4. (cf. notamment les points 3.4.3. et 3.4.4. concernant le rôle du référent alerte dans l’examen de la recevabilité et le traitement interne du signalement).
(21) Il est rappelé qu’à cette fin, les entités sont tenues d’assurer une publicité suffisante en interne de la procédure de signalement, par tout moyen, notamment par voie de notification, affichage ou publication, le cas échéant, sur leurs sites internet/intranet ou par voie électronique.
(22) Les « tiers » sont toutes les personnes amenées à gérer ou traiter le signalement, en dehors de l’auteur et du référent alerte désigné pour recueillir le signalement.
(23) Mentionnés au dernier paragraphe du 3.4.2. de la présente circulaire. 
(24) Délibération n° 2023-064 du 6 juillet 2023 portant abrogation de la délibération n° 2019-139 du 18 juillet 2019 portant adoption d'un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en œuvre d'un dispositif d'alertes professionnelles et adoption d'un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel destinés à la mise en œuvre d'un dispositif d'alertes professionnelles
(25) Les « tiers » sont toutes les personnes amenées à gérer ou traiter le signalement, en dehors de l’auteur et du référent alerte désigné pour recueillir le signalement.
(26) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/ CE (règlement général sur la protection des données).
(27) C’est-à-dire de manière à être facilement accessibles dans l’environnement de travail immédiat pour les services qui sont en charge de ce traitement.
(28) Il s’agit des données personnelles qui ne sont plus utilisées pour atteindre l’objectif fixé mais qui présentent encore un intérêt administratif pour l'organisme ou qui doivent être conservées pour répondre à une obligation légale.
(29) Article 9 III de la loi n°2016-1692 du 9 décembre 2016.
(30) Par exemple, atteinte à la vie privée, atteinte à la représentation de la personne ou injures et diffamations non publiques.
(31) Article 226-10 du code pénal : « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. »
(32) Cass. Crim., 6 juillet 1977, n° 76-92.990, Bull. crim. n° 255.
(33) Pour une illustration concernant les praticiens hospitaliers relevant du code de la santé publique : CAA de Nantes, 30 mars 2020, n° 18NT02423.
(34) En revanche, les magistrats administratifs statuant au contentieux sont exclus du champ d’application de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale (CE, 28 décembre 2001, n° 233993, Givry, aux T. sur ce point).
(35) –Gérard Chalon, « L'article 40 du code de procédure pénale et le fonctionnaire : nature et portée de l'obligation de dénoncer », AJFP n° 6, novembre-décembre 2003, p. 31.
(36) Cass. Crim. 13 octobre 1992, n° 91-82.456, Bull. crim. n° 320.
(37) CAA Paris, 30 juin 2004, M. Patrick X, 01PA00841. La sanction doit prendre en compte les circonstances particulières de l’espèce, par exemple si l'agent devait, compte tenu de sa formation, de son niveau de responsabilité ou encore de son expérience, savoir que les faits portés à sa connaissance étaient de nature correctionnelle ou criminelle.
(38) CE, 15 mars 1996, M. Guigon, n° 146326, aux T.
(39) CE, 15 mars 1996, M. Guigon, n° 146326, aux T., et Cass. crim., 19 septembre 2000, n° 99-83960.
(40) Question écrite AN n° 38841 du 11 mai 2011 posée par M. Pierre Morel A L’Huissier
(41) CE, 20 mars 2000, MM. Hanse et autres, n° 200387, au R.
(42) Voir sur ce point DGFiP, Instruction n° 10-020-M0 du 6 août 2010 sur le devoir d’alerte dans le secteur public local, 2010 ; ENSA de Bourges, Fiche de procédure relative à l’obligation de dénonciation prévue à l’article 40 alinéa 2 du CPP, non datée ; Ministère de l’Education nationale, Circulaire n° 97-175 du 26 août 1997 concernant les violences sexuelles. L’actualité de ces documents sera vérifiée avec les référents alerte ministériels concernés lors de la relecture qui leur sera demandée.
(43) Voir la démonstration en ce sens de Gérald Chalon, « L'article 40 du code de procédure pénale à l'épreuve du statut général de la fonction publique », AJFP n° 1, janvier-février 2004, p. 27-31.
(44) Cass. crim., 14 décembre 2000, n° 00-86.595, Bull. crim. n° 380.
(45) CE 29 déc. 2000, M. Treyssac, n° 197739, au R.
(46) Céline Duchêne, Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre 6, 2020.
(47) Cass. crim., 14 décembre 2000, n° 00-86.595 Bull. crim. n° 380.
(48) Conseil d’État, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, La Documentation française, 2016.
(49) OCDE, Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, 2012, point 171.