Instruction n° DGS/EA4/2025/22 du 19 février 2025 relative à la gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées
La ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
à
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux
des agences régionales de santé (ARS)
Mesdames et Messieurs les préfets de région
Mesdames et Messieurs les préfets de département
Référence |
NOR : TSSP2504578J (numéro interne : 2025/22) |
Date de signature |
19/02/2025 |
Emetteurs |
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Direction générale de la santé (DGS) |
Objet |
Gestion des risques sanitaires liés à la présence de
composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la
consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées. |
Actions à réaliser |
Prise en compte des modalités de gestion proposées.
Retour d’expériences des ARS sur la mise en oeuvre des modalités de gestion proposées. |
Résultats attendus |
Gestion des situations de non-conformités aux PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine. |
Echéance |
Immédiate |
Contacts utiles |
Sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation
Bureau de la qualité des eaux (EA4)
Mathilde MERLO
Tél. : 06 68 69 29 71
Mél. : [email protected]
Marie TEYSSANDIER
Mél. : [email protected] |
Nombre de pages et annexe |
5 pages et aucune annexe |
Résumé |
La présente instruction remplace l’instruction du 12 mars 2024 sur les modalités de gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH).
Les modalités de gestion décrites sont mises en oeuvre par les préfets et les agences régionales de santé (ARS) en lien avec les personnes responsables de la production et/ou de la distribution d’eau au titre du code de la santé publique.
Cette instruction s’applique aux eaux destinées à l’alimentation humaine, distribuées par un réseau public. |
Mention Outre-mer |
Ces dispositions s’appliquent aux Outre-mer, à l’exception de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton. |
Mots-clés |
Contrôle sanitaire ; Eau destinée à la consommation humaine (EDCH) ;
Gestion des risques ; Qualité de l’eau ;
Composés perfluorés. |
Classement thématique |
Santé environnementale |
Textes de référence |
• Directive (UE) 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;
• Code de la santé publique (CSP), notamment ses articles
L. 1321-1-A à L. 1321-10, L. 1322-1 à L. 1322-14,
R. 1321-1 à R. 1321-63, R. 1321-69 à R. 1321-97 et
R. 1322-1 à R. 1322-44-23. |
Circulaire / instruction abrogée |
Instruction n° DGS/EA4/2024/30 du 12 mars 2024 relative à la gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés perfluorés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées |
Circulaire / instruction modifiée |
Néant |
Rediffusion locale |
Néant |
Validée par le CNP le 7 février 2025 - Visa CNP 2025-05 |
Document opposable |
Oui |
Déposée sur le site Légifrance |
Non |
Publiée au BO |
Oui |
Date d’application |
Immédiate |
1/ Contexte et objectif
La présente instruction vise à préciser les recommandations nationales pour la gestion des situations locales de présence de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Elle est mise en oeuvre par les agences régionales de santé (ARS), pour le compte du préfet, en lien avec les personnes responsables de la production ou de la distribution d’eau (PRPDE), au titre du code de la santé publique (CSP). Elle remplace l’instruction du 12 mars 2024 susvisée. Cette instruction s’inscrit dans le cadre du plan d’actions interministériel sur les PFAS publié en avril 2024 et doit mobiliser l’ensemble des parties prenantes, sous l’égide des préfets, garants de l’interministérialité en région et en département.
La présence de composés perfluorés (PFAS) dans des captages d’eau utilisés pour la production d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) peut résulter de :
• rejets de station d’épuration ;
• rejets industriels de type : électroniques, semi-conducteurs, toners/encres, mousses antifeux, cosmétiques, imperméabilisants des textiles-cuirs-tapis et emballages alimentaires, bains de placage électrolytique, nettoyants de surface métallique, de sols, vernis, cire, etc. ;
• contaminations par des mousses anti-feux (à proximité d’aéroports, de dépôts hydrocarbures, de sites d’exercices incendies, etc.).
La directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des EDCH prévoit le suivi des PFAS dans l’eau du robinet et le respect d’une limite de qualité (LQ) associée de 0,1 μg/L au robinet du consommateur pour la somme de 20 PFAS. Cette LQ, non sanitaire, sera d’application obligatoire dans l’Union européenne à partir du 12 janvier 2026.
Pour la transposition de la directive susmentionnée, la France a fait le choix d’une mise en oeuvre progressive de cette réglementation dans les EDCH dès le 1er janvier 2023 dans le cadre de l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique (CSP).
Afin de gérer les situations de non-conformité à la LQ déjà observées dans le cadre de contrôle sanitaire anticipé ou d’études locales, l’instruction du 12 mars 2024 prévoyait de manière transitoire, au vu du contexte de grande incertitude scientifique (absence de valeurs sanitaires notamment), la mise en oeuvre locale de plans d’actions interministériels dans les régions concernées. Cette instruction devait être revue à la lumière des premiers résultats des expertises sanitaires nationales.
En s’appuyant sur l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) du 9 juillet 2024, en tenant compte de l’évolutivité des connaissances et dans l’attente de l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), il a été décidé de préciser les modalités de gestion à mettre en oeuvre.
2/ Surveillance des PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine et caractérisation des situations de non-conformité
En anticipation de la réglementation, les ARS, s’attacheront à mettre en oeuvre le suivi de la qualité de l’eau vis-à-vis des PFAS sur l’ensemble de leur territoire d’ici mi-2025. Elles prioriseront les situations avec des suspicions de contamination compte tenu des sources connues d’émission ou les sites n’ayant pas encore fait l’objet d’un suivi (soit par la PRPDE soit dans le cadre de la campagne nationale exploratoire menée par le laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses). Les points de prélèvements de la campagne de l’Anses sont connus des ARS et il a été demandé aux PRPDE qu’elles transmettent systématiquement aux ARS
les résultats dont elles disposent sur les PFAS dans les EDCH, et ce afin que les ARS puissent adapter le contrôle sanitaire en conséquence. Le préfet, en lien avec ses services compétents, appuiera l’ARS dans le choix de points de prélèvements.
La caractérisation du signal de non-conformité à la limite de qualité réglementaire (0,1 μg/L pour la somme de 20 PFAS) doit se faire via la réalisation d’une campagne d’analyses comprenant a minima 10 résultats analytiques répartis sur 2 saisons (maximum 3 à 4 mois en tout, répartis sur 2 saisons consécutives). Pour rappel, les résultats doivent être rendus sous accréditation pour la somme des 20 PFAS. La médiane des valeurs observées pour la somme des 20 PFAS sur l’ensemble des analyses réalisées peut être comparée à la LQ. Dans ce cas, un signal est considéré confirmé dès lors que la médiane des valeurs observées est supérieure à la LQ. Le suivi renforcé devra être poursuivi jusqu’à retour à la conformité qui est évalué à partir des dernières valeurs (en utilisant la médiane le cas échéant).
Vous veillerez à
l’information des populations par la PRPDE dès confirmation d’une non-conformité en application de l’article R. 1321-30 du CSP.
3/ Gestion des situations de non-conformités
Les situations de non-conformités confirmées à la LQ de 0,1 μg/L devront être traitées selon une approche proportionnée de l’action publique au regard du risque sanitaire. Compte tenu des travaux scientifiques en cours et des incertitudes, il est indispensable de réduire l’exposition des populations.
Le retour à la conformité de l’ensemble des situations devra intervenir dans les meilleurs délais et au plus tard d’ici le 12 janvier 2026 compte tenu des échéances européennes de mise en oeuvre de la directive (UE) 2020/2184 susvisée.
Selon les situations locales, les solutions visant à rétablir la conformité dans les EDCH, consisteront en : le raccordement de la ressource impactée à une autre ressource en eau (total ou par dilution), une interconnexion avec une autre unité de distribution (UDI) délivrant une eau conforme pour une alimentation complète ou la mise en oeuvre de traitements de potabilisation. Vous vous assurerez
auprès de la PRPDE de l’efficacité et de la rapidité des travaux à conduire en obtenant un calendrier précis de réalisation. Il est demandé au préfet de venir en appui dès que nécessaire afin d’engager si besoin, une mise en demeure de conduire ces travaux en urgence. D’une manière plus générale, le préfet en tant que pilote en interministériel des services de l’État, assure un suivi appuyé des avancées des travaux de remise aux normes engagés par le PRPDE.
S’agissant des substances les plus préoccupantes que sont le PFOA et le PFOS
(1), il y a une urgence toute particulière, après confirmation du signal, à mettre en oeuvre les solutions visant à rétablir la conformité dans les EDCH. Si ces solutions ne peuvent pas être mises en oeuvre dans un délai satisfaisant et sur appréciation des autorités sanitaires locales, des restrictions de consommation alimentaire pourront être prises, en priorité pour les populations sensibles (femmes enceintes, nourrissons, personnes immunodéprimées).
En fonction de la connaissance du terrain et de l’expertise locale, les préfets, en lien avec les ARS, ont la possibilité d’adopter des mesures plus contraignantes s’ils l’estiment nécessaire.
À moyen terme, les PRPDE sont invitées à
rechercher des solutions permettant d’atteindre les niveaux en PFAS, et notamment PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA, les plus bas possibles.
(1) Classification CLP du PFOA et PFOS : toxique pour la reproduction de catégorie 1B (substances présumées toxiques pour la reproduction humaine) et cancérogène de catégorie 2 (substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme).
4/ Gestion des sources de contamination
Outre des recommandations concernant les modalités de gestion de la présence de PFAS dans les EDCH, le HCSP dans son avis du 9 juillet 2024, rappelle que la pollution des ressources en eau par des PFAS est la conséquence directe de sources multiples provenant des activités humaines (notamment industries, utilisation de mousse anti-incendie, épandage, déchetteries, etc.).
Aussi, les préfets coordonneront les travaux en interservices nécessaires à l’identification des sources de la contamination environnementale tenant compte de la forte persistance des PFAS dans l’environnement et donc la possible origine passée de la contamination constatée.
Ainsi, non seulement l’identification mais également la réduction des sources de contamination environnementale doivent constituer une priorité, notamment des sources en lien avec :
• des installations classées pour la protection de l’environnement ;
• la présence de bases militaires, d’aéroports et de sites d’entrainement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ;
• des dépôts sauvages.
Sous l’égide du préfet, les services compétents prendront toutes les mesures nécessaires pour faire cesser cette contamination. Un suivi des situations suspectées et confirmées est présenté lors de chaque Mission inter-services de l’eau et de la nature (MISEN).
5/ Cas particulier de l’acide trifluoroacétique (TFA)
Le TFA est classé comme PFAS selon la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, il n’est pas inclus dans les 20 PFAS de la réglementation sur les EDCH. La directive (UE) 2020/2184 a en effet privilégié, dans un 1er temps, la surveillance des PFAS les plus préoccupants pour la santé, en particulier ceux « à chaîne longue ». Le TFA est un PFAS à « chaîne courte ». Il peut être émis directement dans l’environnement par les sites industriels qui le synthétisent ou l’utilisent pour leur production. Il est également un métabolite de substances chimiques possédant un groupe trifluoro (CF3) et utilisées dans des usages divers (industriels, produits phytopharmaceutiques, médicaments, etc.).
Dans l’attente des travaux en cours de l’Anses sur cette molécule, les mesures de gestion adoptées en Allemagne en 2023 sur la base des données scientifiques disponibles
peuvent être retenues :
• utilisation de la valeur sanitaire indicative de 60 μg/L ;
• définition d’une trajectoire de réduction vers une concentration inférieure à 10 μg/L.
Pour la mise en oeuvre de cette instruction, il est attendu que les ARS transmettent à la DGS / bureau de la qualité des eaux, un point d’avancement mensuel de la situation locale.
Vous voudrez bien nous faire part, sous le présent timbre, des éventuelles difficultés rencontrées par vos services dans la mise en oeuvre de cette instruction.
Vu au titre du CNP par
la secrétaire générale adjointe
des ministères chargés des affaires sociales,
Sophie BARON
Pour la ministre et par délégation :
Le directeur général de la santé,
Dr Grégory EMERY