Recommandation (UE) 2025/1307 de la Commission du 2 juillet 2025 relative aux incitations fiscales visant à soutenir le pacte pour une industrie propre et à la lumière de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
- vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 292,
considérant ce qui suit:
(1) Le 29 janvier 2025, la Commission européenne a publié la communication relative à une boussole pour la compétitivité (1), qui énumère les actions prioritaires pour relancer le dynamisme économique en Europe. Elle énonce trois impératifs de transformation pour renforcer la compétitivité: 1) combler le retard d’innovation; 2) une feuille de route commune pour la décarbonation et la compétitivité; et 3) réduire les dépendances excessives et renforcer la sécurité.
(2) Le 26 février 2025, la Commission européenne a publié la communication sur le pacte pour une industrie propre (2). Le pacte pour une industrie propre expose la justification économique de la décarbonation en tant que source de croissance et de prospérité. S’appuyant sur la boussole pour la compétitivité et son pilier «décarbonation», le pacte pour une industrie propre établit une feuille de route commune pour la décarbonation et la compétitivité. Il confirme l’attachement de l’Union à ses objectifs climatiques, en offrant des incitations claires à l’industrie pour l’encourager à se décarboner en Europe, notamment au moyen de pratiques de l’économie circulaire, et, ce faisant, à renforcer la compétitivité de l’Union. L’objectif du pacte pour une industrie propre est donc de regrouper — et d’encourager — l’action pour le climat et la compétitivité dans le cadre d’une stratégie globale de croissance unique, tout en renforçant la résilience de l’Union. Il se concentre 1) sur les industries à forte intensité énergétique, qui ont besoin d’un soutien urgent pour décarboner, s’électrifier, accroître la circularité et faire face aux coûts élevés de l’énergie, à la concurrence déloyale au niveau mondial et à la complexité des réglementations, qui sont autant de facteurs qui limitent leur compétitivité; et 2) sur le secteur des technologies propres, qui est au coeur de la compétitivité future, est nécessaire à la transformation industrielle ainsi qu’à la décarbonation et fait progresser l’économie circulaire.
(3) Il est essentiel de mobiliser des ressources pour encourager les investissements privés afin d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’Union doit accroître d’environ 480 milliards d’EUR, par rapport aux dix années précédentes, ses investissements annuels dans l’énergie, l’innovation et l’expansion industrielles ainsi que dans le système de transport (3). À cet égard, il importe que les composantes des régimes des États membres relatifs à l’imposition des sociétés qui ont une incidence sur les décisions d’investissement privé fixent des signaux de prix favorables à l’énergie propre et qui ne compromettent pas d’autres politiques de décarbonation.
(4) Les incitations fiscales peuvent servir des objectifs généraux d’investissement et de croissance ou cibler des objectifs spécifiques, comme le soutien à l’adoption de nouvelles technologies propres ou l’encouragement des investissements dans la décarbonation industrielle. Elles peuvent donc pousser les entreprises à investir dans des actifs et des technologies propres qui revêtent un caractère stratégique pour la transition vers une économie circulaire et décarbonée.
(5) La communication sur le pacte pour une industrie propre annonçait que la Commission recommanderait aux États membres des mesures fiscales appropriées pour soutenir les investissements propres, notamment un raccourcissement des périodes d’amortissement pour les actifs de technologies propres et l’octroi de crédits d’impôt aux entreprises des secteurs stratégiques engagées dans la transition propre.
(6) Le nouvel encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre (4) autorise les aides d’État nécessaires et proportionnées qui attirent des investissements privés. Étant donné que cela peut également concerner des mesures fiscales, lorsque les mesures énoncées dans la présente recommandation comportent des aides d’État, il est rappelé aux États membres que l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre prévoit les règles de compatibilité pertinentes. Dans de tels cas, par conséquent, la recommandation doit être lue en combinaison avec ledit encadrement.
(7) L’élaboration d’une justification économique pour les produits décarbonés repose sur plusieurs facteurs. Les incitations fiscales devraient être considérées comme un élément au sein d’un ensemble évolutif de mesures qui comprend aussi des mesures transversales, telles que la tarification du carbone et la taxation de l’énergie, ainsi que des mesures concrètes du côté de la demande. Les entreprises ne réaliseront les investissements nécessaires que si elles sont certaines qu’il existe un marché pour leurs produits. Compte tenu de l’évolution du niveau de maturité technologique et, partant, du coût des produits respectifs, les incitations fiscales, l’ampleur de l’allègement qu’elles accordent et la définition des actifs admissibles devraient faire l’objet d’un réexamen régulier, outre le fait que tous ces éléments doivent être conformes à l’encadrement des aides d’État, le cas échéant. Ce processus de réexamen devrait tenir compte de l’intérêt pour les entreprises que les règles d’amortissement qui s’appliquent à leurs investissements et à leurs actifs soient stables et prévisibles.
(8) Le contenu de la présente recommandation s’appuie sur des consultations ciblées menées avec les États membres et les parties prenantes de secteurs spécifiques, qui jouent un rôle important dans la réalisation des objectifs du pacte pour une industrie propre. La recommandation se fonde aussi sur la consultation publique menée en vue de l’élaboration de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, qui comprenait un retour d’information sur les incitations fiscales faisant l’objet du présent texte (5).
(9) La présente recommandation définit des principes directeurs communs qui guideront les États membres lors de l’introduction des incitations fiscales en vue de contribuer aux objectifs du pacte pour une industrie propre, en se concentrant principalement sur les actions liées à l’impôt sur les sociétés. Le soutien apporté au déploiement de technologies propres et à la décarbonation industrielle varie d’un État membre à l’autre. Afin de garantir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises sur l’ensemble du marché intérieur et d’accroître la sécurité juridique, les incitations fiscales devraient, dans la mesure du possible, suivre des principes directeurs communs.
(10) Les détails du champ d’application, du type et de la conception des incitations fiscales que la recommandation suggère d’utiliser reposent sur les principes selon lesquels les incitations fiscales devraient présenter un bon rapport coût/ efficacité, être suffisamment ciblées, être aisées à comprendre et à utiliser pour les entreprises et les administrations, et constituer une aide certaine et rapide pour les entreprises lorsqu’elles prennent des décisions concernant des investissements propres. L’effet des incitations fiscales est maximisé lorsque les entreprises qui prennent des décisions concernant des investissements propres ont la certitude qu’elles pourront profiter pleinement de l’incitation mise en place dans un État membre et qu’elles en tireront les avantages assez rapidement après avoir réalisé l’investissement. La recommandation suggère donc de recourir, pour les investissements propres, à des règles accélérées en matière d’amortissement fiscal et à des règles de report des pertes. Elle recommande aussi que, lorsque cela est possible dans le cadre d’un système fiscal national, les États membres s’efforcent de rendre les crédits d’impôt remboursables et/ou d’autoriser qu’ils soient compensés avec un éventail d’impôts plus large que le seul impôt sur les sociétés.
(11) Les données empiriques tendent à indiquer que les incitations fiscales fondées sur les dépenses constituent un moyen plus efficace sur le plan des coûts de générer des investissements supplémentaires que les incitations fiscales fondées sur le revenu, comme la réduction des taux d’imposition des sociétés ou les régimes fiscaux favorables aux brevets. Les incitations fiscales fondées sur les dépenses peuvent être déduites de l’assiette de l’impôt, comme l’amortissement accéléré, ou de l’impôt dû, comme les crédits d’impôt. La présente recommandation se concentre sur les incitations fiscales fondées sur les dépenses.
(12) Les incitations fiscales déduites de l’assiette de l’impôt peuvent prendre la forme d’un amortissement accéléré, qui peut avoir des effets positifs importants sur les investissements productifs. Les règles d’amortissement sont un élément fondamental de la plupart des régimes d’imposition des sociétés et ont une incidence considérable sur l’assiette fiscale. Des règles d’amortissement fiscal plus lentes réduisent la valeur réelle pour les entreprises de la déduction fiscale relative aux investissements, en raison de l’inflation et du coût du capital pour l’entreprise. L’amortissement accéléré permet de comptabiliser fiscalement des charges d’amortissement plus élevées au cours des premières années de la durée de vie d’un actif. Il s’agit donc d’un report d’impôt plutôt que d’une réduction du montant de l’impôt finalement dû.
(13) La comptabilisation immédiate en charges est l’une des formes d’amortissement accéléré les plus favorables pour les contribuables, dans le cadre de laquelle le contribuable est en droit de comptabiliser la totalité du montant amortissable comme une déduction fiscale au cours de l’exercice fiscal pendant lequel l’investissement est réalisé. Cela réduit l’assiette fiscale de l’entreprise au cours de l’exercice fiscal de l’investissement, ce qui entraîne une réduction de l’impôt à payer et libère des fonds pour d’éventuels investissements. Par conséquent, la comptabilisation immédiate en charges et des règles accélérées en matière d’amortissement fiscal offrent un avantage de trésorerie aux entreprises, tout comme la réduction ou la suppression de l’incidence négative de l’impôt sur les sociétés sur les décisions d’investissement concernées.
(14) Les formules souples ou discrétionnaires d’amortissement permettent aux entreprises d’amortir les actifs à un moment qui leur convient, par exemple en différant la comptabilisation immédiate en charges si elles ne disposent pas d’un revenu imposable suffisant pour en tirer pleinement parti au cours d’une année donnée.
(15) Les incitations fiscales qui peuvent être déduites du montant de l’impôt finalement dû sont des crédits d’impôt. Avec les crédits d’impôt fondés sur les dépenses, le montant du crédit est calculé par rapport aux dépenses réellement engagées pour réaliser l’investissement en question. Les crédits d’impôt sont principalement octroyés dans le cadre du régime d’imposition des sociétés. L’efficacité et l’efficience des crédits d’impôt pour stimuler des investissements productifs supplémentaires dépendent des choix de conception, notamment de l’ampleur de l’allègement et de la flexibilité prévus, ainsi que du contexte économique dans lequel ils sont introduits. Certains crédits d’impôt peuvent avoir un effet similaire à celui des subventions, auquel cas les États membres devraient examiner soigneusement si et dans quel contexte les crédits d’impôt ou les subventions constituent la forme de soutien à l’investissement la plus appropriée.
(16) Certains contribuables peuvent enregistrer une perte ou des bénéfices imposables modestes au cours de l’année de l’investissement, ou au cours de certaines des années suivantes. Dans ce cas, il se peut que les contribuables ne soient pas en mesure, dans un premier temps, de bénéficier pleinement des dispositions en matière de comptabilisation immédiate en charges ou d’amortissement accéléré, ou de déduire la valeur d’un crédit d’impôt, en raison d’une charge fiscale insuffisante au titre de l’impôt sur les sociétés pour l’année en question. Afin de permettre à tous les contribuables de bénéficier pleinement et de manière égale des incitations fiscales, les États membres sont encouragés à mettre en oeuvre des dispositions généreuses permettant aux entreprises de reporter sur quatre ans les pertes et les crédits d’impôt non utilisés.
Les États membres sont aussi encouragés à étudier la possibilité d’accorder aux entreprises la possibilité de déduire une fraction ou le montant total de l’investissement en tant qu’amortissement fiscal au cours du premier exercice fiscal ou de tout autre exercice fiscal postérieur. Lorsque cela est possible dans le cadre de leur système national, les États membres devraient envisager d’autoriser les entreprises à compenser les crédits d’impôt avec un éventail plus large d’impôts. De plus, les États membres sont encouragés à étudier la possibilité de prévoir le remboursement de tous les montants de crédits d’impôt qui restent inutilisés après quatre ans.
(17) Le 5 mars 2025, la Commission a publié une communication relative au plan d’action industriel en faveur du secteur automobile (6) ainsi qu’une communication intitulée «Décarboner les flottes d’entreprise» (7). Elle a aussi annoncé une initiative législative visant à décarboner les flottes d’entreprises d’ici la fin de 2025, une recommandation sur les incitations fiscales et non fiscales du côté de la demande pour 2026 et un plan d’investissement dans les transports durables. Il est impératif que l’industrie automobile européenne non seulement surmonte, mais façonne également la transition vers des véhicules à émissions nulles. Accélérer l’adoption de véhicules à émissions nulles dans les flottes d’entreprise, en particulier, peut être bénéfique pour le secteur automobile européen et contribuer à accroître sa compétitivité et sa résilience. En ce qui concerne les voitures de fonction, le traitement fiscal constitue généralement un facteur essentiel pour déterminer le choix des véhicules. Les mesures fiscales, telles que les incitations fiscales et les principes énoncés dans la présente recommandation, offrent donc la possibilité d’accélérer considérablement la transition vers des véhicules à émissions nulles.
(18) Des procédures administratives simples, rapides et efficaces sont importantes pour accroître le recours aux incitations fiscales et faire en sorte que les entreprises tiennent pleinement compte des avantages que ces incitations peuvent leur apporter lorsqu’elles prennent leurs décisions d’investissement. Il est donc recommandé aux États membres de limiter au minimum les charges administratives liées au recours aux incitations fiscales, tout en concevant ces dernières de manière que les entreprises puissent en profiter pleinement et rapidement. Comme le souligne le pacte pour une industrie propre, tant pour les industries à forte intensité énergétique que pour les technologies propres, il est important que nous puissions produire les technologies du futur au sein de l’Union.
(19) Même si le règlement pour une industrie «zéro net» renforcera la compétitivité du secteur des technologies «zéro net», attirera des investissements et améliorera l’accès au marché des technologies propres dans l’Union, certains investissements dans les technologies propres pourraient nécessiter un soutien supplémentaire afin d’accroître les capacités dans l’Union. Cela permettrait d’accélérer la transition vers le «zéro net» et d’accroître la résilience européenne dans ce secteur, en particulier en vue de renforcer la chaîne de valeur européenne dans le domaine des technologies propres, contribuant ainsi à la valeur de référence de 40 % fixée par le règlement pour une industrie «zéro net». Outre les considérations précitées relatives à la résilience, les États membres sont encouragés à prendre en considération des objectifs sociaux afin d’anticiper les changements résultant de la transition vers une économie à zéro émission nette et de promouvoir un marché du travail plus équitable, caractérisé notamment par des salaires équitables, des conditions de travail décentes, des formations et des transitions professionnelles équitables. Cela contribuera à la création d’emplois de qualité et à leur durabilité, ainsi qu’à la réalisation des objectifs «zéro net».
(20) Il se peut que certains États membres doivent tenir compte des coûts budgétaires temporaires ou permanents liés à l’utilisation d’incitations fiscales pour stimuler les investissements propres. Dans ce cas, une option à la disposition des États membres consiste à examiner les possibilités de réduire les manques à gagner fiscaux. Cela pourrait consister notamment à réaliser une évaluation des coûts et des avantages des dépenses fiscales existantes, en particulier celles qui sont susceptibles de ne pas présenter un bon rapport coût/efficacité, de favoriser la consommation de combustibles fossiles et/ou de constituer des incitations qui ne sont pas conformes aux objectifs du pacte pour une industrie propre et du règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil(8)(loi européenne sur le climat). Pour garantir la cohérence et l’efficacité du dosage des mesures, il est essentiel de combiner les incitations fiscales en faveur des investissements propres avec d’autres stratégies qui continuent d’envoyer des signaux de prix appropriés aux activités présentant des externalités environnementales négatives, notamment en supprimant progressivement les subventions en faveur des combustibles fossiles. Les efforts en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales peuvent aussi contribuer à compenser le coût du soutien aux investissements propres, tout en rendant le bouquet fiscal global plus propice à l’investissement et à la croissance.
(21) Dans le cadre de la coordination envisagée dans le cadre du pacte pour une industrie propre, les États membres devraient informer la Commission des mesures nationales prises pour mettre en oeuvre la présente recommandation et de leur utilisation effective par les contribuables. Il est important d’évaluer l’efficacité des incitations fiscales à intervalles réguliers. Le cas échéant, les processus et forums existants de l’Union, notamment le groupe d’experts sur les structures des systèmes fiscaux ou le groupe de travail IV, peuvent également être utilisés pour étayer le suivi de la mise en oeuvre de la recommandation et pour échanger les bonnes pratiques, en utilisant aussi des solutions numériques pour accroître la transparence et l’efficacité. Ces mesures permettront aussi à la Commission de rendre compte à intervalles réguliers des mesures prises par les États membres pour mettre en oeuvre la recommandation, notamment en suivant de près, dans son rapport annuel sur le marché unique et la compétitivité, l’avancement de la réalisation des objectifs en matière de décarbonation et de compétitivité dans le cadre du pacte pour une industrie propre.
(22) Les mesures mises en oeuvre par les États membres en vertu de la présente recommandation sont sans préjudice des articles 107 et 108 du TFUE.
(23) Lorsque les incitations fiscales introduites pour mettre en oeuvre la présente recommandation comportent des aides d’État, l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre prévoit un ensemble spécifique de conditions pour que l’aide soit compatible avec le marché intérieur(9). Des crédits d’impôt, en particulier, peuvent être accordés jusqu’à certains plafonds, conformément à la section 6.1 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, afin de promouvoir les capacités de production de technologies propres. De plus, des aides d’État sous la forme, entre autres, de crédits d’impôt peuvent être accordées pour soutenir la décarbonation industrielle, dans le respect des conditions énoncées à la section 5 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre.
(24) En outre, lorsque des aides d’État sont octroyées au moyen de formules accélérées ou souples d’amortissement en vue de soutenir la demande d’équipements liés à la technologie «zéro net», la section 6.3 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre définit les conditions dans lesquelles ces incitations fiscales seront considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Ladite section 6.3 prévoit notamment que les actifs doivent être nouveaux et être principalement exploités pour les activités du bénéficiaire.
(25) Lorsque des aides d’État sous forme d’incitations fiscales, destinées à mettre en oeuvre la présente recommandation, ne relèvent pas du champ d’application de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, les États membres peuvent aussi envisager d’autres motifs de compatibilité au titre de l’article 107 du TFUE. Si les incitations satisfont aux exigences du règlement (UE) no651/2014 de la Commission(10)(RGEC), et en particulier à celles du chapitre III, section 7, elles sont exemptées de l’obligation de notification. D’autres mesures peuvent être notifiées au titre des lignes directrices concernant les aides au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie (CEEAG). La Commission encourage les États membres à exploiter pleinement les possibilités existantes pour atteindre les objectifs communs du pacte pour une industrie propre et traitera ces cas en priorité,
RECOMMANDE:
1. Principes généraux
1.1. La présente recommandation définit des principes directeurs communs qui guideront les États membres lors de l’introduction et de la conception des incitations fiscales en vue de contribuer aux objectifs du pacte pour une industrie propre. Elle vise à soutenir les investissements propres, c’est-à-dire les investissements dans les capacités de production de technologies propres, la demande de technologies propres et la décarbonation de l’industrie, dans le cadre d’un ensemble de mesures plus large et évolutif.
1.2. Les dispositions de la recommandation sont sans préjudice des articles 107 et 108 du TFUE et de l’encadrement des aides d’État applicable. Il s’agit notamment de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre. Lors de la mise en oeuvre de la présente recommandation, et dans la mesure où les mesures fiscales comportent des aides d’État et couvrent le même champ d’application que l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, les sections pertinentes dudit encadrement définissent les conditions pour que l’aide soit compatible avec le marché intérieur (11) sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du traité. Il est recommandé aux États membres de tenir compte, le cas échéant, du caractère temporaire de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre.
1.3. Lorsqu’ils introduisent des incitations fiscales visant à contribuer à la réalisation des objectifs du pacte pour une industrie propre, les États membres sont vivement encouragés à concevoir ces incitations en tenant dûment compte des grands principes qui sous-tendent l’utilisation judicieuse et efficace par rapport à leurs coûts des incitations fiscales dans le cadre d’un système fiscal sain et efficace.
1.4. Le champ d’application, le type et la conception des incitations fiscales préconisées par la présente recommandation reposent sur les principes selon lesquels les incitations fiscales devraient présenter un bon rapport coût/efficacité, être suffisamment ciblées, être aisées à comprendre et à utiliser pour les entreprises et les administrations, ne pas être applicables aux investissements dans les infrastructures liées aux combustibles fossiles et/ou les machines qui consomment des combustibles fossiles, et constituer une aide certaine et rapide pour les entreprises lorsqu’elles prennent des décisions concernant des investissements propres. Il convient que les incitations fiscales en faveur des investissements propres soient conçues de manière que les entreprises qui prennent des décisions d’investissement profitent pleinement d’une incitation mise en place dans un État membre, et cela de manière relativement rapide. Sur cette base, la recommandation suggère de recourir, pour les investissements propres, à des règles accélérées en matière d’amortissement fiscal, jusqu’à la comptabilisation immédiate en charges, et à des règles de report des pertes. Elle recommande aussi que, lorsque cela est possible dans le cadre d’un système fiscal national, les États membres s’efforcent de rendre les crédits d’impôt remboursables et/ou d’autoriser qu’ils soient compensés avec un éventail d’impôts plus large que le seul impôt sur les sociétés.
1.5. Les États membres sont également vivement encouragés à associer l’introduction d’incitations fiscales contribuant aux objectifs du pacte pour une industrie propre à d’autres actions visant à réduire et à supprimer à terme les subventions aux combustibles fossiles.
2. Des crédits d’impôt en vue de garantir une capacité de production suffisante dans le domaine des technologies propres et aux fins de la décarbonation de l’industrie
2.1. Il est recommandé aux États membres de prévoir un allègement fiscal sous la forme d’un crédit d’impôt pour les projets d’investissement qui créent des capacités de production supplémentaires en ce qui concerne les produits finaux, les principaux composants spécifiques et les matières premières critiques, visés à la section 6.1 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre.
2.2. Lorsqu’ils octroient des aides d’État sous la forme de crédits d’impôt pour mettre en oeuvre le point 2.1, les États membres doivent respecter les conditions de compatibilité énoncées à la section 6.1 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre. Ladite section prévoit en particulier que le montant de l’aide ne doit pas dépasser 150 millions d’EUR par projet et l’intensité d’aide maximale de 15 % des coûts admissibles lorsque le projet d’investissement a lieu en dehors de zones assistées, ou 200 millions d’EUR ou 350 millions d’EUR par projet et l’intensité d’aide maximale de 20 % ou 35 % des coûts admissibles lorsque le projet d’investissement a lieu dans certaines zones assistées spécifiques. L’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre permet également d’augmenter l’intensité de l’aide lorsque les projets sont réalisés par des petites et moyennes entreprises.
2.3. Il est également recommandé aux États membres d’encourager et de prévoir un allègement fiscal sous la forme d’un crédit d’impôt pour les investissements qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre ou améliorent l’efficacité énergétique des activités industrielles, en particulier à l’intention des entreprises qui mettent en oeuvre et publient des plans de transition conformes à la loi européenne sur le climat.
2.4. Lorsqu’ils octroient des aides d’État sous la forme d’avantages fiscaux pour mettre en oeuvre le point 2.3, les États membres doivent respecter les conditions de compatibilité énoncées à la section 5 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre. Ladite section prévoit en particulier que le montant de l’aide ne doit pas dépasser 200 millions d’EUR par projet et que l’intensité de l’aide peut être comprise entre 20 % et 60 % en fonction du type d’investissement. Elle prévoit également que l’intensité de l’aide peut être augmentée lorsque les projets sont réalisés par des petites et moyennes entreprises (12).
2.5. Le crédit d’impôt correspondant aux coûts admissibles supportés au cours d’un exercice fiscal doit être déduit principalement de l’impôt sur les sociétés dû par le contribuable. Si le crédit d’impôt n’est pas utilisé intégralement au cours de l’exercice fiscal concerné, il est recommandé aux États membres d’autoriser le report du solde du crédit d’impôt pendant quatre ans. Lorsque cela est possible dans le cadre de leur régime national, les États membres pourraient également autoriser les contribuables à compenser les crédits d’impôt sur d’autres impôts nationaux dus.
2.6. Si le report est appliqué et que le crédit d’impôt n’a toujours pas été utilisé intégralement au bout de quatre ans, il est recommandé aux États membres de rembourser le solde au contribuable à cette échéance. Ce remboursement doit respecter, le cas échéant, les dispositions relatives aux crédits d’impôt remboursables qualifiés qui sont énoncées dans la directive (UE) 2022/2523 du Conseil (13).
3. Des crédits d’impôt accrus pour les projets d’investissement contribuant à la résilience
3.1. Sans préjudice des conditions de compatibilité énoncées à la section 6.1 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, lors de la conception des crédits d’impôt pour les projets d’investissement visés au point 2.1, les États membres sont encouragés à inclure des objectifs en matière de résilience, pour autant que cette inclusion soit conforme au droit de l’Union et aux obligations internationales de l’Union. À cet égard, des crédits d’impôt plus élevés sont envisageables. Dans cette perspective, les États membres sont encouragés à accorder une attention particulière aux conditions de conception suivantes:
- a) le projet d’investissement conduit à la production d’un produit final «zéro net» ou d’un composant spécifique principal «zéro net» pour lequel le niveau de dépendance à l’égard d’un seul pays tiers est élevé, conformément à l’acte d’exécution et aux informations actualisées publiées en application de l’article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) 2024/1735 du Parlement européen et du Conseil (14);
- b) le projet d’investissement a été reconnu en tant que projet stratégique conformément à l’article 13 et à l’article 14 du règlement (UE) 2024/1735;
- c) le projet d’investissement est situé dans une zone désignée par les États membres comme vallée d’accélération de la technologie «zéro net» conformément à l’article 17 du règlement (UE) 2024/1735;
- d) le projet d’investissement a fait l’objet d’une évaluation positive au titre du Fonds pour l’innovation et a obtenu le «label de souveraineté» visé à l’article 4 du règlement (UE) 2024/795 du Parlement européen et du Conseil (15); ou
- e) le projet d’investissement a été reconnu en tant que projet stratégique conformément à l’article 6 et à l’article 7 du règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil (16).
4. Un amortissement accéléré à des fins fiscales en vue de soutenir la demande d’équipements liés aux technologies propres, jusqu’à la comptabilisation complète et immédiate en charges
4.1. Il est recommandé aux États membres de prévoir un allègement fiscal sous la forme d’un amortissement accéléré, jusqu’à la comptabilisation complète et immédiate en charges, des coûts supportés au cours d’une période imposable pour l’acquisition ou la location d’équipements liés aux technologies propres, définis au point 182 de la section 6.3 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre.
4.2. Lors de la mise en oeuvre du point 4.1, il est recommandé aux États membres de donner la priorité à l’amortissement complet et immédiat de ces coûts ou au taux d’amortissement le plus élevé autorisé par les règles fiscales nationales. Lorsqu’une comptabilisation complète immédiate en charges n’est pas autorisée, il est recommandé aux États membres de permettre qu’un montant égal au moins à 30 % des coûts admissibles puisse être comptabilisé au cours de l’année d’acquisition.
4.3. Lorsqu’ils octroient des aides d’État sous la forme d’un amortissement accéléré pour mettre en oeuvre les points 4.1 et 4.2, les États membres doivent respecter les conditions de compatibilité énoncées à la section 6.3 de l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre. Cela signifie en particulier que les actifs doivent être nouveaux et être principalement exploités pour les activités du bénéficiaire. Ladite section prévoit en outre qu’il n’est pas nécessaire de calculer un équivalent-subvention brut et que l’amortissement accéléré peut être prévu en sus de toute autre aide d’État, ou d’un soutien provenant de financements de l’Union gérés de manière centralisée, pour les mêmes coûts admissibles. Il convient de ne pas appliquer la comptabilisation immédiate en charges pour les actifs amortissables sur une période de plus de 15 ans (17).
4.4. Il est également recommandé aux États membres de laisser une certaine marge de manoeuvre aux contribuables pouvant prétendre au bénéfice de l’amortissement accéléré, en leur permettant de décider du calendrier d’amortissement à appliquer au montant total amortissable de ces actifs. Les contribuables pourraient alors choisir d’appliquer soit l’amortissement standard, l’amortissement accéléré du montant total amortissable de ces actifs, soit l’amortissement accéléré d’une fraction seulement de ce montant («amortissement discrétionnaire»).
4.5. Sans préjudice de l’application des règles en matière d’aides d’État, les États membres pourraient également envisager de rendre les véhicules à émissions nulles des flottes d’entreprise (18) admissibles au bénéfice de l’amortissement accéléré. Lorsque de telles mesures comportent des éléments d’aide d’État, le règlement (UE) n°651/2014, et notamment son chapitre III, section 7, prévoit des conditions et des seuils pour que l’aide soit compatible avec le marché intérieur et exemptée de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE.
5. Un amortissement accéléré accru pour l’acquisition d’équipements liés aux technologies propres qui contribuent à la résilience
5.1. Pourvu qu’ils tiennent dûment compte des conditions de compatibilité applicables énoncées dans l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre ou dans le RGEC, les États membres sont encouragés à prévoir la forme d’amortissement accéléré la plus généreuse pour les coûts d’acquisition ou de location visés aux points 4.1 et 4.5, et qui contribuent à la résilience, à condition que ce traitement soit conforme au droit de l’Union et aux obligations internationales de l’Union.
5.2. Lors de la mise en oeuvre du présent point, en vue de garantir que les produits finaux «zéro net» spécifiques bénéficiant d’un soutien contribuent à la résilience, les États membres sont encouragés à s’inspirer du droit dérivé adopté sur la base de l’article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) 2024/1735.
6. Mise en oeuvre et établissement de rapports
6.1. Les États membres sont invités à appliquer les incitations fiscales décrites dans la présente recommandation. Dans un premier temps, les États membres sont invités à informer la Commission européenne, au plus tard le 31 décembre 2025, des mesures introduites ou annoncées pour mettre en oeuvre la présente recommandation, ainsi que de toutes les mesures similaires déjà en place et de leurs modifications. Les forums existants, en particulier le groupe d’experts sur les structures des systèmes fiscaux, et les outils de communication d’informations existants, en particulier le questionnaire conjoint CE-OCDE sur les réformes fiscales, seront également pris en considération aux fins de l’établissement de rapports sur la mise en oeuvre de la présente recommandation et aux fins du suivi de cette mise en oeuvre.
6.2. Il est recommandé aux États membres d’évaluer régulièrement l’efficacité des mesures qu’ils ont prises pour mettre en oeuvre la présente recommandation et d’échanger les bonnes pratiques dans le cadre d’un forum de l’Union existant.
Fait à Bruxelles, le 2 juillet 2025.
Par la Commission
Membre de la Commission
Wopke HOEKSTRA
(1) COM(2025) 30 final.
(2) COM(2025) 85 final.
(3) SWD(2023) 68 final — Entre 2021 et 2030.
(4) C(2025) 7600 final; communication de la Commission «Encadrement des aides d’État visant à soutenir le pacte pour une industrie propre (encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre)» du 25 juin 2025.
(5) Voir à l’adresse suivante: https://competition-policy.ec.europa.eu/public-consultations/2025-cisaf_en.
(6) COM(2025) 95 final.
(7) COM(2025) 96 final. Il n’existe actuellement aucune définition, dans la législation de l’Union, de ce qui constitue une flotte d’entreprise. Aux fins de ladite communication, tous les véhicules immatriculés par une personne morale (par opposition à une personne physique) sont considérés comme des véhicules d’entreprise. À l’exception, entre autres, des ambulances, des camions de pompiers, etc.
(8) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n°401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat») (JO L 243 du 9.7.2021, p. 1, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2021/1119/oj).
(9) La recommandation doit être lue en liaison avec l’encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre, y compris toute modification éventuellement apportée à cet encadrement dans les années à venir.
(10) Règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO L 187 du 26.6.2014, p. 1, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2014/651/oj). Le prochain réexamen du RGEC rationalisera en outre ses conditions et sa gestion.
(11) Les aides ne peuvent concerner la réduction d’impôts ou de prélèvements reflétant les coûts essentiels de la fourniture d’énergie ou de services connexes (par exemple, des frais d’accès au réseau ou des redevances finançant les mécanismes de capacité).
(12) Encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre Requête, points 154 et 155.
(13) Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 15 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union (JO L 328 du 22.12.2022, p. 1, ELI: http://data.europa.eu/eli/dir/2022/2523/oj).
(14) Règlement (UE) 2024/1735 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie «zéro net» et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (JO L, 2024/1735, 28.6.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2024/1735/oj).
(15) Règlement (UE) 2024/795 du Parlement européen et du Conseil du 29 février 2024 établissant la plateforme Technologies stratégiques pour l’Europe (STEP) et modifiant la directive 2003/87/CE et les règlements (UE) 2021/1058, (UE) 2021/1056, (UE) 2021/1057, (UE) n°1303/2013, (UE) n°223/2014, (UE) 2021/1060, (UE) 2021/523, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697 et (UE) 2021/241 (JO L, 2024/795, 29.2.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2024/795/oj).
(16) Règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n°168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020 (JO L, 2024/1252, 3.5.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2024/1252/oj).
(17) Encadrement des aides d’État dans le cadre du pacte pour une industrie propre Requête, point 181, note de bas de page 103.
(18) COM(2025) 96 final. Il n’existe actuellement aucune définition, dans la législation de l’Union, de ce qui constitue une flotte d’entreprise. Aux fins de la présente communication, tous les véhicules immatriculés par une personne morale (par opposition à une personne physique) sont considérés comme des véhicules d’entreprise. À l’exception, entre autres, des ambulances, des camions de pompiers, etc.
Source Légifrance